Depuis le Concile Vatican II, on parle beaucoup de la renaissance du diaconat permanent dans nos diocèses : ministère vital pour l'avenir des communautés chrétiennes, vrai printemps pour l'Église du Christ, selon la prophétie du pape Jean XXIII. Leur mission renvoie aux grands diacres qui ont illustré les premiers siècles : en Orient, Etienne de Jérusalem, Éphrem d'Édesse, Habib de Mésopotamie (l'Irak aujourd'hui) ; en Occident, Laurent à Rome et Vincent de Saragosse. Ajoutons à cette glorieuse litanie Benjamin de Perse (l'Iran aujourd'hui) au Ve siècle.
Benjamin était un prédicateur au zèle ardent et à l'éloquence enflammée. Il avait suscité beaucoup de conversions parmi les prêtres de Zarathoustra qui étaient des mages et des devins très influents. Il fut arrêté et jeté en prison en même temps que son évêque parce que des chrétiens avaient incendié un temple païen dédié au culte du feu. On offrit la libération au diacre Benjamin, à condition qu'il renonce à sa prédication subversive. Il continua à convertir, de plus belle des prêtres païens. Remis en prison, il y resta deux ans, résistant à l'assaut des promesses et des menaces. Il fut condamné à mort et livré aux bourreaux le 31 mars 424 en Perse.
N'oublions pas le Benjamin de la Bible au livre de la Genèse chap. 35 et 43. Un nom magnifique toujours en honneur qui signifie "Fils de la droite, de bon augure, de bonheur". C'était le dernier fils du patriarche Jacob qui l'avait eu de sa bien-aimée Rachel ; parmi tous ses fils nés auparavant, Benjamin était avec Joseph son préféré.
Benjamin vient de l'hébreu ben yamîn, qui signifie "fils de la main droite", ce qui est de bon augure. Il est fêté le 31 mars.
Je nais à Thonon-les-Bains en 1435. Je suis duc de Savoie. À dix-sept ans, j’épouse Yolande de France, fille du roi Charles VII. Nous sommes parents de sept enfants, et nous formons une famille heureuse. Une de nos filles, Louise, sera déclarée bienheureuse par l’Église. Je règne 7 ans sous le nom d’Amédée IX.
Je suis atteint d’épilepsie, alors mon épouse m’aide grandement dans l’exercice du pouvoir. J’aime mes sujets, que je gouverne avec justice et charité. Je travaille d’arrache-pied à établir la paix tout autour de moi.
Très pieux, je profite de la présence du Saint Suaire à Chambéry pour prier souvent et longtemps devant lui.
Mes dernières paroles à mon épouse et à mes enfants furent pour leur recommander de pratiquer la justice et d’aimer les pauvres. Je meurs le 30 mars 1472.
Le pape Innocent XI m’a béatifié en 1677.
Ce qu’on a dit de moi
Le duc de Milan a dit de moi : ” Partout il fait meilleur être riche que pauvre, sauf chez Amédée de Savoie, qui met les pauvres à l’honneur et les riches au rencart”. Effectivement, je fais preuve d’une grande charité envers les pauvres.
Un jour qu’on se vantait devant moi de la splendeur des chasses à courre d’un prince voisin, je répondis en montrant une des salles où étaient dressées des tables autour desquelles étaient assis de nombreux pauvres que je nourrissais : « Voilà mes équipages, c’est avec eux que je vais à la chasse du royaume des Cieux ».
À propos du Saint Suaire
Un linceul (ou suaire), est une pièce de drap dans laquelle on ensevelit un mort.
Le Saint Suaire est un drap de lin jauni de plus de 4 mètres de long sur un mètre de large, montrant l’image de face et de dos d’un homme qui a été flagellé et crucifié. C’est très probablement ce linge qui a enveloppé le corps de Jésus après sa mort. On atteste officiellement sa présence dans la deuxième moitié du XIVe siècle en Champagne.
C’est Anne de Lusignan, la maman d’Amédée, qui récupère le Saint Suaire en 1453. C’est à partir de ce moment-là qu’il est vénéré comme une relique de la Passion. Le duc Amédée fait construire une chapelle dans l’enceinte de son château à Chambéry, appelée la « Sainte Chapelle de Chambéry ». Il peut ainsi vénérer le Saint-Suaire quand il en a envie !
