Troisième dimanche de carême 18 mars 1979.
A) Le carême est une préparation pour célébrer Pâques : Mort et Résurrection du Seigneur. C’est cela, le message de Pâques auquel nous devons dédier le principal de notre effort pastoral au cours de ces dimanches. Nous sommes déjà rendus au troisième dimanche du carême et n’oublions pas que l’objectif principal vers lequel il se dirige est un pèlerinage avec le Christ qui porte sa croix et qui jeûne au désert. Le carême est à la recherche de ce consumatum est – « tout est accompli » – et, au-delà de cela, de la gloire de la Résurrection, toutes nos angoisses sont comme des croix que nous portons, comme ces jeûnes du carême qui vont fleurir. C’est pourquoi nous ne devons pas perdre la perspective du carême. La gloire de la Résurrection est aussi notre gloire, notre héritage, dans la mesure où nous nous unissons à son effort libérateur dans la douleur et la souffrance.
B) Le « Mystère Pascal » : Plénitude des temps, clé de la Rédemption. Le Mystère Pascal et la mort et la Résurrection du Christ sont le but ultime du carême. Je veux vous dire cela avec ces mots à la mode qu’emploie le Pape Jean-Paul II, dans sa première encyclique qui est sortie cette semaine. Le titre des encycliques provient des premières paroles latines qui sont écrites, elles nous indiquent, par ailleurs, la foi de cet homme dans ce Christ en qui nous mettons tous notre espérance. L’encyclique s’intitule ainsi : Redemptor Hominis, qui signifie « le Rédempteur de l’homme ». Le Pape débute ainsi : « Le Rédempteur de l’humanité, Jésus-Christ, est le centre du cosmos et de l’Histoire ». Dans la même introduction, il développe la pensée de sa foi en Jésus-Christ. « Dans l’acte rédempteur, l’Histoire humaine a atteint son sommet dans le dessein d’amour de Dieu. Dieu est entré dans l’Histoire de l’humanité, Il s’est converti en sujet – de cette histoire –, un parmi des millions et des millions et unique en même temps ». Quel beau concept que de considérer le Christ comme un pèlerin de l’Histoire, comme nous ! Un parmi des millions dans lesquels nous nous confondons, mais Unique parmi tous ces millions d’hommes et de femmes parce qu’Il est l’être en qui Dieu conduit, à son sommet, son projet de Salut.
C) Implication de ma vie et de l’histoire de mon peuple dans cette « Histoire du Salut ». Le carême n’est rien de moins qu’un pèlerinage à la rencontre de ce fait qui donna son véritable sens à l’Histoire de tous les hommes et de chacun. C’est pourquoi nous ne pouvons vivre le carême et la Semaine sainte sans penser à une implication de ma vie personnelle. En tant qu’homme et comme peuple, le Salvador, dans ce carrefour actuel, n’est pas perdu. Chacun des Salvadoriens, parmi les millions que nous sommes, nous savons que Dieu nous aime comme le Pape le dit : « d’un amour ineffable ». Votre relation avec Dieu est unique. Il respecte votre individualité, de même qu’Il vous aime comme peuple et qu’Il ne vous confond pas avec d’autres peuples. Pour chacun d’eux, comme pour chaque être humain, Dieu possède ses desseins dans cette Histoire du Salut que nous commémorons sous la forme d’une pérégrination vers la Semaine sainte et Pâques.
D) Retour sur les dimanches précédents. C’est pourquoi je me suis efforcé de faire dans ma prédication de ces dimanches de carême, un lien d’idées dans le sens de l’Alliance. L’Alliance de Dieu avec Noé… la Création. Signe : l’arc-en-ciel.
Le premier dimanche nous avons rappelé dans les lectures bibliques, l’Alliance de Dieu avec Noé après le déluge. Le signe de cette alliance est l’arc-en-ciel. C’est comme l’alliance de Dieu avec les hommes dans le champ immense de la nature, de l’être humain, du cosmos. C’est là où le Pape peut dire comme dans la première ligne de son encyclique : « Le Rédempteur de l’homme, Jésus-Christ, est le centre du cosmos et de l’Histoire ». L’arc-en-ciel que Dieu mit après le déluge comme un signe de l’Alliance qu’Il a faite avec les hommes dans le domaine naturel, toute la nature est née de nouveau après le déluge, et Dieu la remet toute neuve à l’humanité. Le Christ est le véritable arc-en-ciel parce que dans ses Pâques de Résurrection, la nature naît nouvelle et se livre à l’humanité afin que cette dernière, une fois purifiée du péché, sache mieux l’administrer. C’est pourquoi nous nous préparons au cours de ce carême à une rénovation de la nature, de l’humanité, de l’Histoire et de nous-mêmes, membres de ce cosmos et de cette Histoire. L’Alliance de Dieu avec Abraham… le peuple de Dieu naît de ce signe : la circoncision.
