Nous sommes au cœur de la grande semaine consacrée à cette œuvre capitale qu’est le retour à l’Unité de tous les chrétiens du monde : catholiques, orthodoxes, protestants et anglicans. Durant cette semaine, en réfléchissant à cette situation scandaleuse que constitue la division des églises, nous aurons peut-être mieux compris que nous sommes tous concernés, tous appelés à travailler chacun selon sa grâce dans la grande entreprise de l’œcuménisme ainsi que nous l’a demandé le Concile Vatican II. Il déclare, en effet que le soin de rétablir l’unité incombe à toute l’Eglise aussi bien aux fidèles qu’aux pasteurs. Certes, des progrès ont été réalisés depuis plus de 50 ans sur ce rude chemin de l’Unité. Entre les frères séparés, le climat a complètement changé : les chrétiens de toutes les confessions ont cessé de s’ignorer ou de se suspecter : ils ont appris à se regarder avec des yeux neufs, ils savent se respecter, s’estimer et s’aimer, s’efforçant de considérer plutôt ce qui les unit que ce qui les divise… Ils restent bien conscients de leurs désaccords, mais ils en débattent dans la sérénité. Il leur arrive assez souvent de prier en commun et ils s’accordent pour agir ensemble dans bien des domaines (dans des œuvres caritatives par exemple). Ce renouveau dans les relations entre chrétiens de différentes églises nous le devons à la foi profonde de tous ceux qui en furent les promoteurs et à la prière de plus en plus fervente des uns et des autres. Quand on mesure le chemin parcouru, on ne peut que rendre grâces au Seigneur, mais il faut bien se garder de toute illusion, car les obstacles les plus importants demeurent et ils sont humainement insurmontables. Pour qu’ils puissent être levés il ne faudra rien moins qu’une intervention tout à fait exceptionnelle de Dieu : c’est pourquoi seule la prière qui croit au miracle et qui rend l’impossible possible pourra nous obtenir cette grâce suprême.
Jésus, nous le savons a été le premier à prier pour l’Unité de tous ses disciples « Père, qu’ils soient un comme Toi et moi nous sommes un. » Et c’est avant tout, cette prière du Christ qui fonde notre Espérance ; c’est dans le mouvement de cette prière qu’il nous faut entrer si nous voulons êtres exaucés ou plutôt c’est le Christ priant qu’il nous faut inviter à venir prier au milieu de nous et en chacun de nous, car nous ne savons pas prier comme il faut… Ah ! si nous pouvions comprendre que le fait de prier, le simple fait de prier est déjà un puissant facteur d’unité ! Car dites-moi, le premier effet de la prière n’est-il pas tout d’abord de nous unir à Dieu, de nous mettre en communion avec Lui et de nous unir en même temps à tous nos frères, en vertu du mystère de notre solidarité dans le Christ ?
Oui, parce qu’elle est union à Dieu et source de charité la prière agit efficacement pour détruire les germes de division que le péché a semés dans les cœurs. Si elle est assez humble, si elle est confiante et persévérante, elle est capable de faire disparaître tous ces obstacles qui, trop souvent, nous séparent les uns des autres.
Cependant, frères et sœurs, pour avancer sur le chemin de l’Unité il ne suffit pas de prier, il faut aussi agir, car s’il est vrai que nous ne pouvons rien faire sans Dieu, il est tout aussi vrai que Dieu ne veut rien faire sans nous. Jésus a dit « qu’ils soient un pour que le monde croie ». Cela veut dire que le monde ne se convertira que si les chrétiens sont vraiment unis dans la Vérité et dans l’Amour, que si les chrétiens par conséquent, déploient tous leurs efforts, toute leur générosité pour réaliser concrètement cette unité… Ici, chacun doit comprendre que cela requiert de sa part une conversion permanente. Oui, nous avons à changer notre mentalité et notre attitude en ce qui concerne surtout nos relations mutuelles, car nos rapports humains, reconnaissons-le très loyalement, ne sont pas toujours imprégnés de l’esprit évangélique…
Est-ce que nous pouvons affirmer sans mentir que nous nous aimons vraiment les uns les autres à la manière de Jésus ? Sommes-nous capables, en particulier, de nous pardonner mutuellement nos torts, capables de nous réconcilier autant de fois que c’est nécessaire. Sommes-nous miséricordieux les uns les autres, comme notre Père est miséricordieux envers nous ? Car c’est là, en définitive, que réside le secret de l’Unité. L’Unité peut se faire que dans la charité. Il importe que nous fassions très souvent sur ce point notre examen de conscience. Que faisons-nous dans la vie quotidienne pour nous aimer effectivement comme des frères ? Sommes-nous accueillants, attentifs, bienveillants, disponibles pour rendre service ? Y-a-t-il de plus en plus entre nous compréhension, sympathie, échange, communion aux joies et aux peines et cela parce que nous avons conscience d’être les membres d’une même famille, les enfants d’un même Père ? A quoi bon faire l’union des Eglises, si les chrétiens ne s’aiment pas ? A quoi bon l’union au sommet s’il n’y a pas l’union à la base ?
Frères et sœurs, comme chaque semaine, nous sommes rassemblés pour l’Eucharistie, Cœur de la Vie Chrétienne, Sacrement par excellence de l’Unité. Mais à quoi bon nous rassembler autour de l’autel chaque dimanche, à quoi bon faires des gestes d’union si cela ne se traduit pas dans le reste de la vie par des gestes de charité fraternelle grâce auxquels on devient plus proches les uns des autres… Au cours de l’Eucharistie, Jésus par le ministère du prêtre change le pain en son Corps… Ces membres si souvent isolés ou paralysés que nous sommes, qui se trouvent dispersés un peu comme des pièces détachées, Jésus veut par la grâce de l’Eucharistie, par la communion à son sacrifice rédempteur les réunir et les souder si fort qu’ils ne fassent plus qu’un en Lui. « Parce qu’il n’y a qu’un Pain, nous dit saint Paul, à plusieurs nous ne sommes qu’un Corps, car nous participons à ce Pain Unique ».
Comment oserions-nous, chers frères et sœurs, après nous être unis dans le Christ déchirer à nouveau ce Corps, le diviser par nos mépris, nos médisances, nos hostilités, bref par tous nos refus d’aimer. Pour des non-chrétiens, pour les incroyants il y a le scandale séculaire de la division des églises, mais il y a, à l’heure actuelle un autre scandale qui est bien plus affligeant et encore plus destructeur, c’est celui de la division de notre Eglise Catholique. Il appartient à chacun de nous de le faire cesser.
Que la Vierge Marie, Mère de l’Eglise, Mère de l’Unité nous obtienne la grâce de briller et de réchauffer comme autant de Foyers de Lumière et d’Amour dans l’hiver ténébreux et glacé de ce monde en crise qui est le nôtre.
Que nos familles, que nos communautés, vivifiées par l’Amour exercent à nouveau cette attraction irrésistible qui au début du christianisme convertissait les païens en si grand nombre.
Que tous ceux qui doutent et qui cherchent puissent découvrir dans le rayonnement de notre charité, et dans la solidarité de notre Unité le visage du Christ ressuscité, unique Sauveur du monde.
Oui, soyons UN pour que le monde croie.
Amen.