Premier jour : Mort de la Sainte Vierge
Les âmes des justes sont dans la main de Dieu, et le tourment de la mort ne les touchera point. (Sag., 1, 3)
C’est à Marie que convient pleinement cet oracle de l’Esprit-Saint : Les justes meurent en paix, mais en eux la nature ne laisse pas de souffrir, ayant été dégradée par la chute d’Adam. Dans Marie, il règne un accord que le péché n’a jamais troublé ; et sa mort est en conséquence de sa naissance toute pure et de sa vie sans tache ; elle a accompli sa haute destinée avec une perfection sublime ; sa vie a été un acte continuel de charité ; et au plus fort de sa véhémence son âme sainte est passée dans le ciel pour y consommer cet acte pur, et y jouir éternellement des délices de l’amour divin. Depuis l’ascension de son adorable Fils, elle n’avait cessé de soupirer après le moment qui devait la réunir à lui ; les désirs que les Juifs captifs à Babylone avaient de retourner à Jérusalem, les langueurs de l’épouse des cantiques en l’absence de l’époux, les souhaits ardents que les patriarches et les prophètes avaient de voir le Messie, et les désirs embrasés de tous les saints de la nouvelle loi pour Dieu et pour le ciel, ne sont que de faibles images de ceux de cette véritable Israélite, de l’épouse du Saint-Esprit, de la Mère de Jésus-Christ !...
Ô Marie ! Maintenant que vous régnez dans la vraie Jérusalem, ô vous qui avez si bien compris et la grandeur du ciel, et la petitesse de la terre, la plénitude de l’amour de Dieu et le vide de l’amour des créatures, obtenez-nous de comprendre enfin que notre destinée sur la terre est de vivre dans l’amour de Dieu, et d’y mourir pour l’aimer à jamais. Faites, ô notre sainte Patronne ! Que nos regards se portent sans cesse vers le ciel ; que s’ils retombent sur la terre, ce ne soit que pour la considérer, comme les Israélites exilés considéraient Babylone. Ne nous laissez point faire ici-bas notre trésor, avilir nos cœurs, oublier notre patrie et redouter l’instant qui doit nous y porter. Il est dit de la femme forte qu’elle rira au dernier jour (Prov., 31, 35). Puissions-nous, ô Marie ! Par votre intercession, éprouver comme vous la vérité de ces paroles, et passer de la paix des justes à la joie éternelle des saints !
Deuxième jour : Assomption de la Sainte Vierge
Vous ne permettrez pas que votre saint éprouve la corruption. (Ps 15, 10)
Si pour honorer la sainteté sur la terre, Dieu permet quelquefois que les corps des saints soient préservés de la corruption durant les siècles, que ne devait-il pas à la sainteté de Marie, dont la chair très pure a servi à la formation de l’agneau sans tache ? La mère de celui qui est la résurrection et la vie (Jean, 11, 25), pouvait-elle rester sous l’empire de la mort ? Cette arche sainte, après avoir erré longtemps dans le désert, et sous des tentes pauvres, est introduite avec pompe dans la vraie Jérusalem, et reçue dans les tabernacles éternels : le prophète Elie, comme son précurseur, avait tracé sa route céleste avec son char de feu.
Ô Vierge triomphante ! Tracez-nous la nôtre, et tendez-nous la main ; ne nous laissez point arrêter aux satisfactions basses et terrestres auxquelles notre misérable nature nous porte sans cesse ; ô vous qui, par un privilège spécial, ne vous êtes jamais ressentie de la chute d’Adam, secouez-nous dans la faiblesse qu’elle nous a laissée !... C’est après avoir écrasé la tête du séducteur d’Eve, que vous avez été enlevée au ciel ; et ce n’est qu’après l’avoir foulé aux pieds que nous pouvons y être admis. C’est de votre main, très sainte Patronne, que nous attendons la palme de la victoire. C’est vous qui nous réveillerez au tombeau au jour de la résurrection générale, pour que nos corps entrent aussi en possession de la gloire éternelle. Mère de miséricorde, daignez avoir pitié de ceux qui sont ensevelis dans le péché, et qui dorment dans sa corruption ; éveillez-les dès ce jour, afin que nous puissions tous ensemble, joignant nos acclamations à celles des esprits bienheureux, célébrer éternellement dans le ciel votre triomphe et vos grandeurs.