Le second dimanche du carême, nous avons parlé de l’Alliance de Dieu avec Abraham. Il s’agit dès lors d’une sélection dans l’ensemble cosmique. Dieu choisit un peuple qui naîtra des entrailles stériles du vieil Abraham et de sa femme Sara. Isaac naît et c’est le début d’un peuple en qui s’accompliront les promesses du Salut, parce que c’est de celui-ci que naîtra le Rédempteur, le Redemptor Hominis. Cela avait été annoncé à Abraham, lui qui fut choisi parmi l’humanité entière, mais non pas pour établir une ségrégation exclusive. Le peuple juif qui naît d’Abraham n’est rien d’autre qu’un missionnaire de l’Histoire. Il va nous apporter la bénédiction de Dieu en un de ces descendants d’Abraham qui sera Jésus-Christ, mais le destin de ce peuple et de ce don qui nous apportera comme don de Dieu, le Rédempteur des hommes, n’est pas l’exclusivité du peuple juif. « Il n’y a plus de Juifs ni de Grecs », dira saint Paul. Maintenant que le peuple juif a accompli sa mission de nous conduire au Rédempteur, tous les peuples du monde ont le droit de Le recevoir et c’est pour cela que le Père du Peuple de Dieu nous a fait don de cette caractéristique : la foi. C’est la foi qui distinguera les hommes dorénavant. Non plus entre juifs et non-juifs, mais plutôt entre croyants et incroyants. « Celui qui croira se sauvera, celui qui ne croira pas se condamnera ». L’Alliance avec Abraham est à l’origine d’un peuple privilégié comme source de bénédiction pour tous les autres peuples. L’Alliance de Dieu avec Moïse… promulgation de la loi de Dieu. Signe : le Sabbat. Plusieurs siècles plus tard, une troisième Alliance advint. C’est celle qui occupe notre attention dans les lectures d’aujourd’hui (Ex 20,1-17 ; Cor. 1,22-25 ; Jn 2,13-25). Il s’agit de Moïse. Le livre qui donne aujourd’hui le ton à ce troisième dimanche de carême, c’est l’Exode, le second livre de la Bible. L’Exode est comme la dogmatique, le noyau doctrinal de tout ce peuple qui est né d’Abraham et des Patriarches. C’est la faim qui conduisit leurs ancêtres en Égypte il y a de cela quatre siècles. C’est un peuple qui est devenu esclave. Dieu n’a pas oublié sa promesse, celle qu’Il fit à Abraham. L’Exode capte ce moment précieux où Dieu choisit un chef pour conduire ce peuple de l’esclavage à la Terre promise.
1) Le Peuple de Dieu a une loi : L’Exode – élection, libération, alliance – dogme cardinal de la religion de l’Ancien testament. Moïse…
A) Antécédents : arrivée au Sinaï
Cela fait déjà trois mois qu’ils sont sortis d’Égypte et cette libération marque un trait définitif dans l’histoire du Peuple de Dieu. Libérés par les prodiges de Dieu, ils marchent à travers le désert et ils arrivent, dans la lecture d’aujourd’hui (Ex 20,1-17) au pied du mont Sinaï. Quelque chose de grandiose va s’y produire. Dieu rappelle à Moïse qu’Il a fait une promesse à ce peuple et qu’Il va la renouveler. Il ordonne donc à Moïse de se purifier parce que dans trois jours Il viendra mystérieusement s’entretenir avec le guide du peuple élu. Moïse commande à son peuple de se purifier et personne ne doit toucher à cette montagne parce que Dieu va la toucher le troisième jour. La Bible nous décrit comment se sent la présence de Dieu. Puis Dieu dit à Moïse (Ex 19,4-5) : « Vous avez vu vous-mêmes ce que J’ai fait aux Égyptiens, et comment Je vous ai emportés sur des ailes d’aigles et amenés vers moi. Maintenant, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, je vous tiendrai pour mon bien propre parmi tous les peuples, car toute la Terre est à moi ».
Observez bien ce détail, frères, c’est pourquoi je vous disais que « Peuple de Dieu », ce n’est pas la même chose que « peuple » en général. Peuple de Dieu, c’est : « Parmi tous les peuples qui sont les miens, dit Dieu, J’en ai choisi un avec qui Je veux établir des relations très spéciales ». Ce sera cela le Peuple de Dieu, il est intéressant de prendre ça en compte. Quand nous appelons notre Église, Peuple de Dieu, ici au Salvador, il ne faut pas confondre cela avec un sens démocratique comme si tous les Salvadoriens formaient le Peuple de Dieu. Seuls ceux qui sont baptisés, « seuls ceux qui n’ont pas oublié mes promesses, seuls ceux qui se souviennent comment Je les ai portés sur des ailes d’aigles, seuls ceux qui ont la foi, » c’est ce qui caractérise les véritables descendants du Peuple de Dieu. Ce ne sont pas tous les Salvadoriens qui appartiennent à cette Alliance que Dieu a faite avec son Peuple.
C’est à cette portion choisie de Dieu, non pas par caprice, mais parce qu’Il rencontre chez eux une réponse de foi, d’espérance qui Lui est dirigée. Dieu leur dit, dès la veille de la grande Alliance avec Moïse : « Vous serez ma propriété personnelle parmi tous les peuples, vous serez pour Moi un royaume de prêtres, une nation sainte ». C’est ce que Dieu désire en choisissant un peuple. C’est une sélection humaine dans laquelle peuvent s’insérer tous ceux qui se repentent de leurs péchés et qui s’incorporent par la foi à ce Dieu qui ne fait maintenant plus de distinction entre Juifs et non-Juifs, puisque dorénavant il n’existe plus qu’une seule porte pour Lui appartenir, c’est la foi dans le Redemptor Hominis, dans le Rédempteur de l’humanité. Préparation à l’Alliance. Moïse convoque le peuple et il lui annonce tout ce que Dieu a dit. Le peuple fait alors cette merveilleuse réponse : « Nous ferons ce qu’a dit Yahvé ». Voyez comment Dieu a préparé psychologiquement le moment où Il allait leur parler. Il a rappelé les origines de ce peuple, Il a mentionné les conditions pour Lui appartenir. Il demande la sainteté, il offre les privilèges de la sainteté : peuple sacerdotal, peuple saint, peuple qui m’appartient. « Nous ferons tout ce que le Seigneur demandera ».