Gladys (ou Gwladus) est née au Ve siècle à Talgarth au Pays de Galles. Elle est la fille aînée de Brychan, roi chrétien et gallois du Brycheiniog, qui eut de nombreux enfants. D’une grande beauté, elle est remarquée par un petit seigneur local du nom de Woolos (connu aussi sous le nom de Gwynllyw ou de Gondlée) qui la demande en mariage. Le roi Brychan refuse de donner sa fille à cet homme renommé pour sa brutalité et son impiété. Fidèle à sa réputation, Woolos avec une petite armée enlève Gladys pour en faire sa femme. Pendant plusieurs années, mari et femme connaissent une vie agitée faite de brigandages et sont infidèles l’un à l’autre. Cependant des enfants leur naissent et notamment un fils aîné nommé Cadoc (ou Cado) épris de vertu qui deviendra saint. Sous son influence bénéfique, Woolos et Gladys prennent conscience de leur inconduite et de leur impiété. Ils entament un chemin de pénitence d’abord en couple puis séparément. Woolos se retire dans une petite cabane et Gladys se fait ermite au bord de la rivière Ebbw, non loin de la ville actuelle de Newport. Jusqu’à sa mort, l’ancienne épouse dévergondée vit dans la solitude, la prière et l’austérité pour expier ses fautes et s’ajuster à Dieu. Elle est fêtée le 29 mars.
Ce qu’elle nous inspire
En cette période de carême où chacun est appelé quelle que soit l’étendue de ses fautes à se repentir et à se tourner vers le Seigneur, Gladys nous invite par l’exemple de sa vie à nous convertir et à croire à la Bonne Nouvelle. À son exemple, prenons le temps de prier tout simplement dans la solitude et le silence pour nous laisser regarder par Dieu aujourd’hui. Que voit-Il ?
Prière à sainte Gladys
Sainte Gladys, bien-aimée du Seigneur,
en ce jour, nous nous tournons vers toi,
confiants dans la bienveillante intercession.
Toi qui as traversé les moments de solitude
et de peine avec foi et courage,
viens en aide à ceux d’entre nous
qui sont confrontés aux défis de la maternité,
du veuvage ou de la vie familiale.
Par ta prière, aide-nous à surmonter les obstacles,
à guérir les cœurs blessés, et à renforcer
les liens familiaux dans la grâce de Dieu.
Sainte Gladys, par ton exemple,
montre-nous comment accueillir
les desseins de Dieu dans nos vies
avec gratitude et confiance.
Que ta protection nous accompagne,
que ta sagesse nous éclaire,
et que l’amour inspire nos actes et nos paroles.
Nous te demandons de prier pour nous,
pour que, guidés par ta lumière, nous puissions marcher
sur le chemin de la vertu et de la sainteté,
jusqu’à ce que nous parvenions à la joie éternelle
Petit fils de Clovis, fils de Clotaire 1er et de Radegonde de Thuringe, Gontran (v. 525 – v. 592) avait hérité du royaume de Bourgogne, de Marseille et d’Arles à la mort de son père. Il connut cette époque féroce et cruelle où la reine Frédégonde fit assassiner sa sœur, son beau-frère, son mari et l’évêque Prétextat.
C’est à son initiative que le siège épiscopal de Maurienne a été créé vers 575-580. Il est considéré comme l’un des meilleurs rois de Bourgogne, en particulier pour ses dons de diplomate : il réussit à apaiser les révoltes de la noblesse. Enfin, il réunit plusieurs conciles régionaux pour la défense de l’orthodoxie.
Pourtant, ses débuts avaient été moins dignes d’éloge. Fourbe, violent, vindicatif, il avait répudié sa femme et ordonné l’exécution de son médecin. Mais, une fois converti, il pleura ses péchés le reste de sa vie, multipliant les œuvres de charité envers les pauvres, qui le surnommèrent « le bon roi Gontran ». Il essaya toujours de réconcilier ses frères et fit fonder des églises et des monastères.
Il s’éteignit le 28 mars 592 ou 593 en sa résidence de Chalon sur Saône. Peu après sa mort, il fut proclamé saint par son peuple. Il est fêté le 28 mars.
