Lecture du livre du prophète Jérémie 38, 4-6. 8-10
La Parole de Dieu que le prophète Jérémie fait entendre, dérange les chefs de l’armée qui chercheront à le liquider. Comme c’est actuel en bien des pays !
En ces jours-là, pendant le siège de Jérusalem, les princes qui tenaient Jérémie en prison dirent au roi Sédécias : « Que cet homme soit mis à mort : en parlant comme il le fait, il démoralise tout ce qui reste de combattant dans la ville, et toute la population. Ce n’est pas le bonheur du peuple qu’il cherche, mais son malheur ». Le roi Sédécias répondit : « Il est entre vos mains, et le roi ne peut rien contre vous ! » Alors ils se saisirent de Jérémie et le jetèrent dans la citerne de Melkias, fils du roi, dans la cour de garde. On le descendit avec des cordes. Dans cette citerne il n’y avait pas d’eau, mais de la boue, et Jérémie enfonça dans la boue. Ébed-Mélek sortit de la maison du roi et vint lui dire : « Monseigneur le roi, ce que ces gens-là ont fait au prophète Jérémie, c’est mal ! Ils l’ont jeté dans la citerne, il va y mourir de faim car on n’a plus de pain dans la ville ! » Alors le roi donna cet ordre à Ébed-Mélek l’Éthiopien : « Prends trente hommes avec toi, et fais remonter de la citerne le prophète Jérémie avant qu’il ne meure ». – Parole du Seigneur.
Commentaire : Le roi de Babylone assiège Jérusalem, en l’an 588. En vain l’Égypte a-t-elle tenté de secourir les Judéens, leurs alliés ; l’armée babylonienne l’a repoussée. Depuis toujours Jérémie dénonce cette révolte contre le roi de Babylone à qui Sédécias a promis obéissance par serment. Pour le prophète, cette violation du droit ne peut plaire au Seigneur. Mieux vaut se rendre, proclame-t-il. Arrêté, le prophète est accusé de démoraliser l’armée, et les chefs obtiennent sa condamnation à mort. Un étranger, de race noire, le sauve à temps d’une mort certaine.
Les interventions du pape et des évêques en faveur de la paix du désarmement, de l’aide aux pays en voie de développement, de la démocratie et de la liberté des peuples, poursuivent l’action des prophètes bibliques. Comment recevons-nous et répercutons-nous leurs interventions ?
Psaume 39
R/ : Seigneur, viens vite à mon secours !
- D’un grand espoir, j’espérais le Seigneur : il s’est penché vers moi pour entendre mon cri. R/
- Il m’a tiré de l’horreur du gouffre, de la vase et de la boue ; il m’a fait reprendre pied sur le roc, il a raffermi mes pas. R/
- Dans ma bouche il a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu. Beaucoup d’hommes verront, ils craindront, ils auront foi dans le Seigneur. R/
- Je suis pauvre et malheureux, mais le Seigneur pense à moi. Tu es mon secours, mon libérateur : mon Dieu, ne tarde pas ! R/
Lecture de la lettre aux Hébreux 12, 1-4
Nous sommes portés dans la vie de foi pour la foule immense des croyants d’hier et d’aujourd’hui.
Frères, nous qui sommes entourés d’une immense nuée de témoins, et débarrassés de tout ce qui nous alourdit – en particulier du péché qui nous entrave si bien –, courons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi. Renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré la croix en méprisant la honte de ce supplice, et il siège à la droite du trône de Dieu. Méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité, et vous ne serez pas accablés par le découragement. Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché. – Parole du Seigneur.
Commentaire : texte de réconfort pour des chrétiens persécutés, ce passage les invite à tenir bon dans la foi pour deux raisons. Tout d’abord l’exemple des ancêtres dans la foi, Abraham, Moïse… eux étaient seuls à lutter contre le découragement, alors que les chrétiens se savent solidaires de cette foule immense de témoins qui les ont précédés. Ensuite l’exemple du Christ qui a librement accepté le supplice infamant de la croix. C’est lui, Jésus, qui est à l’origine de leur foi, c’est lui aussi qui la perfectionnera quand ses témoins lutteront contre le péché jusqu’au sang, par fidélité et amour pour lui.
La foi nous introduit dans la communion de tous ceux qui ont mené le combat de la foi contre le découragement. Nos communautés chrétiennes doivent être aussi cette foule de témoins pour les nouvelles générations de chrétiens. Chacun des services qui nous y accomplissons concourt à ce but.
Alléluia. Alléluia. Mes brebis écoutent ma voix, dit le Seigneur ; moi, je les connais, et elles me suivent. Alléluia.
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 12, 49-53
Le message de Jésus Christ n’apporte pas la paix, mais il crée la division entre les hommes : c’est que le feu de l’amour a du mal à prendre sur la terre !
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ! Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division. Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère ». – Acclamons la Parole de Dieu.
Commentaire : Contrairement à l’attente de ses contemporains pour lesquels la venue du règne de Dieu leur apporterait la tranquillité en consacrant leurs mérites et en mettant fin à toutes les divisions, Jésus annonce que le règne de Dieu provoquera l’effet inverse. Il viendra comme un feu purifiant séparer les justes et les pécheurs, provoquer la division au sein des familles entre ceux qui l’accueilleront comme une Bonne Nouvelle et ceux qui voudront le refuser. Comme le Christ désire voir venir ce royaume de Dieu ! Pourtant, il sait qu’il doit subir l’épreuve de sa passion, comme un baptême de sang, pour qu’arrive ce règne de Dieu.
Si quelqu’un se présentait en annonçant qu’il va semer la division y compris dans nos familles, l’écouterions-nous ? Et pourtant, c’est Jésus lui-même. Désirons-nous le feu qu’il apporte ?