La Théophanie. Alors, le livre de l’Exode commence à nous décrire cette merveilleuse « théophanie » (Ex 19,16-17) : « Or le surlendemain, dès le matin, il y eut des coups de tonnerre, des éclairs et une épaisse nuée sur la montagne, ainsi qu’un très puissant son de trompe et, dans le camp, tout le peuple trembla. Moïse fit sortir le peuple du camp, à la rencontre de Dieu, et ils se tinrent au bas de la montagne ». Et Moïse, qui a reçu la charge de Dieu, monte seul pour s’entretenir avec le Seigneur. C’est là que Dieu lui dicte ce qui a été lu aujourd’hui dans la première lecture : les dix commandements, le Décalogue.
B) Le Décalogue est avec le Code de l’Alliance, la Charte Maîtresse de l’Alliance du Sinaï. À partir de ce moment, le Décalogue sera comme l’essence du Peuple de Dieu. Le Décalogue avec le code de l’alliance qui est inscrit dans les chapitres suivants de l’Exode, constitue l’âme du Pentateuque. Ce sont les cinq premiers livres de la Bible que le Christ, les prophètes et les Juifs appellent la Loi. Souvenez-vous combien de fois le Christ a dit : « La Loi et les prophètes ». Nous sommes face à la loi, c’est la Loi de Dieu qui constitue la sagesse de ce peuple. La Loi de Dieu qui a été donnée sur le Sinaï a pour préambule ce que nous avons entendu aujourd’hui : « Je suis le Seigneur, ton Dieu. » Il s’agit également d’un prologue historique : « Je suis le Seigneur qui t’a fait sortir d’Égypte, de l’esclavage ». Il ne faut pas oublier ces préambules si nous voulons rencontrer le véritable sens de la Loi de Dieu, dont plusieurs se moquent aujourd’hui. Mais j’aimerais vous rappeler comment Dieu a donné une loi pour tous les temps, qui n’est plus seulement pour Israël. Par cette loi Dieu a assumé l’ensemble des lois naturelles. Les lois de l’Ancien Testament prévalent toujours pour le Nouveau Testament.
Quand le Christ dans son sermon sur la Montagne rappelle cet épisode du Décalogue, Il dira : « Je ne suis pas venu pour abolir la loi, mais pour la parfaire ». Il rappelle au jeune homme qui cherche la voie du Salut : « Observe les commandements ». « Quels sont-ils ? », lui demanda alors celui-ci. Le Christ commence alors à énumérer cette page que nous avons lue aujourd’hui. Préambule théologique : « Je suis le Seigneur, ton Dieu. » Il existe une différence entre les codes, les lois contemporaines, et le Décalogue. Les études de la Bible ont découvert de nombreux textes de ce temps, mais entre ceux-ci et le Décalogue, il existe une énorme différence. Dans les autres codes, les lois de ces peuples se présentent sous une forme casuistique : si quelqu’un fait telle chose… il se mérite telle récompense ou tel châtiment. Mais la loi de Moïse est très distincte. Elle ne dit pas « Si quelqu’un fait cela… », mais plutôt « Tu feras ceci et tu cesseras de faire cela ». Ce n’est pas une casuistique, c’est la loi d’un souverain. C’est pourquoi cette Souveraineté nous est présentée au commencement : « Je suis le Seigneur, ton Dieu ». Aucun homme ne peut dresser la tête en signe de rébellion contre ce Seigneur qui lui a donné la vie et l’existence. Même si cet homme se prétend athée et qu’il dit : « Je ne crois pas en Dieu », le fait demeure que cette personne vit parce que Dieu lui a donné l’être. Au plus athée, au plus incrédule, à celui qui se moque le plus de l’Église, le Seigneur peut lui adresser la parole et lui dire : « Je suis ton Dieu, ton Seigneur, Je t’impose une loi et tu dois l’accomplir ». Préambule historique : « Je suis le Seigneur qui t’a fait sortir du pays d’Égypte et de l’esclavage ». Parce que l’Exode marque pour Israël son origine en tant que peuple. L’Alliance que Moïse réalisa avec son Dieu est une alliance comme peuple. Ainsi, l’alliance que Dieu fit avec Abraham comme père d’un futur peuple était individuelle. Maintenant, ce peuple est devenu une réalité et l’alliance qui est faite avec celui-ci possède un sens communautaire. C’est une communauté qui naquit de la libération (expérience fondatrice). Comme il est merveilleux de penser à cela alors qu’on discute autant de libération, sur ce qu’est le véritable sens de celle-ci. Dieu est le grand Libérateur : « Je t’ai donné la liberté », mais la liberté ne vous est pas donnée pour le libertinage. La liberté nous est donnée pour quelque chose. Saint Paul dit : « Libres pour le Christ ». Chaque fois qu’il y a une libération, celle-ci possède un objectif pour lequel il faut l’acquérir. Si Dieu libère Israël d’Égypte, c’est pour en faire son peuple. Non, naturellement, avec la dureté du Pharaon, sinon avec son doux joug. Sa loi est légère, mais il n’y a pas un homme qui puisse vivre sans loi. Celui qui n’obéit pas à la loi de la liberté des fils de Dieu tombe dans l’esclavage de ses passions. Celui qui n’obéit pas à la loi de Dieu se croit libre. Il n’y a pas plus esclave que celui qui est rebelle à loi de Dieu, parce qu’il est esclave de quelque chose : esclave de la chair, de l’argent, de la passion politique, de la luxure et de l’orgueil. La liberté de Dieu nous offre un chemin que nous devrons toujours suivre : la loi de Dieu. Il est bon de s’en rappeler parce qu’aujourd’hui où nous devons réfléchir sur les pages de la Bible qui traitent des dix commandements de la loi de Dieu, je voudrais que nous pénétrions dans l’intimité de chaque cœur et que nous regardions sincèrement comment est-ce que nous accomplissons notre alliance avec Dieu.