Saint Rupert était d'origine très noble et avait des liens de parenté étroits avec la famille royale mérovingienne. Dans la dernière décennie du 7e siècle, il fut envoyé en Bavière par le duc Théodose II en tant que missionnaire. Jusqu'à ce voyage missionnaire, il était évêque de Worms. En 696, il arriva ensuite à Salzbourg, où il fonda la même année le plus ancien monastère d'Autriche, St. Cela a largement contribué à la création de la ville actuelle sur les ruines de l'ancienne Juvavum romaine, si bien que saint Rupert est souvent considéré comme le fondateur de Salzbourg. En outre, il a également fondé la plus ancienne abbaye bénédictine allemande sur le Nonnberg, qui est aujourd'hui le plus ancien monastère chrétien féminin ininterrompu au monde. La nièce de Rupert, sainte Erentrudis, en devint la première abbesse.
C'est à Salzbourg que Rupert créa le point d'appui de son activité missionnaire. Pour le soutenir, le duc de Bavière offrit également à l'évêque les sources salées de Reichenhall. Rupert voulait faire exploiter les riches gisements de sel afin d'améliorer la situation économique de la population. La fortification du Nonnberg et, plus tard, l'ensemble de l'agglomération - Salzbourg - ont été nommés d'après ce sel.
Outre son activité d'évêque de Salzbourg, Rupert a également travaillé comme missionnaire, conformément à sa mission. Il fonda entre autres Seekirchen am Wallersee et la cellule de Maximilien près de Bischofshofen.
Rupert retourna brièvement dans sa patrie en 714 pour y chercher sa nièce Erentrudis et quelques assistants masculins. Il est probablement mort le 27 mars 718, probablement à Worms. Ses ossements ont été transférés à Salzbourg par saint Virgile à l'occasion de l'inauguration de la nouvelle construction de la cathédrale de Salzbourg le 24 septembre 774. C'est ainsi que commença la vénération de sa personne.
Martyre grecque du IVe siècle, elle fut brûlée vive avec d'autres chrétiens dans leur église, en plein culte par un roi goth encore païen. Elle reste honorée par les Grecs et les Russes. Sainte Larissa, l'une d'un groupe de martyrs en Crimée au IVe siècle.
C’est très récemment que Larissa fait son apparition dans nos calendriers. Elle ne figure pas au martyrologe romain, mais est honorée par les Églises grecque et russe.
Elle fait partie du groupe des vingt-six martyrs goths de Crimée. Ils furent brûlés vifs, en 370, par le roi goth Athanaric, à l’époque où leur peuple occupait la Roumanie. Pendant quatre ans, les chrétiens ont été violemment persécutés, surtout en Dacie, par ce chef arien qui, réfugié en Transylvanie, sera battu par les Huns.
Larissa et ses compagnons ont subi leur martyre dans la tente qui leur servait d’église, car ils étaient nomades. On connaît quelques noms : Larissa, Anna, Alla, Monco, Mamica, Uirko, Animaïda pour les femmes, et pour les hommes : Hiscoes, Souerilas…
Bathuse et Véréka étaient prêtres. Le martyrologe orthodoxe célèbre à ce jour « les vingt-six martyrs goths et un autre martyr dont le nom est connu de Dieu seul ».
Six des 8 enfants de Brigitte de Suède et de Ulf, Catherine naît en Suède en 1331. Elle est éduquée aux usages et préceptes de l’Église catholique et instruite à l’amour envers le prochain. Témoin au procès de canonisation de sa mère elle déclarera « Je me rappelle comment maman me prenait avec elle ensemble avec mes sœurs, quand elle allait visiter les hôpitaux qu’elle avait fait construire, et elle y soignait, par ses propres mains, sans répulsion, les plaies et les blessures des malades ». C’était, en effet, le désir de Brigitte que ses enfants apprennent à servir le Seigneur dans les pauvres et les malades. Catherine grandit dans ce climat fortement imprégné de l’esprit de l’Évangile. C’est quand elle était encore enfant que sa mère est appelée à vivre à la Cour de Suède comme gouvernante de la jeune épouse du roi Magnus Eriksson, Blanche de Namur. Puis, Catherine est confiée, ensemble avec sa sœur Ingeborg, au monastère cistercien de Riseberga. Quelque temps après, Brigitte laisse Stockholm, en raison de certains désaccords avec le Palais, et du chagrin à la suite de la mort de son fils Gudmar d’à peine 11 ans. Et parce que voulant approfondir sa foi, elle décide d’entreprendre des pèlerinages ensemble avec son mari ; Catherine est hôte, pour poursuivre ses études, au couvent dominicain de Skenninge avec sa sœur Cécile. Elle souffrira du manque de la vie familiale.