Troisième jour : Couronnement de la Sainte Vierge
La femme modeste sera élevée en gloire. (Prov., 11, 16)
C’est par une grande distinction pour Marie, que le Seigneur lui a donné pour partage en ce monde l’abaissement et la pauvreté : les grandeurs humaines étaient trop petites pour la Mère de Dieu… l’élévation de la terre trop basse pour la Reine du ciel. Il faut être grand pour obtenir les honneurs de la terre ; être petit est un titre pour avoir ceux du ciel ; plus on s’abaisse, plus on acquiert de faveurs célestes et de droits aux plus brillantes couronnes. Marie entrant parfaitement dans les vues de Dieu, s’est humiliée très profondément ; aussi il a relevé la bassesse de sa servante (Luc, 1, 48) par un privilège unique et le plus glorieux qui fût jamais, la faisant mère du Sauveur.
Ô Vierge dont l’humilité égale la grandeur et le mérite ! Présentez-vous au Roi des rois qui range des étoiles pour former votre diadème. Mais sur votre trône souvenez-vous de nous, dont l’orgueil surpasse la misère. Courageuse Judith, donnez-nous la force d’abattre ce tyran qui nous ferme les voies du ciel. Ne nous abandonnez point à la séduction de la gloire de ce monde qui nous ravirait celle de l’éternité ; inspirez-nous des sentiments conformes à ceux qui vous animaient sur cette terre, Vierge sainte par excellence, chef-d’œuvre des mains de Dieu, qui ne vous êtes toujours considérée que comme la moindre de ses créatures. Mère qui avez été humble de cœur comme votre divin Fils, transmettez-nous, à nous aussi vos enfants, cette précieuse hérédité qui nous acquerra le royaume céleste. Ainsi soit-il.
Quatrième jour : Marie, Reine des Patriarches et des Prophètes
Elle recevra des louanges parmi la multitude des élus, et sera bénie de ceux qui sont bénis de Dieu (Eccl., 24, 4)
Comme les justes d’Israël, Marie avait souvent conjuré les cieux de se changer en une douce rosée (Is., 45, 8), et avait appelé de tous ses vœux le désiré des collines éternelles. Sa charité plus grande lui faisait souhaiter la venue du Messie bien plus ardemment encore et d’une manière plus parfaite que tous les patriarches et les prophètes. Sa foi et sa sagesse ont surpassé celle de Sara, de Rebecca et de toutes les saintes femmes qui l’avaient précédée. La grande foi même d’Abraham n’a point égalé la sienne : s’il attendit une nombreuse postérité d’un fils qu’il allait immoler, Marie crut pleinement aux paroles de l’ange qui lui annonçait que vierge elle serait mère du Messie, et elle ne laissa jamais de le reconnaître dans un enfant faible et persécuté, dans un homme semblable aux autres hommes et mourant sur une croix. Vous êtes bienheureuse, Marie, d’avoir cru (Luc, 1, 45), car de grandes choses ont été accomplies en vous.
Ô Reine des croyants, maîtresse de la foi ! Enseignez-nous, à nous qui vous sommes spécialement confiés, une foi vive semblable à la vôtre ; éclairez tant d’aveugles qui s’obstinent à méconnaître Jésus et sa doctrine. Affermissez les chancelants, préservez-nous de l’erreur ; soyez notre soutien dans les épreuves, notre flambeau dans les ténèbres ; conduisez-nous, très Sainte Patronne, à la claire vision de ce que nous aurons cru, et à la possession de ce que nous aurons espéré. Ainsi soit-il.
Cinquième jour : Marie, Reine des Martyrs
Vos consolations ont rempli de joie mon âme à proportion du grand nombre de douleurs qui ont pénétré mon cœur. (Ps. 93, 19) La plus belle palme du martyre était bien due à Marie, quoiqu’elle n’ait pas, comme les saints martyrs, perdu la vie pour confesser Jésus-Christ ; mais, mère du chef des martyrs, elle a vu ses tourments, ses opprobres ; elle l’a vu mourir, et un glaive l’a immolée elle-même intérieurement. Le Seigneur n’exigea point de Sara qu’elle fût témoin du sacrifice d’Isaac ; Agar s’éloigna d’Ismaël lorsqu’elle crut qu’il allait mourir… Et les disciples abandonnèrent le Sauveur quand ils le virent aller au supplice… Mais Marie, cette femme forte, le suit au Calvaire, et y recueille avec ses derniers soupirs la palme glorieuse des confesseurs de la foi.
