Hommage du Pape François à saint Jean-Paul II
Pour la fête de saint Jean-Paul II (1920-2005), le 22 octobre 2016, le pape François a rendu hommage à la « force » et au « courage » de son prédécesseur. Il a aussi fait mémoire de son voyage « inoubliable » en Pologne trois mois plus tôt.
À l’occasion de l’audience jubilaire place Saint-Pierre, le pape a réservé un long salut aux Polonais, venus à Rome pour célébrer le 1050ème anniversaire du baptême du pays. Il a fait mémoire de l’inauguration du pontificat de Jean-Paul II, il y a 38 ans jour pour jour : « Presque à cette heure-là, sur cette place, résonnaient les paroles adressées aux hommes du monde entier : ‘N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ’ », prononcées par le pape polonais.
Jean-Paul II fut « un pape d’une profonde spiritualité, a poursuivi le pape François, modelée par l’héritage millénaire de l’histoire et de la culture polonaise transmise avec esprit de foi, de génération en génération. Cet héritage était pour Lui source d’espérance, de force et de courage ».
Le pape argentin a inscrit l’Année jubilaire en cours comme la « continuation » de la « proclamation incessante de l’Évangile de la miséricorde pour le monde et pour l’homme » accomplie par son prédécesseur.
Et de souhaiter aux Polonais : « Que le Seigneur vous donne la grâce de la persévérance dans cette foi, cette espérance et cet amour que vous avez reçu de vos ancêtres et que vous conservez avec soin. Que dans vos esprits et dans vos cœurs, résonne toujours l’appel de votre grand compatriote à réveiller en vous la créativité de la miséricorde, afin que vous puissiez apporter le témoignage de l’amour de Dieu à tous ceux qui en ont besoin ».
Le pape a aussi évoqué Jean-Paul II en saluant les jeunes, les personnes malades et les nouveaux mariés au terme de la rencontre : « Que son témoignage cohérent de foi vous enseigne, chez jeunes, à affronter les défis de la vie ; à la lumière de son enseignement, chers malades, embrassez avec espérance la croix de la maladie ; invoquez sa céleste intercession, chers nouveaux époux, pour que l’amour ne manque jamais au sein de votre famille ».
Le voyage « inoubliable » en Pologne
Dans son salut aux Polonais, le pape s’est uni à leur action de grâce pour « tout le bien qui est né dans les cœurs des jeunes du monde entier durant l’inoubliable rencontre » des Journées mondiales de la jeunesse de Cracovie en juillet dernier.
« Je suis immensément reconnaissant à Dieu qui m’a permis de connaître votre nation, la Patrie de saint Jean-Paul II, où j’ai pu visiter le sanctuaire de Jasna Gora, le sanctuaire de la Divine Miséricorde à Cracovie et le Centre Jean-Paul II ‘n’ayez pas peur’ », a déclaré le pape.
« À celui qui s’identifie surtout dans tout homme humilié et souffrant, a-t-il ajouté, je rends grâce aussi pour le silence qui m’a été accordée dans le lieu du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau. En ce silence le message de la miséricorde prend une importance inouïe ! »
Le pape a conclu en remerciant tout le peuple et les autorités polonaises pour leur « accueil chaleureux » ainsi que pour la « magnifique préparation artistique et spirituelle » des événements.
HOMÉLIE DE SA SAINTETÉ JEAN-PAUL II
Dimanche 22 octobre 1978
1. Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. (Mt 16, 16.)
Ces paroles, c’est Simon, fils de Jonas, qui les a prononcées dans la région de Césarée de Philippe. Oui, il les a exprimées dans sa propre langue, avec une conviction profondément enracinée dans les sentiments et dans la vie, mais ce n’est pas en lui qu’elles trouvaient leur source, leur origine : « ... Car cette révélation t’est venue, non de la chair et du sang mais de mon Père qui est dans les cieux. » (Mt 16, 17.) Ces paroles étaient celles de la foi.
Elles marquent le commencement de la mission de Pierre dans l’histoire du salut, dans l’histoire du Peuple de Dieu. Depuis lors, à partir d’une telle profession de foi, l’histoire sainte du salut et du Peuple de Dieu devait acquérir une nouvelle dimension, s’exprimer dans la dimension historique de l’Église. Cette dimension ecclésiale de l’histoire du Peuple de Dieu tire en effet son origine de ces paroles de foi et est liée à l’homme qui les a prononcées : « Tu es Pierre — le roc, la pierre —, et sur toi, comme sur une pierre, je construirai mon Église. » (Mt 16, 18.)