L’éthique demeure en interdépendance avec le dogme, mais cette relation ne provient pas d’un caprice de nous diriger. Il existe une éthique qui est basée sur un dogme, c’est-à-dire sur une vérité, sur une révélation. Dieu s’est révélé comme l’aigle qui emporte le peuple sur ses ailes. Il s’est révélé comme une force libératrice du peuple. Dieu s’est révélé comme un principe d’amour aux êtres humains. Nous ne pouvons pas oublier ces révélations qui constituent notre dogme, nous ne voulons pas que la loi de Dieu se convertisse en quelque chose d’odieux. Pourquoi est-ce que de nombreuses personnes n’accomplissent pas la loi de Dieu ? Parce qu’elles ont été séparées de cette révélation d’amour. Qui est-ce qui accomplit le mieux, avec amour et avec joie, la loi de Dieu ? Ceux qui n’ont pas oublié la révélation d’un Dieu qui s’est révélé comme un Père et qui impose ses lois pour notre bien. C’est ainsi que, en tenant compte de ces principes dogmatiques, le peuple d’Israël et nous, chrétiens, qui possédons cette grande révélation en Jésus-Christ, nous accomplirons notre loi. Mais je crois qu’ici nous touchons au fond de notre situation salvadorienne. Ici, nous touchons le fond d’autant de désordres dans notre vie sociale. Si nous recherchons le pourquoi des grèves, le pourquoi des séquestrations, des divisions, de la violence et de tant de crimes, des disparitions et des tortures, nous n’aurons qu’une seule et même réponse : les hommes ont oublié la Loi de Dieu. Un jour, je vous signalerai la putréfaction de notre système, l’abus du pouvoir qui s’est converti en un voleur. Nous pouvons décrire des situations bien honteuses d’hommes qui devraient nous donner l’exemple d’honnêteté dans le poste qu’ils occupent au gouvernement, dans les affaires et le commerce. Pourquoi profitent-ils de ces fonctions, de ces positions ? Cela n’a rien à voir avec le bien commun, ils agissent par égoïsme ! Ah, si l’on révisait leur comptabilité ! Ah si on demandait des comptes à ces nombreuses œuvres publiques ! La loi de Dieu n’a pas été respectée par ceux qui devraient être nos modèles : les législateurs, ceux qui commandent. Et dans le peuple, naturellement, l’exemple de ceux d’en haut sème le doute, l’incertitude et également la soif d’en profiter. Alors, nous avons une nation corrompue de haut en bas parce qu’ils ont tous oublié la loi de Dieu, nous avons oublié la loi de Dieu.
Il est nécessaire maintenant de nous rappeler un à un ces commandements et nous verrons alors comme tout serait facile si nous revenions à l’observance de la loi divine. Je vous ai rappelé, dès le premier point, que le peuple de Dieu possède une loi qui lui a été donnée dans la solennité du mont Sinaï, qui est parvenue jusqu’à nous et qui maintenant, en ce carême de 1979, nous demande une révision de vie comme communauté, comme pays, comme gouvernés, comme peuple et comme chrétiens. C’est seulement ainsi que le carême pourra opérer cette grande tâche de rénovation si nous gardons devant nous le miroir où apparaîtra enlaidi notre visage parce que nous ne nous sommes pas préoccupés de refléter dans notre vie la loi du Seigneur. Les dix commandements, qui apparaissent aujourd’hui dans la première lecture, se divisent en deux, comme il est dit dans notre catéchisme. Les trois premiers ont trait aux relations des hommes avec Dieu, les sept autres concernent les relations de l’humain envers son prochain. Quel traité complet de morale que celui qui se retrouve dans la première lecture d’aujourd’hui (Ex 20,1-17).