Ô Reine des martyrs, Mère plus généreuse encore que cette mère dont il est parlé au livre des Macchabées (2. Macch., 7, 20) ! Encouragez vos enfants à être fidèles à la foi de Jésus-Christ. Encouragez-nous à tout souffrir plutôt que de l’abandonner ; aidez-nous à subir avec résignation les peines multipliées qui font de la vie un lent martyre ; soutenez-nous surtout dans le combat des passions, et faites que nous nous souvenions incessamment que la mesure de nos jouissances éternelles sera proportionnée à celle de nos douleurs bien endurées. Oh ! Aidez-nous encore, ô tendre Mère ! À l’heure de la consommation de notre martyre, afin que nous puissions être admis dans l’assemblée sainte de tous ceux qui auront souffert pour l’amour et dans l’amour de Jésus-Christ.
Sixième jour : Marie, Consolatrice des affligés
Dans leur affliction, ils se hâteront d’avoir recours à moi. (Osée, 6, 1)
C’est après avoir été plongée dans une mer de douleurs, que la très sainte Vierge prend le titre de consolatrice des affligés. Il semble qu’elle a fait l’expérience des différentes peines de la vie, afin d’être plus capable d’adoucir les nôtres, de quelque nature qu’elles soient. Que n’a point éprouvé Marie depuis le doute de Joseph jusqu’au dernier cri de Jésus mourant ! Les rebuts de Bethléem, la pauvreté de l’étable, la persécution d’Hérode, l’absence de Jésus resté au temple, la privation de sa présence durant sa vie publique. Enfin, elle a été témoin de sa passion, de sa mort, et peu après sa résurrection, elle a été séparée de lui. Mère d’un Homme-Dieu, triste jusqu’à la mort, elle a bu la première à la coupe qu’il a épuisée jusqu’à la lie ; mais les afflictions du cœur de Marie semblent disparaître sous sa résignation ; elle souffre avec tant de charité, que son âme paraît exempte de peines comme elle est exempte de péché. Ô cœur sacré de Marie, cœur le plus tendre et le plus affligé qui fût jamais ! Vous êtes notre refuge et notre plus sûre ressource après Dieu. Dans les adversités, votre cœur nous est toujours ouvert, et c’est en faisant passer dans les nôtres quelque chose de vos saintes dispositions dans les souffrances, que vous nous consolez.
Ô Mère de douleur ! Nous irons vers vous apprendre à nous tenir amoureusement au pied de la croix de notre divin Sauveur, jusqu’à ce qu’il nous appelle pour nous faire goûter dans son royaume des joies ineffables.
Septième jour : Marie, Refuge des pécheurs
Vous vous êtes approché de moi aux jours où je vous ai invoqué ; vous avez dit : Ne craignez point. (Lam., 3, 57)
Ces paroles d’espérance que le prophète Jérémie met dans la bouche des habitants de Jérusalem après sa désolation, les pécheurs peuvent se les appliquer lorsqu’après la ruine de leurs âmes ils recourent à la sainte Vierge, qui pour n’avoir jamais péché, n’en n’est pas moins disposée à les recevoir avec bonté. Mère du Dieu de miséricorde mort pour les péchés du monde, elle est aussi la mère des pécheurs ; le Sauveur lui a confié le soin de les recueillir comme un soin digne de son cœur très charitable. Consolatrice des affligés, elle se plaît surtout à essuyer les larmes du repentir, ou plutôt elle les fait couler plus abondamment, et leur donne de la douceur par l’espérance. Dieu dont la miséricorde est infinie, ne rejette aucun pécheur ; mais ceux qui lui sont présentés par sa sainte Mère doivent être plutôt pardonnés. Si le prodigue de l’Evangile hésita avant de retourner à la maison paternelle, sans doute il n’avait point sa mère.