De la Suède en Italie
Catherine a 14 ans quand son père, de retour avec sa femme de Saint Jacques de Compostelle, gravement malade, décide de passer les dernières années de sa vie dans le monastère cistercien de Alvastra. Mais il veut voir sa fille mariée et la donne en mariage à Edgar von Kyren. Catherine, quoique contraire à ce mariage, obéit aux parents, mai d’un commun accord avec son époux, elle fait vœu de chasteté. Et ensemble avec lui elle conduit un style de vie monastique, fait de prières, jeûnes et pénitences. Son modèle est celui de sa mère Brigitte qui, après la mort de son mari Ulf se retire elle aussi à Alvastra pour ensuite fonder, quelque temps après, un monastère à Valdstena. Catherine l’aime, l’admire profondément et aspire à la sainteté mais, contrairement à sa mère, elle ne voit pas clairement comment servir l’Eglise. En 1349 Brigitte part pour Rome pour obtenir l’approbation de sa fondation de Vadstena et pour solliciter le retour du Pape d’Avignon à Rome. Catherine est attristée par cet éloignement, mais l’année suivante elle rejoint sa mère à l’occasion de l’Année Sainte, et pour répondre à l’invitation à visiter la tombe de Pierre et les autres grandes basiliques romaines afin d’obtenir les indulgences.
La période de l’inquiétude
Pendant qu’elle se trouve à Rome, son mari Edgar, meurt ; alors sa mère lui demande de rester en Italie. Mais elle a la nostalgie de la Suède, souffre la solitude, et fait de la dépression. Brigitte lui interdit de sortir toute seule de la maison car la Ville n’est pas sûre pour une jeune et belle suédoise qui attire les regards malintentionnés. Catherine refuse des propositions de mariage et fuit les différents prétendants. Le cerf accolé souvent à son portrait lui aurait sauvée en distrayant un prétendant repoussé qui voulait l’enlever. Pour tenir éloignés les hommes Catherine va jusqu’à porter des vêtements simples ou usés. Tourmentée par l’inquiétude, elle ne sait vers quel choix de vie s’orienter. Pour comprendre la volonté de Dieu elle prie alors la Vierge qui, dans un songe, l’invite à obéir à sa mère. Elle la suivra dans chacune de ses initiatives en épousant totalement et avec amour ses causes.
En mission avec la mère Brigitte et abbesse à Vadstena
Ensemble avec Brigitte, Catherine se dévoue à la catéchèse auprès des nobles familles romaines, elle se prodigue en œuvres caritatives, défend le projet de Vadstena, fait des pèlerinages. Avec elle, pendant environ vingt ans, elle réside dans une maison aux abords de Campo dei Fiori, en vivant dans l’extrême pauvreté faite quotidiennement d’activités pastorale, prière et ascétisme rigide. Le 23 juillet 1373 Brigitte meurt. Elle avait demandé à sa fille que sa dépouille mortelle soit enterrée au monastère de Vadstena. Après un long voyage, Catherine y parvient le 4 juillet de l’année suivante et décide de se faire moniale. Elle est élue abbesse mais peu de temps après elle retourne à Rome pour demander la canonisation de sa mère et obtenir l’approbation de la règle de l’Ordre qu’elle a fondé. Dans les cinq années suivantes Catherine recueille des témoignages sur sa mère et rencontre d’abord Grégoire XI, puis Urbain VI. Ce dernier approuve la Règle de l’Ordre brigidin par une bulle du 3 décembre 1378, mais laisse de côté la Cause de canonisation de Brigitte. C’est après avoir rassemblé toute la documentation nécessaire, que Catherine rentre à Vadstena où elle meurt le 24 mars 1381. Elle est fêtée le 24 mars.
Ilia Corsaro est née le 4 Octobre 1897 dans une famille aisée et anticléricale. À la suite de la conversion de son grand frère lors de ses études, elle se convertit aussi et sent sa vocation à une vie consacrée missionnaire, convertissant même ses parents.
Elle est envahie par un amour impétueux du Christ et passe de longues heures de prière devant le Saint-Sacrement, menant une vie sobre, libre des vanités de ce monde, exerçant des activités apostoliques...
