Lecture du livre de la Sagesse 7, 7-11
La sagesse de Dieu est préférable à la lumière parce que sa clarté ne s’éteint pas. Qu’est-elle donc, sinon Jésus lui-même ?
J’ai prié, et le discernement m’a été donné. J’ai supplié, et l’esprit de la Sagesse est venu en moi. Je l’ai préférée aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle, j’ai tenu pour rien la richesse ; je ne l’ai pas comparée à la pierre la plus précieuse ; tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un peu de sable, et, en face d’elle, l’argent sera regardé comme de la boue. Plus que la santé et que la beauté, je l’ai aimée ; je l’ai choisie de préférence à la lumière, parce que sa clarté ne s’éteint pas. Tous les biens me sont venus avec elle et, par ses mains, une richesse incalculable. Parole du Seigneur. – Parole du Seigneur.
Commentaire : la sagesse qui selon la Bible est l’art de se conduire et de gouverner les autres, est plus qu’une intelligence des évènements : elle est de confronter au dessein divin et d’évaluer leurs sens et leur portée à sa lumière. Aussi le Sage a-t-il préféré l’esprit de la sagesse à la puissance, à la richesse, à la santé et à la beauté. En effet, que sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à ruiner sa vie ? Mais cette sagesse n’est point refus des responsabilités, ni celle du pouvoir ni celles du détenteur de la richesse. Elle est d’en faire un service des hommes et du projet de Dieu.
Et moi, à quoi est-ce que je donne le plus de prix dans ma vie ?
Psaume 89
R/ Rassasie-nous de ton amour, Seigneur : nous serons dans la joie.
- Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse. Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.
- Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants. Rends-nous en joies tes jours de châtiment et les années où nous connaissions le malheur.
- Fais connaître ton œuvre à tes serviteurs et ta splendeur à leurs fils. Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu ! Consolide pour nous l'ouvrage de nos mains ; oui, consolide l'ouvrage de nos mains.
Lecture de la lettre aux Hébreux 4, 12-13
La parole de Dieu est vivante, elle perce les secrets des cœurs. Laissons-la nous révéler à nous-mêmes.
Frères, elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur. Pas une créature n’échappe à ses yeux, tout est nu devant elle, soumis à son regard ; nous aurons à lui rendre des comptes. Parole du Seigneur. – Parole du Seigneur.
Commentaire : La parole de Dieu juge l’homme. Entendons par là qu’elle révèle le fond de son cœur, ce à quoi il est attaché, les motivations secrètes de ses projets. Elle montre en qui l’homme a mis sa confiance : Dieu ou lui, à quoi il destine sa vie : briller et paraître à ses propres yeux et aux yeux des hommes, ou « être » devant Dieu ? Mais la parole de Dieu ne vient pas contester l’homme pour le condamner, mais pour le faire changer de route. Au dernier jour seulement, quand nous lui rendrons des comptes, elle sera notre avocat ou notre accusateur selon que nous aurons misé notre vie sur elle ou non.
La Parole vivante qui pénètre au plus profond de l’âme, c’est toi, Jésus, qui viens nous éclairer, nous convertir et nous purifier.
Alléluia. Alléluia. Heureux les pauvres de cœur car : le royaume des Cieux est à eux ! Alléluia.
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 10, 17-30
Si l’homme riche avait suivi Jésus, il aurait connu la joie. Mais il a préféré ses biens, et il est reparti tout triste.
En ce temps-là, Jésus se mettait en route quand un homme accourut vers lui, se mit à ses genoux et lui demanda : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Jésus lui dit : « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère ». L’homme répondit : « Maître, j’ai observé tous ces commandements depuis ma jeunesse ». Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer. Il lui dit : « Une seule chose te manque : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel ; puis viens et suis-moi ». Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.
Alors Jésus regarde autour de lui et dit à ses disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! » Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Mais Jésus reprend la parole leur dit : « Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu ». De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux : « Mais alors, qui peut être sauvé ? » Jésus les regarde et répond : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu ».