Ô refuge des pécheurs ! Nous nous jetons entre vos bras, misérables prodigues, qui nous sommes plus ou moins éloignés de la maison du Père céleste, et avons dissipé les biens de la grâce ; daignez nous présenter à lui, nous obtenir une nouvelle robe d’innocence, nous faire renouveler avec lui l’alliance de notre baptême, et que la réception de l’agneau sans tache soit le festin qui solennise notre retour pour jamais ; que le ciel se réjouisse à notre sujet, et que nous puissions par votre intercession y faire une fête éternelle.
Huitième jour : Marie, Reine des Vierges
Beaucoup de filles ont amassé des richesses, mais vous les avez toutes surpassées. (Prov., 31, 29)
Tandis que la stérilité était en opprobre dans Israël, Marie embrasse pour jamais la virginité ; elle est la première qui oublie son peuple et la maison de son père (Ps. 44, 11) pour gagner le cœur du Roi des rois, qui, pour prix de son sacrifice, la rend sa fille bien-aimée, l’épouse du Saint-Esprit, la mère de son divin Fils. Comment mieux exprimer la beauté de cette fleur de Jessé qu’en disant que l’esprit du Seigneur s’y est reposé (Is., 11, 1, 2) ! Dieu trois fois saint s’incarnant en Marie, fait tout l’éloge de son incomparable pureté ; elle doit être la première à la suite de l’Agneau, et placée bien haut au-dessus de toutes les vierges, elle qui eût préféré la virginité à la maternité divine, si vierge elle n’avait pu être Mère du Fils de Dieu.
Ô Reine des vierges, qui avez offert au Seigneur un si beau sacrifice en vous consacrant tout à lui ; si nous ne pouvons imiter votre dévouement de la même manière, faites que du moins nous pratiquions la chasteté selon notre état ; inspirez-nous une vive horreur du vice contraire, arrachez à l’esprit impur tant de malheureuses victimes de cette passion. Mère de la persévérance, assurez-la aux vierges dans leur saint état, et prenez soin de l’innocence de la jeunesse.
Ô Vierge très chaste ! Obtenez-nous à tous la grâce de résister à la chair, de conserver nos cœurs purs, afin que nous puissions voir Dieu, et être associés aux anges, aux vierges et à tous les saints.
Neuvième jour : Marie, Reine de tous les saints
Elle sera élevée au milieu de son peuple, et elle sera admirée dans l’assemblée de tous les saints. (Eccl., 24, 3)
Marie est cette femme forte, dépeinte par l’Esprit-Saint, et figurée ici dans cet éloge qu’il fait de la sagesse ; elle est admirée des justes sur la terre, et couronnée Reine des saints dans le ciel.
Il n’y a que la sainteté infinie de Dieu qui soit au-dessus de la sienne. Marie plus sainte que tous les saints, présente dans son humble vie le tableau de toutes les vertus qu’ils ont à jamais pratiquées : la foi des patriarches, la générosité des confesseurs, la patience et le courage des martyrs, le zèle des apôtres, la mortification des pénitents, la retraite des solitaires, la charité et la piété des âmes les plus embrasées de l’amour de Dieu. Sa pureté et son humilité surtout sont incomparables ; toujours belle et sans tache, Marie a mérité le beau titre de lis d’Israël : elle a été comme le miroir de la justice de Dieu, et cependant il ne s’est jamais élevé dans son âme le plus petit sentiment d’orgueil, et aucun saint n’a reconnu autant qu’elle sa bassesse et son néant.
Ô Mère de la sainteté, qui avez donné tant d’âmes à Jésus-Christ ! Obtenez-nous d’être vivement touchés de vos exemples et de ceux des saints, et de tendre de toutes nos forces à les imiter. Faites-nous considérer notre vocation au christianisme comme une obligation à la sainteté, et venez à notre aide tous les instants de notre vie, pour nous les faire tous sanctifier. Reine des saints, soyez un jour la nôtre comme vous êtes maintenant notre patronne ; faites-nous marcher sur vos traces, nous qui sommes votre peuple (Eccl., 24, 3), afin que nous puissions vous admirer éternellement dans l’assemblée de tous les saints. Amen !