Elle ressent le désir de vivre 'pour Dieu seul'.
Après une décennie de lutte intérieure elle comprend que le Seigneur lui demande de fonder une famille religieuse centrée sur la contemplation du mystère eucharistique, au service de des petits, des pauvres, de ceux que personne n'aime...
Avec quelques compagnons commence la fondation de la Congrégation des petites Sœurs Missionnaires de l'Eucharistie dans la joie franciscaine, l'esprit de sacrifice... Elle se développe au-delà de la Campanie et même de l'Italie...
L'ombre de la Croix accompagne Mère Ilia qui vit dans un profond esprit de Foi et de prière une longue maladie ; elle meurt le 23 mars 1977. Elle est fêtée le 23 mars.
Léa vivait à Rome au IVe siècle, et termina sa vie à Ostie, port de Rome, en 384. C'était une grande dame de la noblesse romaine qui, devenue veuve, s'était retirée auprès de la mer pour y mener la vie monastique. Comme d'autres dames dont on connaît les noms - Paula et Eustokia, Marcelle et Mélanie -, elle était une auditrice assidue des cours de saint Jérôme. Il quittera Rome pour la Terre Sainte et ira s'enfouir à Bethléem afin de réaliser en latin sa version des Saintes Écritures, appelée la "Vulgate".
Pour savoir comment vivait Léa, grande dame devenue religieuse, lisons une lettre que Jérôme écrivit de Bethléem, après avoir appris son décès : "Qui louera la bienheureuse Léa comme elle le mérite ? Elle a renoncé aux fards, aux perles brillantes et aux riches atours, pour se couvrir d'un sac ! Elle a cessé de commander pour obéir, vivant dans un coin avec quelques pauvres meubles, passant ses nuits en prière". Ensuite, le ton de Jérôme change : on retrouve l'agressivité de son mauvais caractère contre les adversaires de ses idées. Il aura de quoi se convertir à l'esprit de l'Évangile, près de la Crèche de la Nativité du Sauveur ! Ainsi, il se met à parler d'un consul de Rome venant de mourir et qui aurait bien besoin du secours de leur amie : "Du sein d'Abraham, Léa voit notre consul naguère revêtu de pourpre et montant au Capitole acclamé par la foule. Il est réduit à réclamer une goutte d'eau pour étancher sa soif, plongé dans les ténèbres... tandis que notre amie Léa, qui passa pour folle en cette vie, a été reçue dans la Maison du Père au festin de l'Agneau".
Léa vient du latin "laetare", se réjouir, joie. Elle est fêtée le 22 mars.
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l. La naissance
Un enfant est-il aimable et vertueux ? Tout le monde en félicite ses parents. Est-il vicieux ? On s'en prend à ses parents. Rien d'étonnant, dit-on : « le bon arbre porte de bons fruits, le mauvais arbre de mauvais fruits ». Cette parole de l'Evangile est profondément vraie et, à part de rares exceptions, on peut bien répéter le vieil adage : « Tel père, tel fils ». Aussi, heureux l'enfant qui jouit en naissant, de l'amour d'une sainte mère et de l'exemple vertueux d'un bon père. Nicolas de Flue eut ce grand bonheur. La famille de Flue, au hameau de Flueli, dans la paroisse de Sachseln (Obwald), s'appelait originairement Leoponti. Ce nom semble désigner une ascendance italienne. Le langage populaire changea ce nom en celui de « von Flüe », dérivé de Flueli ou localité située sur un terrain ou rocher escarpé, ce qui était le cas de la propriété que possédaient les ancêtres de Nicolas. Le père de notre saint s'appelait Henri de Flue et sa mère Hermanna Robrecht. Ces époux vivaient simplement, partageant leur temps entre la prière et le travail. D'anciens documents font mention du père de Nicolas, comme de l'un des citoyens les plus distingués et les plus riches de Sachseln. Et cependant il n'avait rien de l'orgueil et de la dureté hautaine qui accompagnent parfois la richesse. Ses mœurs étaient simples et son cœur grand ouvert à la charité. Pauvres et indigents trouvaient toujours porte et main ouvertes à la ferme hospitalière des de Flue. C'est dans le sein de cette famille si chrétienne que le petit Nicolas vit le jour, le 21 mars 1417, en la fête de saint Benoît.