Homélie
Jésus est venu pour plonger le monde dans le feu de Dieu. C’est le désir le plus ardent de son cœur qu’il nous livre à travers cette phrase étonnante « C’est un feu que je suis venu apporter sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ».
En reprenant ce symbole qui court à travers toute la Bible, Jésus n’entend pas évoquer le feu du jugement dernier qui purifiera l’univers : pour Lui, il n’y a qu’un feu de Dieu : celui que ressentaient les disciples d’Emmaüs : « Notre cœur ne brûlait-il pas en nous tandis qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Écritures ? »
Dieu est Feu : sa parole « est un feu qui dévore ».
Son Esprit est Feu : voilà le feu que Jésus est venu apporter le feu de la Pentecôte.
Jean-Baptiste avait présenté Jésus comme celui qui devait « baptiser dans l’Esprit-Saint et le feu ».
La Pentecôte allait illustrer cette parole énigmatique du Précurseur. Si le feu que Jésus veut mettre dans le monde est celui de la Pentecôte, on comprend alors son impatience mais aussi son angoisse. Il les exprime en cette confidence qui suit la première : « c’est un baptême que j’ai à recevoir et comme cela me pèse (ou m’oppresse) jusqu’à ce qu’il soit accompli ».
Le Baptême de Jésus doit être précédé en effet du baptême de sang, celui que Jésus recevra sur la croix. La longue montée de Jésus vers Jérusalem nous révèle combien il est angoissé par la perspective de sa Passion. Et cette angoisse grandissante s’achèvera, nous le savons sous les oliviers de Gethsémani, provoquant sur tout son corps une sueur de sang. L’agonie de Jésus au soir du Jeudi-Saint n’est en fait que la phase ultime et particulièrement aiguë d’une agonie qui a commencé bien avant « cette nuit où il fut livré ».
Étrange alchimie divine : le feu de Pentecôte jaillira du sang de la Passion : l’Esprit-Saint sera le fruit de la Croix, l’amour qui doit brûler les hommes naîtra du Cœur transpercé de Jésus. Tout sera gagné quand tout sera donné. Telle est la loi de la Rédemption. C’est pourquoi les vrais disciples de Jésus sont à la fois des « divins impatients » et des « donneurs de sang ».
Blessée, Jeanne d’Arc disait « ce n’est pas du sang qui coule c’est de la gloire ».
A partir de son baptême de feu sur la croix, Jésus a donc transmis au monde l’Esprit-Saint qui est Amour. Et comme il lui tarde de voir l’humanité tout entière purifiée et transfigurée dans l’immense incendie de l’Amour divin... Mais cela ne pourra se faire que si ses disciples, gagnés eux-mêmes par ce feu deviennent par leur témoignage et leurs activités apostoliques incendiaires d’amour partout où ils se trouvent. Seulement voilà : chaque fois qu’un foyer de vie chrétienne lumineuse et ardent s’allume quelque part les extincteurs ne se font pas attendre. Et ce qui est le plus affligeant c’est que nous-mêmes dans bien des cas nous leur prêtons mainforte. Qui peut prétendre, en effet, qu’il n’a jamais essayé d’éteindre l’Esprit en lui ou autour de lui ?
L’Evangile dérange trop de personnes, bouleverse trop d’habitudes et remet en question trop de structures pour que les hommes assistent à l’explosion sans réagir. Ceux qui vivent et annoncent l’Evangile dans toutes ses exigences, ne tardent pas à subir l’assaut de multiples extincteurs.
S’il nous faut bien reconnaître d’ailleurs que toutes ces forces mauvaises se trouvent, hélas ! encouragées par nos peurs, nos démissions, nos résignations, parfois même avec la complicité d’une doctrine qui cherche à garder le juste milieu à ne déranger personne, à susciter une religion assez superficielle pour anesthésier tout le monde, à commencer par ceux qui se servent de l’Evangile, au lieu de le servir.
Chers frères et sœurs, sur ce pont, comme sur tant d’autres, nous devons nous examiner sans complaisance, sans désespoir non plus.
- Si nous nous découvrons extincteurs du feu de Dieu dans plusieurs de nos comportements, nous avons toujours la possibilité de nous ressaisir, de nous réajuster au bon plaisir de Dieu : (c’est ce que Paul VI appelait : la réforme intérieure. Il n’est jamais trop tard pour l’entreprendre).
- Si nous souffrons d’êtres continuellement agressés ou persécutés par tous ceux qui repoussent le feu de Dieu, tout d’abord c’est bon signe, car le démon ne s’attaque pas aux médiocres et aux tièdes, et puis pensons que le disciple n’est pas au-dessus du maître, que la persécution est une béatitude.
Jésus, Marie, les prophètes et tous les saints ont vécu cela avant nous. Et ils sont là avec nous pour nous encourager et nous soutenir dans notre combat. Parce que nous ne sommes jamais seuls, parce que le feu de la Pentecôte aura finalement le dernier mot, parce que l’Esprit de Jésus est beaucoup plus fort que toutes les manœuvres qui tentent de l’étouffer il nous faut tenir bon, il nous faut aller de l’avant, sans jamais nous décourager, sans nous laisser gagner par la peur qui est mauvaise conseillère et qui paralyse. Rappelons-nous à ce sujet les nombreuses exhortations de Jésus (il y en a au moins 350 dans l’Evangile).
« N’ayez pas peur – Sois sans crainte petit troupeau – Courage, j’ai vaincu le monde... ».
Que Marie, la femme au courage invincible nous obtienne la grâce de courir avec endurance l’épreuve qui nous est proposée. Les yeux fixés sur Jésus qui est à l’origine et au terme de la foi.
Amen.