2. Aujourd’hui et en ce lieu, il faut que de nouveau soient prononcées et écoutées les mêmes paroles : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » Oui, frères et fils, ces paroles avant tout.
Leur contenu découvre à nos yeux le mystère du Dieu vivant, mystère que le Fils nous a rendu proche. Personne, en effet n’a rendu le Dieu vivant proche des hommes, personne ne l’a révélé comme lui-même l’a fait. Dans notre connaissance de Dieu, dans notre chemin vers Dieu, nous sommes totalement tributaires de la force de ces paroles : « Qui me voit voit également le Père. » (Jn 14, 9.) Celui qui est infini, impossible à scruter, impossible à exprimer, s’est fait proche de vous en Jésus-Christ le Fils unique né de la Vierge Marie dans l’étable de Bethléem.
Vous tous qui avez déjà la chance inestimable de croire, vous tous qui encore cherchez Dieu, et vous aussi qui êtes tourmentés par le doute, veuillez accueillir encore une fois, aujourd’hui et en ce lieu sacré, les paroles prononcées par Simon Pierre. Ces paroles contiennent la foi de l’Église. Elles contiennent la vérité nouvelle bien plus, la vérité ultime et définitive sur l’homme : le fils du Dieu vivant. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! »
3. Aujourd’hui, le nouvel évêque de Rome inaugure solennellement son ministère et la mission de Pierre. Dans cette ville, en effet, Pierre a accompli et mené à son terme la mission que lui avait confiée le Seigneur.
Le Seigneur s’adressa à lui en disant : « ... Quand tu étais plus jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais ; mais quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te mettra ta ceinture et te mènera où tu ne voudrais pas. » (Jn 21, 18.)
Et Pierre est venu à Rome !
Qu’est-ce qui l’a guidé et conduit vers cette ville, le cœur de l’Empire, sinon l’obéissance à l’inspiration reçue du Seigneur ? Peut-être ce pêcheur de Galilée n’a-t-il pas voulu venir jusque-là ? Peut-être aurait-il préféré rester sur les rives du lac de Génésareth, avec sa barque et ses filets ? Mais, conduit par le Seigneur et obéissant à son inspiration, il est venu jusqu’ici.
Selon une vieille tradition (qui a trouvé une belle expression littéraire dans un roman d’Henryk Sienkiewicz), pendant la persécution de Néron, Pierre aurait voulu quitter Rome. Mais le Seigneur est intervenu ; il est venu à sa rencontre. Pierre s’adressa à lui et lui demanda : « Quo vadis, Domine ? » (« Où vas-tu, Seigneur ? ») Et le Seigneur lui répondit aussitôt : « Je vais à Rome pour être crucifié une seconde fois. » Pierre retourna à Rome et il y est resté jusqu’à sa crucifixion.
Oui, frères et fils, Rome est le Siège de Pierre. Et sur ce Siège de nouveaux évêques lui ont toujours succédé. Aujourd’hui un nouvel évêque accède à la Chaire romaine de Pierre, un évêque rempli de crainte, conscient de son indignité. Et comment ne pas craindre en face de la grandeur d’un tel appel et en face de la mission universelle de ce Siège romain ? Mais sur le Siège de Pierre monte aujourd’hui un évêque qui n’est pas romain. Un évêque qui est fils de la Pologne. Mais dès cet instant, il devient lui aussi romain. Oui, romain ! Il l’est aussi parce qu’il est fils d’une nation dont l’histoire, depuis ses plus lointaines origines, dont les traditions millénaires sont marquées par un lien vivant avec le Siège de Pierre, fort, ininterrompu, profondément ancré dans les sentiments et dans la vie, une nation qui est demeurée toujours fidèle à ce Siège de Rome. Oh ! dessein inscrutable de la divine Providence !
4. Dans les siècles passés, lorsque le Successeur de Pierre prenait possession de son siège, on posait sur sa tête la triple couronne, la tiare. Le dernier Pape couronné fut Paul VI en 1963. Mais, une fois achevé le rite solennel de son couronnement, il n’a plus jamais usé de la tiare et a laissé à ses successeurs la liberté de prendre leur décision à ce sujet.