2. Le baptême
Les registres paroissiaux de Sachseln attestent que, dès son berceau, l'enfant fut prévenu de bénédictions célestes. Avant sa naissance déjà, il vit, dit-on, au ciel une grande étoile, qui éclairait toute la terre : image d'une âme appelée à éclairer toute la terre par sa sainteté. L'église venait de vivre des jours bien sombres. Déchirée par les hérésies de Jean Wiclef et de Jean Huss, elle avait souffert beaucoup aussi du grand schisme d'Occident. Pour calmer les esprits et panser les blessures, il faut, dans des circonstances semblables, des hommes de paix comme devait l'être l'enfant qui naquit le 21 mars 1417. Ses pieux parents s'empressèrent de le faire renaître à la vie de la grâce et de la foi chrétienne. L'église paroissiale de Sachseln étant fermée à la suite d'un meurtre et le curé étant mort, le nouveau-né fut baptisé dans une église voisine, celle de Kerns et reçut le nom de Nicolas. Aux fonts baptismaux, il eut, selon une tradition, connaissance de tous ceux qui assistaient à la cérémonie, du prêtre, des parrains et marraines, et d'autres personnes ... Dès le commencement, la vie de Nicolas de Flue nous apparaît donc merveilleuse. Mais sans nous attarder à ces prévenances de la grâce divine, voyons plutôt ce qu'il fit par sa propre volonté, aidée du secours de Dieu.
3. L'enfance et la jeunesse
« Que va devenir cet enfant sur qui la main de Dieu s'étend dès le berceau ? » Auprès de parents comme ceux qu'il a, il ne peut devenir qu'une fleur incomparable dans le jardin du Seigneur. Nicolas fut le plus charmant enfant qu'on pût voir, fidèle à observer les avis et les exemples de ses parents. La paresse et les caprices lui étaient inconnus. Jamais on ne remarqua en lui rien de puéril. N'eût été son âge encore bien tendre, on l'eût pris pour un homme fait, tant il y avait de virilité dans son caractère. Alors que ses compagnons d'enfance ne rêvaient que friandises, Nicolas jeûnait deux fois par semaine, et plus tard même quatre fois. Son abstinence était bien plus rigoureuse encore pendant le carême. II ne faisait alors usage d'aucun aliment cuit ou chaud, se contentant une fois le jour de poires sèches ou d'un peu de pain sec. Grave leçon pour nos enfants et nos jeunes gens ! Ne croyons pas que le bonheur pour eux consiste à faire tous leurs caprices. Il y a longtemps déjà que le prophète Jérémie a dit : « Heureux l'homme qui a porté le joug dès sa jeunesse ! » Tous les vices sont en germe dans le cœur de l'enfant, et ce n'est que par l'esprit de sacrifice qu'on les étouffe. Puisse en cela Nicolas de Flue servir d'exemple à la jeunesse ! Se priver de friandises, jeûner un peu le vendredi, s'abstenir de tabac, par exemple, durant le carême, et pratiquer, en un mot, la mortification chrétienne par amour pour le divin Crucifié, voilà qui virilise et aguerrit la volonté et assure la maîtrise sur les passions. C'est par un long apprentissage du maniement de son arme que le jeune soldat devient habile : c'est par l'entraînement, les exercices et les tournois que les gymnastes, les vélocemen, les lutteurs et tous les sportsmen se préparent à cueillir des lauriers. « Et cependant à tous ceux-là n'emporteront, comme dit saint Paul, qu'une couronne périssable ». Que ne doit donc pas faire le chrétien qui lutte pour la couronne immortelle du ciel ? Ah ! Je comprends bien maintenant le jeune Nicolas ! Il cultive son âme et lutte pour la couronne céleste. Ses occupations se résument en deux mots : prière et travail. Car si Dieu donne sa grâce aux petits sans leur concours, à l'homme fait il ne l'accorde qu'à la prière. Ici encore, Nicolas est un modèle. A l'âge où d'autres recherchent l'oisiveté et les amusements frivoles, lui cherche les lieux écartés et solitaires pour se livrer à la prière, qu'il chérissait de tout son cœur. Qui l'eût vu en ces moments, eût été frappé de sa ferveur. Son maintien extérieur à l'église, comme à la maison durant la prière en famille, trahissait les élans enflammés de son âme. Cependant