Premier commandement. Le monothéisme ne pratique… aucune image. Les autres peuples avaient de nombreuses images de leurs divinités. Le premier commandement, que notre catéchisme annonce simplement en disant : « Tu aimeras ton Dieu par-dessus tout ». La Bible le décrit un peu plus (Ex 20,2-6) : « Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t’a fait sortir d’Égypte, de la maison de servitude. Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi. Tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux, là-haut, ou sur la terre, ici-bas, ou dans les eaux, au-dessous de la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux et tu ne les serviras pas, car moi, Yahvé, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux qui punit la faute des pères sur les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants pour ceux qui me haïssent, mais qui fait grâce à des milliers pour ceux qui m’aiment et gardent mes commandements ». Quelques protestants veulent y voir une accusation des catholiques parce que nous avons des images. Ce n’est pas le temps ici pour nous attarder à cela, mais en passant je vous dis que Dieu ne nous a pas interdit l’usage des images des saints, sinon qu’Il nous prohibe l’usage des images de Dieu. Les images des saints sont des portraits de personnes que nous savons qu’ils sont déjà dans l’autre vie. C’est pour que nous les ayons présents à l’esprit comme j’ai la photo de ma mère auprès de mon lit, tout en sachant que ce n’est pas elle qui est là, mais son effigie, son portrait. L’image qui est interdite dans ce commandement, c’est celle de l’idolâtrie, l’image de culte. En révisant cela, les investigations modernes ont démontré les distinctions énormes qui existent entre le peuple d’Israël et les peuples voisins qui n’avaient pas ces interdits. Ils ont découvert plusieurs de ces images dans les excavations qu’ils ont réalisées chez ces peuples, alors que chez les juifs de cette époque ils n’en ont découvert aucune, pas une seule image de leur divinité. Par contre, ils ont rencontré sur les sites archéologiques de ces autres nations, des divinités représentées sous forme de serpents, d’animaux, etc. Pour éviter ce danger de l’idolâtrie, Dieu ordonne qu’ils ne se fabriquent pas d’images du divin, qu’il ne tente pas de représenter Dieu par des images visibles parce que le jour où un juif sera agenouillé devant une idole, il aura trahi le Décalogue : « Je suis un Dieu jaloux, dit le Seigneur, je ne veux pas que tu adores qui que ce soit en dehors de moi ». C’est le sens du premier commandement, lequel, comme vous voyez, a encore son sens pour notre temps. Quelles sont les idoles de notre temps ? Nous l’avons dit souvent et c’est pourquoi il y a de nombreuses personnes qui pèchent contre le premier commandement, parce qu’ils se sont érigé des idoles : l’argent, le pouvoir, l’orgueil, l’égocentrisme. Ce premier commandement est pour nous l’opportunité que nous offre le carême pour détrôner toute idole qui n’est pas le Dieu véritable. Cela doit être un moment de révision de ma vie et de mes critères. Est-ce que je mets Dieu au-dessus de tout ?
Deuxième commandement. Le mauvais usage du Saint Nom… Blasphèmes, Jurons, Malédiction, magie noire. Le deuxième commandement que notre catéchisme nous dit est : « Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain ». La Bible nous le présente plus explicitement (Ex 20,7) : « Tu ne prononceras pas le nom de Yahvé ton Dieu à faux, car Yahvé ne laisse pas impuni celui qui prononce son nom à faux ». Cela fait référence à prendre le nom de Dieu comme fondement pour une malédiction. Le respect de ce second commandement est allé si loin que les Israélites ne prononçaient pas le nom de Yahvé sinon qu’ils disaient : « Adonaï », qui signifie « Le Seigneur ». La révélation du Saint Nom de Yahvé, ce n’est pas Jehova comme l’affirment les Témoins du même nom. Il s’agit d’une falsification, cela n’existe pas. Yahvé est son nom. Yahvé ! Mais ce nom était si saint et ils respectaient tant ce second commandement de ne pas prononcer le nom de Yahvé sans respect, qu’il valait mieux ne pas le prononcer, et ils le changèrent pour un autre : « Adonaï », le Seigneur.
Troisième commandement. Le sabbat doit être consacré à Dieu. Le troisième commandement qui marque les relations de l’homme avec Dieu et aussi celui de l’Alliance de Dieu avec Moïse, c’est le Sabbat. Le repos sabbatique c’est comme l’arc-en-ciel, c’est le signe d’une alliance. Le dimanche sera aussi le signe de l’alliance de Dieu avec son peuple. C’est pourquoi venir à la messe le dimanche c’est comme si le peuple de Dieu était ici en train de renouveler avec Dieu son alliance. Je vous remercie pour votre présence dans la cathédrale, cela donne tant de vie à ce jour du précepte. Vous pourriez vous demander : pourquoi pas le samedi, comme dit la Bible ? Le Sabbat est une parole dont la racine signifie repos. Ce n’est pas proprement un jour de semaine, mais un jour de repos. Pour les Israélites, ce fut le Sabbat, mais comme le Christ ressuscita un dimanche, les premiers chrétiens déjà, avaient pris l’habitude de changer le jour du repos traditionnel pour celui qui commémorait la Résurrection, fondement de notre espérance. C’est pourquoi le Concile dit : « Les catholiques viennent à la messe le dimanche, ils se réunissent pour renouveler leur alliance avec Dieu, pour rendre grâce à Dieu pour l’espérance de la Rédemption qu’ils portent dans leur cœur ». C’est pour cela que nous venons le dimanche, pour renouveler notre alliance ! Sanctifier le jour du Seigneur, venir à cette Assemblée réunie, c’est ce que j’ai mentionné aujourd’hui : L’assemblée convoquée par Moïse lorsque Dieu allait leur parler. Je vous regarde et je sais que mon humble ministère n’est pas plus que celui de Moïse, de vous transmettre la Parole : « Le Seigneur dit ». Quel bonheur cela me fait de constater dans les lettres que je reçois que, dans l’intimité de vos cœurs, vous acceptez, ce que le peuple répondit à Moïse : « Nous ferons tout ce que Yahvé a ordonné ». L’autre jour, un prêtre m’a dit qu’un monsieur cherchait à se confesser – cela faisait quarante ans qu’il ne l’avait pas fait – parce qu’il voulait se convertir à cause de ce qu’il avait entendu à la cathédrale. Quand on dit que ma prédication est politique, je m’en remets à ces témoignages de conversion à Dieu. C’est ce que je cherche : la conversion à Dieu. Et si je fais souvent référence aux événements politiques, souvent corrompus, je le fais pour que ces hommes que Dieu aime se convertissent et abandonnent leurs péchés. C’est ici que viennent les sept préceptes qui concernent les relations des hommes entre eux.