Le Pape Jean-Paul Ier, dont le souvenir est si vivant en nos cœurs, n’a pas voulu de la triple couronne, et aujourd’hui son successeur n’en veut pas davantage. En effet, ce n’est pas le moment de revenir à un rite qui (injustement) a été considéré comme symbole du pouvoir temporel des Papes.
L’époque actuelle nous invite, nous pousse, nous oblige à regarder le Seigneur et à nous plonger dans l’humble méditation du mystère du pouvoir suprême du Christ.
Celui qui est né de la Vierge Marie, le Fils du charpentier — comme on avait coutume de l’appeler —, le Fils du Dieu vivant, comme l’a confessé l’apôtre Pierre, est venu pour faire de nous tous « un royaume de prêtres » (Ap 1, 6).
Le Concile Vatican II nous a rappelé le mystère de ce pouvoir et le fait que la mission du Christ prêtre, prophète et roi, continue dans l’Église. Tout le Peuple de Dieu participe à cette triple mission. Et si, autrefois, on déposait sur la tête du Pape la triple couronne, c’était pour exprimer, à travers ce symbole, le dessein du Seigneur sur son Église, à savoir que toute la hiérarchie de l’Église du Christ, et tout le pouvoir sacré exercé par elle, ne sont qu’un service, le service qui tend à un unique but : la participation de tout le Peuple de Dieu à cette triple mission du Christ et sa constante fidélité à demeurer sous le pouvoir du Seigneur, lequel tire ses origines non des puissances de ce monde mais du mystère de la Croix et de la Résurrection.
Le pouvoir absolu et très doux du Seigneur répond à ce qu’il y a de plus profond en l’homme, aux aspirations les plus nobles de son intelligence, de sa volonté, de son cœur. Ce pouvoir ne s’exprime pas en langage de force, mais dans la charité et la vérité.
Le nouveau successeur de Pierre sur le siège de Rome élève aujourd’hui une prière fervente, humble et confiante : Ô Christ, fais que je puisse devenir et demeurer un serviteur de ton unique pouvoir ! Un serviteur de ton pouvoir tout imprégné de douceur ! Un serviteur de ton pouvoir qui ne connaît pas de déclin ! Fais que je puisse être un serviteur ! Ou mieux le serviteur de tes serviteurs !
5. Frères et sœurs, n’ayez pas peur d’accueillir le Christ et d’accepter son pouvoir !
Aidez le Pape et tous ceux qui veulent servir le Christ et, avec la puissance du Christ servir l’homme et l’humanité entière ! N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! À sa puissance salvatrice ouvrez les frontières des États, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement. N’ayez pas peur ! Le Christ sait « ce qu’il y a dans l’homme » ! Et lui seul le sait !
Aujourd’hui, si souvent l’homme ignore ce qu’il porte au-dedans de lui, dans les profondeurs de son esprit et de son cœur. Si souvent il est incertain du sens de sa vie sur cette terre. Il est envahi par le doute qui se transforme en désespoir. Permettez donc — je vous prie, je vous implore avec humilité et confiance, — permettez au Christ de parler à l’homme. Lui seul a les paroles de vie, oui, de vie éternelle !
Aujourd‘hui, justement, l‘ Église entière célèbre sa Journée missionnaire mondiale c’est-à-dire qu’elle prie, qu’elle médite, qu’elle agit pour que les paroles de vie du Christ parviennent à tous les hommes, et qu’ils les écoutent comme un message d’espérance, de salut, de libération totale.
6. Je remercie tous ceux qui sont ici présents et ont voulu participer à cette solennelle inauguration du ministère du nouveau successeur de l’apôtre Pierre.
Je remercie cordialement les chefs d’État les représentants des autorités, les délégations des gouvernements pour leur présence qui m’honore tant.
Merci à vous, chers cardinaux de la sainte Église romaine !
Merci à vous, mes frères bien aimés dans l’Épiscopat !
Merci à vous, chers prêtres !
Merci, sœurs et frères, religieuses et religieux des Ordres et des Congrégations !
Merci à vous, Romains ! Merci à vous, pèlerins venus du monde entier ! Merci enfin à tous ceux qui se sont unis à cette cérémonie grâce à la radio et à la télévision !
En polonais :
7. Je me tourne maintenant vers vous, mes chers compatriotes, pèlerins de la Pologne, vers vous, les évêques, mes frères, avec à votre tête votre vénéré Primat, vers vous prêtres sœurs et frères des Congrégations religieuses polonaises, vers vous, représentants de la « Pologne » dans le monde entier.