Pierre se mit à dire à Jésus : « Voilà que nous avons tout quitté pour te suivre ». Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : personne n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre, sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions et, dans le monde à venir, la vie éternelle ». – Acclamons la Parole de Dieu.
Commentaire : La réponse que Jésus donne à cet homme le renvoie aux commandements dont l’observance, selon les promesses de l’Ancien Testament, assurait d’hériter la vie éternelle. Cet homme réclame manifestement davantage de Maître auquel il s’adresse, sans doute un commandement de plus, une œuvre méritoire supplémentaire. Jésus lui demande tout ! L’échec de cette vocation de disciple stupéfait les apôtres : la richesse est-elle donc un si grand obstacle à l’entrée dans le Royaume ? Oui, déclare Jésus, mais l’acceptation du règne de Dieu est par elle-même impossible aux hommes sans l’aide de Dieu. Celui qui aura accepté de tout perdre, et pas seulement son argent, pour le Christ et l’Évangile, celui-là seul réussira sa vie, non sans bien des obstacles et des persécutions ; lui seul obtiendra la vie éternelle que désirait l’homme riche qui aborda Jésus.
Quand nous en arrivons à désespérer d’un enfant du catéchisme ou d’un jeune d’une équipe, nous rappeler l’échec de Jésus vis-à-vis de l’homme riche. Mais nous dire aussi comme lui : « Rien n’est impossible à Dieu ».
Homélie
L'Évangile de ce dimanche est une mise en garde solennelle contre le pouvoir d’asservissement de toutes les richesses quelles qu’elles soient, car elles stoppent ou tout au moins elles freinent considérablement les plus beaux élans vers cette perfection évangélique, cette sainteté à laquelle nous sommes tous appelés et qui est le seul bien désirable. Ce qui ne peut pas manquer de frapper tout lecteur attentif de l'Évangile, c’est le fait que Jésus, lui, a choisi la pauvreté ; il est né pauvre, il a grandi en travaillant de ses mains dans un métier de pauvre. Durant sa vie publique il n’a pas eu une pierre ou reposer sa tête. Mais il n’a pas vécu pour autant dans la misère ni l’indignité. Le groupe qu’il formait avec les douze avait bourse commune, des personnes aisées les assistaient de leurs biens. Les miracles furent généreux tant pour la soif que pour la faim, il honorait volontiers les repas avec une liberté qui contrastait avec la rude ascèse de Jean-Baptiste.
Liberté : tel est bien le mot-clé de l’attitude de Jésus. Jésus était parfaitement libre, en effet, de toute convoitise et de toute anxiété au sujet de la possession ou de l’entretien des biens terrestres, libre aussi de tout ressentiment, même secret, contre les biens dont il ne jouissait pas. Sans doute les biens de la terre étaient-ils, pour lui aussi, des biens. Mais toute son énergie spirituelle d’esprit et de cœur était orientée vers Dieu, résolument centrée sur Dieu. Cette attitude du Christ doit être aussi la nôtre, frères et sœurs, car l’argent n’est pas seulement un mauvais maître, il est aussi, quoiqu’on en dise, un serviteur dangereux.
- Dangereux parce qu’en raison de la fausse sécurité qu’il procure, il tend à remplacer Dieu dans le cœur de l’homme.
- Dangereux parce que la richesse encombre la vie, préoccupe l’esprit, colle aux mains et au cœur. La richesse séduit celui qui ne devrait être séduit que par Dieu « là où est votre trésor, là est votre cœur » affirme Jésus.
C’est tout le drame de ce jeune riche de l'Évangile: il est placé dans l’alternative de suivre Jésus ou de s’en aller vers ses grands biens. La richesse, nous le savons bien, c’est tout à la fois l’orgueil qui éclabousse les voisins, la servitude d’un rang à tenir, le vertige de la domination, l’escalade du à qui mieux mieux, la possibilité de pouvoir tout se payer, l’affrontement des jalousies et bien sûr, l’égoïsme du tout pour soi... Et la charité en meurt avec la justice... Le pauvre aussi en meurt puisque le riche refuse de partager avec lui en donnant son superflu...