Quatrième commandement. L’obligation envers les parents. « Le premier commandement avec une promesse ». Le quatrième commandement a trait à la relation des hommes et des femmes envers leurs parents. Saint Paul dans l’épître aux Éphésiens l’appelle « le premier commandement avec une promesse ». Il est bien intéressant de savoir que le seul commandement qui contient une promesse de bénédiction est celui où Dieu dit (Ex 20,12) : « Honore ton père et ta mère, afin que se prolongent tes jours sur la Terre que te donne Yahvé ton Dieu ». Je crois qu’il suffit d’en appeler à l’expérience des bons et des mauvais enfants. Quelle joie apporte le bon fils ! Quels problèmes apporte le mauvais fils ! Quelle tendresse que celle de la vieille dame qui peut dire : mon fils ne m’oublie jamais ! Quelle amertume que celle de l’homme qui dit : mes enfants ne se soucient plus de moi. Si cette loi était observée, comme il y aurait du bonheur dans de nombreux foyers et dans de nombreux cœurs !
Le cinquième commandement a trait à l’homicide, au caractère sacré de la vie humaine. Le cinquième commandement est court, mais terrible : « Tu ne tueras pas ! » C’est ici que le caractère sacré de la vie est affirmé. Souvenez-vous que tout est sous l’épigramme : « Je suis le Seigneur, ton Dieu, Je t’ai donné la vie et tu n’enlèveras pas la vie à ton frère ». Combien de sang a enlevé parmi nous le bonheur et la sainteté de ce commandement ! On envoie tuer, on paie pour tuer, on gagne sa vie en tuant. On tue pour éliminer l’ennemie politique qui dérange, on tue par haine. Combien de crimes ont eu lieu sur ces cadavres qui apparaissent ? Souvent, l’origine de leur capture fut officielle, mais je pense au motif de ces assassinats. Quel fut-il ? Qui a payé ? Quel intérêt se cache-t-il derrière cette mort ? Tu ne tueras pas, c’est terrible ! Puissent, Dieu, m’entendre ces hommes qui ont les mains tachées par un homicide. Ils sont nombreux, malheureusement, parce qu’est homicide également celui qui torture. Celui qui commence à torturer ignore où cela va se terminer. Nous avons vu des victimes de tortures, amenées par mille subterfuges mensongers, pour mourir dans un hôpital. Ce sont des assassins également, des homicides, ils ne respectent pas le caractère sacré de la vie. Personne ne peut porter la main sur un autre homme parce que celui-ci est à l’image de Dieu. Tu ne tueras pas ! […] Quand le Christ voulut améliorer ce commandement, il disait : « Déjà, lorsque vous commencez à haïr, vous avez commencé à tuer ». C’est pour cela qu’Il est venu, pour parfaire, par ses conseils évangéliques, ces commandements, pour éloigner autant que possible, la possibilité que l’être humain désobéisse à la loi du Seigneur et pour qu’il demeure toujours heureux. Nous pourrions poursuivre ainsi, parce que ce cinquième commandement est très malmené parmi nous, tragiquement négligé ! Puisse Dieu que devant la lumière de mes mots qui répètent sa Parole, nous regardions avec plus de respect la vie humaine. Surtout, si cet homme est sous le pouvoir de quelqu’un qui le fait souffrir. Respectez-le s’il vous plait. Ne le tuez pas ! Où sont les disparus ? Dans quelle prison sont-ils en train de mourir en se languissant, ou sont-ils déjà morts, les ont-ils déjà tués ? Dites-le, ne serait-ce que pour que les mères sachent où emporter une couronne à leur fils qu’elles pleurent dans l’incertitude…Tu ne tueras pas ! Même si tu conduis un char d’assaut ou si tu manipules des fusils de gros calibre. Pourquoi sont morts les spectateurs de la grève, il y a quelques jours ? N’y a-t-il pas une autre manière d’éloigner une foule que d’ouvrir le feu sur elle ? De nouveaux foyers pleurent ces morts inattendus. Tu ne tueras pas ! Puisse Dieu se graver comme sur une pierre dans la conscience et dans le cœur de celui qui agit envers un autre homme, surtout lorsqu’il s’agit de relation d’autorité envers des subordonnés : Tu ne tueras pas ! La loi de Dieu l’exige.
Sixième commandement. Sainteté du mariage. Il y aurait tant à dire également du sixième commandement. Tu ne commettras pas l’adultère. Lorsque nous regardons à la lumière de Dieu, la situation de notre pays, nous nous surprenons de voir comment est-ce que Dieu est patient et qu’Il ne nous traite pas pire que cela par notre propre faute. C’est la sainteté du mariage, c’est seulement dans le mariage que peuvent avoir lieu les relations sexuelles d’un homme et d’une femme et pour sauver la sainteté de cet acte qui collabore avec le Dieu Créateur dans la fécondité de la vie, Dieu interdit toute relation en dehors du mariage. Ici, nous avons un autre bon négoce au Salvador : les motels, les bordels, les maisons de rencontre. Combien de pourriture, combien de misère, combien d’exploitation de la dignité de la femme, de la santé, de la vie du pays. Et ce sont de bonnes affaires. Vous seriez étonnés d’apprendre à qui appartiennent ces établissements. Chers frères, il peut pleuvoir du feu sur cette Sodome. Ce sont des maisons du péché qui sont occupées jour et nuit. Ce sont des temps où on offense Dieu. Il n’y a plus d’austérité dans la vie. La loi de Dieu est de trop. Tu ne commettras pas l’adultère ! Tu ne forniqueras pas !