Que puis-je vous dire à vous qui êtes venus de ma cité de Cracovie, du siège de saint Stanislas dont je suis l’indigne successeur depuis quatorze ans ? Que dire ? Tout ce que je pourrais dire serait bien pâle au regard de ce que ressent en ce moment mon cœur et de ce que vous éprouvez aussi dans vos cœurs.
Laissons donc tomber les paroles. Que reste seulement le grand silence devant Dieu, le silence qui se traduit en prière.
Je vous en prie, soyez avec moi ! À Jasna Gora et partout. Ne cessez pas d’être avec le Pape qui prie aujourd’hui avec les paroles du poète : « Mère de Dieu qui défends la claire Czestochowa et qui brilles sur la « Porta Accuta » ! Je vous adresse les mêmes paroles en ce moment si particulier.
8. Ces paroles ont été un appel et une invitation à prier pour le nouveau Pape appel exprimé en langue polonaise. J’adresse le même appel à tous les fils et toutes les filles de l‘Église catholique. Souvenez-vous de moi aujourd’hui et toujours dans votre prière.
En français :
Aux catholiques des pays de langue française, j’exprime toute mon affection et tout mon dévouement ! Et je me permets de compter sur votre soutien filial et sans réserve ! Puissiez-vous progresser dans la foi ! À ceux qui ne partagent pas cette foi, j’adresse aussi mon salut respectueux et cordial. J’espère que leurs sentiments de bienveillance faciliteront la mission spirituelle qui m’incombe et qui n’est pas sans retentissements sur le bonheur et la paix du monde !
En anglais :
Vous tous, qui parlez anglais, je vous salue de tout cœur au nom du Christ. Je compte sur l’aide de vos prières et de votre bonne volonté pour l’exercice de ma mission au service de l’Église et de l’humanité. Que Dieu vous donne sa grâce et sa paix, en surmontant les barrières des divisions et en rassemblant toutes choses en lui.
En allemand :
Je salue de tout cœur ceux ici présents, ainsi que tous les habitants des pays de langue allemande. À plusieurs reprises — et encore tout récemment lors de ma visite en République fédérale allemande — j’ai eu l’occasion de connaître et d’apprécier personnellement la belle activité de l’Église et de vos fidèles. Que votre généreux engagement au service du Christ soit de plus en plus fructueux pour les grandes tâches et les grands besoins de l’Église dans le monde entier ! C’est la demande que je vous adresse et je confie mon nouveau service apostolique à vos prières particulières.
En espagnol :
Ma pensée se tourne maintenant vers le monde de langue espagnole, qui constitue une portion si considérable de l’Église du Christ. Chers frères et fils, le nouveau Pape vous salue affectueusement en cet instant solennel. Unis par les liens d’une commune foi catholique, mais fidèles à votre tradition chrétienne, devenue vie en un climat toujours plus juste et solidaire, conservez votre attachement bien connu au Vicaire du Christ et cultivez intensément votre dévotion à notre Mère, la très sainte Vierge Marie.
En portugais :
Frères et fils de langue portugaise, je vous salue affectueusement dans le Seigneur en tant que « serviteur des serviteurs de Dieu ». En vous donnant ma bénédiction je fais confiance à la charité de vos prières et à votre fidélité pour vivre toujours le message de cette journée et de cette célébration : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. »
En russe :
Que le Seigneur soit avec nous tous par sa grâce et la philanthropie de sa miséricorde.
En tchèque :
De tout cœur je salue les Tchèques et les Slovaques qui sont si proches de moi.
En ukrainien :
D’un cœur large je salue et bénis tous les Ukrainiens, de la diaspora et du monde entier.
En lituanien :
Mon salut cordial à mes frères lituaniens. Soyez heureux et fidèles au Christ.
Conclusion (en italien) :
J’ouvre mon cœur à tous les frères des Églises et des communautés chrétiennes, en vous saluant d’une façon particulière vous qui êtes ici présents et en attendant de vous rencontrer personnellement tout prochainement. Mais, dès maintenant, je vous exprime ma vive satisfaction pour avoir voulu assister à cette cérémonie solennelle.
Et je m’adresse encore à tous les hommes, à chaque homme (et avec quelle vénération l’apôtre du Christ ne devait-il pas prononcer cette parole : homme !). Priez pour moi ! Aidez-moi, afin que je puisse vous servir !
Amen.
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