Voilà pourquoi Jésus affirme qu’au plan du salut les riches sont en situation périlleuse : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu ».
Il faut avoir le courage de dire avec l'Évangile que la richesse met vraiment l’homme en état de perdition sans quoi la parole de Jésus n’a plus de sens... Pourtant le même Évangile nous montre des riches entrant dans le Royaume : pensons par exemple aux Mages, à Nicodème, à Matthieu, à Zachée... Le riche a donc des chances de se sauver... Oui, à condition de passer par le trou de l’aiguille, c’est-à-dire à condition de ne pas résister à la grâce du Christ qui rend pauvre de cœur. Car Dieu, bien sûr, peut toujours toucher et changer le cœur du riche... Les Mages alors deviennent capables de quitter leur confort et d’offrir leurs trésors, Matthieu devient capable d’abandonner son bureau de percepteur pour suivre Jésus, Zachée devient capable de restituer au quadruple l’argent mal acquis et de donner la moitié de ce qui reste aux pauvres. Le riche peut donc se sauver à condition de se sentir foncièrement et constamment pauvre, à condition d’être assez détaché de ses biens pour pouvoir partager généreusement... Un chrétien ne peut donc garder des richesses que par devoir et dans les limites du devoir. Retenir plus d’argent qu’il ne faut, compte tenu bien sûr de sa situation, c’est aimer l’argent et par conséquent c’est mépriser Dieu. « Vous ne pouvez pas aimer Dieu et l’argent... »
La question qui se pose au possédant chrétien n’est donc pas : que suis-je obligé de garder ? Sous-entendu : je désire donner le plus possible. Vous allez me dire que pareille attitude tient du miracle. Jésus répond que rien n’est impossible à Dieu.
Avec sa grâce nous pouvons devenir de véritables pauvres selon l’Evangile, car, faut-il encore le redire, personne s’il veut être sauvé, ne sera dispensé de la pauvreté volontaire.
L’illusion du riche, voyez-vous, c’est de croire qu’il a le cœur pauvre alors que, concrètement, il ne se dépouille de rien et pareillement l’illusion du nécessiteux c’est de croire qu’il est en état de salut parce qu’il a les poches vides... Le pauvre qui envie, qui jalouse, qui cherche – non pas simplement à vivre décemment – mais à s’enrichir, celui-là est en tout semblable au riche qui garde égoïstement son avoir. Tous les deux sont hors du Royaume parce que tous les deux sont riches en esprit : ils ont une mentalité de riche. En fait ils ont l’un et l’autre de l’argent plein le cœur.
Or, nous le savons bien, ce que Dieu regarde c’est le cœur. Voilà pourquoi Jésus a dit (c’est la première béatitude) : « Heureux ceux qui ont un cœur de pauvre », un cœur réellement détaché.
Pierre et les apôtres ont tout quitté... A nous, certes, le Seigneur ne demande pas de tout quitter, car les vocations sont diverses. L’Exigence de pauvreté évangélique varie selon les situations familiales, sociales et économiques... C’est à chacun qu’il appartient de juger en conscience devant Dieu ce qu’il a le devoir de garder et le devoir de donner... Mais le conseil de détachement des richesses est pour tous, sans exception.
L’important, en définitive, c’est de savoir si, oui ou non Dieu est tout pour nous, si, oui ou non, notre cœur veut être tout entier au Seigneur... En somme, nous avons à choisir entre l’Amour et la richesse, entre le clinquant qui brille un moment et la clarté qui ne s’éteint pas, entre la sagesse de Dieu et celle des hommes, cette sagesse de Dieu qui s’est incarnée en Jésus « lui qui de riche qu’il était s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté » selon la belle expression de saint Paul.
Prions intérieurement, par l’intercession de Marie, la Vierge des Pauvres, pour que le Seigneur nous donne la force de faire le bon choix : Notre Mère Spirituelle.
Amen.