Septième commandement. La sainteté de la propriété privée inclut la liberté. Le septième précepte du Décalogue est : « Tu ne voleras pas ! » Quel examen de conscience pourrions-nous faire ici, alors qu’on vole à outrance dans notre environnement. Celui qui ne vole pas se sent stupide, et celui qui fait des affaires ou qui entreprend une œuvre se croit obliger d’abuser – parfois à coup de millions. Tu ne voleras pas ! Notre pays serait différent si on ne volait pas tant…Je veux rendre justice à de nombreuses personnes qui possèdent de l’argent et qui sont très honorables, qui se plaignent qu’on leur ait attribué la faute en tout. Ils nous font voir sous un autre aspect pour nous dire : ce ne sont pas uniquement les quatorze familles qui sont coupables. On voit de plus en plus d’ex-fonctionnaires se retirer très à l’aise. Les grandes propriétés, les maisons luxueuses et les commerces se multiplient. Est-ce que tout cela provient de choses honnêtes ? Béni soit Dieu ! Mais si dans le fond ils enfreignent le septième commandement, ils ne peuvent pas remercier Dieu. Tu ne voleras pas ! C’est la vérité et ce qu’ils ont, ils l’ont volé au peuple qui périt dans la misère. Combien d’autres choses pourrions-nous dire de ce précepte qui semble aujourd’hui sans importance. Mais, frères, voler sera toujours un péché. Ne pas voler, c’est la loi de Dieu.
Huitième commandement. « Tu ne rendras pas de faux témoignages contre ton prochain ». La loi de la sincérité ! Je veux rendre grâce à Dieu parce que l’Église a le langage de la sincérité. Je veux rendre grâce à Dieu parce qu’au milieu d’un monde de mensonges, où personne ne croit plus en rien, on croit encore en l’Église. Grâce à Dieu qui préserve le sens de la crédibilité et la capacité de dialoguer parce qu’ils savent que l’Église ne ment pas. Elle est dure parce qu’elle ne sait pas mentir. Mais dans ce commandement de la sincérité, combien de choses y aurait-il à dire. Combien sont ceux qui croient les nouvelles de nos journaux, surtout quand ils servent à la défense de certains intérêts ? Par chance, le peuple – et je le félicite – apprend à lire les journaux, à écouter la radio et à regarder la télévision. Ce n’est pas tout ce qui sort de là qui est la vérité. Il y a de nombreux mensonges. Il y a de nombreux péchés contre le huitième commandement. Un écrivain moderne a dit : « Si nous nous éveillions un jour avec l’idée d’accomplir la loi de Dieu, en arrivant à la maison, en prenant le journal, nous découvririons de nombreux endroits laissés en plan ». S’il était interdit de mentir, c’est certain qu’il y aurait davantage de confiance dans les rapports humains. Mais où en sommes-nous rendus dans notre société ? À une méfiance si grande, que chaque fois que nous avons une conversation avec quelqu’un, nous regardons à gauche et à droite pour voir si quelqu’un n’est pas en train de nous épier. Parce qu’épier les gens, c’est également un péché contre le huitième commandement… Parce que la plupart du temps, l’information qu’ils rapportent est inspirée par la haine, par la vengeance. J’ai vu ainsi souffrir de nombreux hommes parce qu’on porta de faux témoignages contre eux. C’est ce qui se produit avec les communautés de notre Église, elles sont victimes de ce péché : le faux témoignage. Je me souviens de certains arguments de ceux qui désiraient voir expulser certains prêtres. J’ai pu me rendre compte du mensonge et de l’insolence avec laquelle ils m’apportèrent ces informations sur laquelle étaient fondées des décisions injustes, inspirées par le péché, contre le huitième commandement. Un peu de conscience, chers frères, un peu de conscience pour dire toujours la vérité ! Il vaut mieux se taire, même si parfois c’est de la lâcheté lorsqu’il s’agit de défendre celui qui pèche en rendant un faux témoignage.
Neuvième et dixième commandements. Les désirs illicites peuvent conduire à des actions concrètes contre les sixième et septième commandements. Ce sont les deux derniers préceptes : « Tu ne convoiteras pas les biens de ton prochain », « ni ne désireras la femme de ton prochain », comme préceptes préventifs afin de ne pas tomber dans la violation de la sainteté de la propriété et du mariage. Comme vous voyez, les commandements écrits sur le mont Sinaï, comme nous dit la Bible, sont nos relations les plus importantes avec Dieu et avec nos prochains. Puisse, Dieu, ce carême être pour nous l’occasion de faire une révision de vie afin de voir comment nous accomplissons la loi de Dieu !
C) Médiation de Moïse
Après cela, nous terminons la cérémonie du Sinaï, Moïse ordonne de tuer des animaux pour sceller l’alliance qui avait été conclue avec Dieu et la moitié du sang fut aspergé sur le peuple, comme pour marquer de ce sang de victime, la promesse qui avait été faite. « Nous ferons tout ce que Yahvé a dit ». Les dix commandements de la loi de Dieu sont la réponse des hommes à l’alliance qu’Il veut faire avec nous. Accomplir ces commandements, c’est ratifier chaque jour l’entente signée avec Dieu : « Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple ». Ne nous glorifions pas d’être le peuple de Dieu tant que nous offenserons autant la loi du Seigneur.
