Il y avait au Japon, un jardinier amoureux. Sa belle était coquette, elle avait de nombreux soupirants et il redoutait de la perdre. Souvent dans le jardin, tout en soignant ses fleurs, il interrogeait le ciel :
- Combien de temps ma bien-aimée me sera-t-elle fidèle ?
- Pourrais-je la garder toujours ?
Bien sûr, le ciel ne lui répondait pas et quand il voyait sa fiancée si belle souriant à tous ceux qui la courtisaient son pauvre cœur était malade. Comment lui, modeste homme de la terre pouvait-il espérer garder pour lui seul cette fleur ravissante dont la vue charmait les princes. La jeune fille entourée de ses admirateurs ne semblait pourtant voir que lui ; pour lui ses yeux étaient plus doux, son sourire plus tendre, pour lui elle chantait ses plus belles chansons.
- Oui, mais pour combien de temps se demandait le jardinier ? Elle est si belle, je suis si pauvre, si modeste. Un jour c’est certain, un de ces princes va me la prendre. »
Pour l’instant la belle lui gardait sa préférence.
- Combien de temps ? Combien de temps ? demandait-il aux fleurs.
- Combien de temps, demandait-il aux arbres ?
- Combien de temps, Rosée du matin ?
- Combien de temps, Ombres du soir ?
Ni l’herbe ni les fleurs, ni les arbres, ni les escargots, ni les coccinelles, ni les vers de terre, ni les légumes, ni les hérissons, jamais aucun des hôtes du jardin ne lui répondait.
Un jour qu’avec angoisse il interrogeait des marguerites, une larme tomba sur une des fleurs et un génie sortit d’une corolle, tout habillé de jaune avec un large col blanc.
- Pourquoi ces larmes gentil jardinier ? Qui d’entre nous t’a fait du chagrin ?
- Personne, jamais personne dans ce jardin ne m’a fait de peine ; c’est vous au contraire qui me consolez.
- Pourquoi, gentil jardinier, as-tu besoin d’être consolé ?
- C’est ma fiancée, Génie des Marguerites ; elle est si belle et moi je suis si pauvre ! Un pauvre petit rien du tout et je voudrais tant qu’elle m’aime toujours !
- Toujours, je ne sais pas, dit le génie en montrant une fleur. Mais je te promets l’amour de ta fiancée pour autant d’années que cette corolle a de pétales. »
Le jardinier cueillit la fleur, compta les pétales, hocha la tête. Alors il prit à son revers une longue épingle et effilocha la corolle. Elle eut bientôt tant de pétales qu’il devint impossible de les compter.
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