2) La loi de Dieu est nécessaire, mais elle ne suffit pas. La lettre sans l’esprit : le temple, les fêtes, les institutions sacrificielles. Ici, je vais me limiter à l’Évangile d’aujourd’hui (Jn 2,13-25). Le Christ se fait un fouet avec des cordes pour expulser du temple ceux qui ont fait de la loi de Moïse un commerce, ceux qui ont fait du temple, symbole de l’union avec Dieu, un marché, une cave de voleurs. Pour purifier ce saint lieu qu’était le temple, il fallait sans cesse offrir un culte de sacrifice, mais cela se faisait d’une manière si légaliste qu’ils s’étaient éloignés de l’esprit de la loi. L’Évangile de saint Jean est très pittoresque, il relate de nombreuses coutumes de la tradition juive. Dans l’Évangile d’aujourd’hui apparaissent par exemple le signe des fêtes, le signe du temple, le signe de l’institution sacrificiel. Tout ceci n’était rien d’autre que des signes extérieurs, c’était la lettre de la loi. Mais le légalisme n’est pas l’esprit, ce que Dieu veut avant tout, c’est l’esprit. La lettre ne suffit pas, l’esprit est nécessaire (encyclique Redemptor Hominis).
Puisque je vous ai annoncé la nouvelle encyclique de sa Sainteté Jean-Paul II, je ne voudrais pas vous priver d’en entendre quelques extraits, sur le point qui se réfère à la Rédemption et au Salut des hommes d’aujourd’hui. Il dit que la lettre ne suffit pas, mais que l’esprit est nécessaire. « Déjà, depuis la première moitié de ce siècle, dans la période où diverses formes de totalitarismes d’État se sont développées, lesquelles, comme c’est connu, nous conduisirent à d’horribles catastrophes belliqueuses ; l’Église avait clairement délimité sa position face à ces régimes qui agissaient apparemment pour un bien supérieur, comme le bien de l’État, tandis que l’histoire démontrait, au contraire, qu’il s’agissait plutôt du bien d’un parti qui s’identifiait à l’État ». Il s’agit des régimes d’avant-guerre, surtout de l’Allemagne et de l’Italie, où naquit l’idéologie de « la Sécurité d’État », qui sert maintenant d’inspiration à nos régimes latino-américains. Le Pape dit que c’est précisément pour avoir vécu cette triste histoire des violations des droits humains dans ces pays qui se glorifiaient de servir le bien commun, que c’est à cause de cela qu’est née l’Organisation des Nations Unies et que fut rédigée la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le Pape fait référence à cela lorsqu’il dit : « En partageant la joie de cette conquête avec tous les hommes de bonne volonté, avec tous ceux qui aiment véritablement la justice et la paix, l’Église est consciente que la lettre seule peut tuer, alors que l’Esprit de vie doit se demander sans cesse avec l’aide des hommes de bonne volonté si la Déclaration des Droits Humains et l’acceptation de sa lettre signifient pour tous la réalisation de son esprit. Surgissent, en effet, des craintes fondées selon lesquelles nous sommes bien souvent éloignés de cette réalisation et que peut-être l’esprit de la vie sociale et publique se retrouve dans une opposition douloureuse avec la “lettre” déclarée des droits de l’homme. Cet état de fait, très grave pour ces sociétés, rendrait particulièrement responsables, face à ces dites sociétés et à l’histoire de l’humanité, ceux qui contribuent à en déterminer la lettre ».
Nous nous glorifions de ce que les droits humains coïncident avec la loi de Dieu, mais si le Pape dit : « Nous devons cependant nous demander si cette Déclaration universelle des Droits de l’homme acceptée par de nombreux pays, comme si un nouveau Sinaï avait inspiré un nouveau respect envers Dieu et les êtres humains, si la loi de Dieu comme la Déclaration universelle des droits de l’homme n’avaient pas davantage servi pour se recouvrir de la lettre, en laissant son esprit très loin de ce qui en était espéré ».
3) Le Christ est la plénitude de la loi et la force de Dieu qui sauve. Nous allons nous approcher de l’autel avec ce troisième point. J’y ai déjà fait allusion, la loi est nécessaire, mais la lettre ne suffit pas, l’esprit de la loi est nécessaire, seul le Christ est la plénitude de la Loi. Ne l’oublions pas quand nous marchons pendant notre carême jusqu’au Calvaire et la Résurrection. Le Christ est le vrai temple : la mort et la résurrection sont la porte du Salut.
Saint Paul nous a dit que ni le signe que recherchent les Juifs avec la magnificence de leur temple, avec les miracles, ni la sagesse des Grecs, ne sauveront l’humanité, mais la force « salvatrice » qui se trouve dans le Christ crucifié. C’est le signe, quand le Christ nous rappelle, ce matin, son geste valeureux d’expulser du temple ceux qui le profanaient, Il se présente Lui-même comme le temple, comme l’endroit où Dieu rencontre l’être humain, comme le parfait adorateur de Dieu et le Sauveur des hommes. Ni les signes des juifs, ni la sagesse des Grecs, sinon l’unique signe de Dieu, scandale et folie pour les hommes : le Christ crucifié.
Puisse Dieu, toutes ces réflexions sur l’Alliance et notre réalité nationale, nous amener à comprendre comme saint Paul nous a dit : « N’ayons pas une autre espérance ni dans les lois ni dans les pouvoirs des hommes, ni dans les signes créés que notre confiance et notre espérance ». Oui, travaillons pour les choses de la Terre, pour améliorer les moyens humains, mais le cœur enraciné dans le grand signe des chrétiens : Christ crucifié ! Christ ressuscité ! Amen…
Mgr Oscar Roméro