sa dévotion fervente et son amour de la solitude ne lui faisaient négliger aucun des devoirs de l'obéissance et du travail. Seulement, pendant que ses bras étaient à l'œuvre, son esprit s'élançait vers Dieu. Il réalisait ainsi l'avertissement du Maître : « Il faut toujours prier ». Que d'hommes, hélas ! Ne sont que de pures machines au travail ! Le matin, c'est la mise en marche, et le soir l'arrêt du moteur ! Aucune pensée élevée, aucune intention surnaturelle ; et dès lors aucun mérite, ni aucune récompense ! Leur vie n'est qu'une vaine agitation ; ils font de grands pas, mais sur une fausse route et ils n'arriveront pas à destination. Que n'imitent-ils Nicolas de Flue, en sanctifiant leur travail par la prière et en se recueillant le soir au pied du crucifix de famille ! « Je vous rends grâces, mon Dieu, pour tous les bienfaits que j'ai reçus durant ce jour ; et si je vous ai offensé, je vous en demande pardon ! » Belle et sainte vie du jeune homme qui marque toutes ses actions du sceau de l'éternité ! Nicolas fut grandement récompensé de Dieu pour sa profonde piété. Il connut cette paix et ce bonheur intérieurs qu'ignorent les mondains. Passant un jour par la vallée pittoresque du Melchtal, non loin de sa maison paternelle, il aperçut sur une hauteur une tour élancée, qui montrait le ciel comme un indicateur ; longtemps, il la contempla et son âme fut saisie d'un indicible attrait pour la solitude. Inutile d'ajouter que le jeune Nicolas était un modèle de respect et d'obéissance envers ses parents. Aussi chacun l'estimait et l'aimait, car il se montrait doux et affable envers tout le monde. Les saints ne sont pas des « repoussoirs » ; la religion, au contraire, éclaire les visages d'un rayon lumineux, tandis que le péché et le vice dégradent corps et âme.
4. La vocation
Au sortir de l'école primaire, l'adolescent se pose la question : que vais-je faire ? Pour Nicolas de Flue, il n'y eut pas d'émancipation de l'école, car dans ces villages de l'Obwald il n'y avait pas encore en ce temps-là d'école populaire. Les enfants recevaient de leurs parents l'instruction nécessaire. Le soir, lorsque la nuit avait ramené les laboureurs à la maison, après le repas de famille, voisins et amis se groupaient dans la chambre de ménage pour parler politique et discuter des intérêts du pays. Ce fut sans doute à cette école que le jeune Nicolas apprit à chérir sa patrie et qu'il sentit naître en lui cet ardent amour de la paix qui devait faire de lui plus tard le pacificateur de la Suisse.
Mais auparavant Dieu devait le conduire par d'autres voies ; il était appelé à fonder un foyer. On aurait pu croire qu'un homme aussi dévot et aussi mortifié allait devenir religieux ou même prêtre. Et bien ! Non ; la Providence voulait faire de Nicolas le modèle du père de famille chrétien. L'état de mariage exige une vraie vocation et les alliances bénies de Dieu se concluent dans le ciel. C'est donc du ciel, par la prière, qu'il faut demander conseil et lumière pour contracter un mariage heureux.
Beaucoup oublient cette vérité. A peine émancipés de l'école, ils s'abouchent avec la première jeune fille qu'ils rencontrent, jouent avec le feu et perdent leur âme. La punition ne se fait pas attendre ... et voilà deux malheureux de plus. Ce n'est pas ainsi qu'agira Nicolas, le brave et honnête jeune homme. Tout d'abord, il consultera le bon Dieu dans la prière ; puis il fera son choix. Mais ce ne sera pas dans les soirées et les fêtes mondaines qu'il ira chercher sa compagne : de la religion, un bon caractère et la pureté des mœurs, voilà ce qu'il veut. Il demandera donc conseil à ses parents et commencera sa fréquentation, chose sérieuse et sacrée devant Dieu.
Parmi les jeunes filles de son village, il en est une qui brille par sa modestie et sa piété ; elle se nomme Dorothée Wyzling ; c'est elle que choisit Nicolas. Rien de léger, rien de déréglé dans leurs fréquentations, car le souvenir de la présence de Dieu les pénètre tous deux. Comme aux noces de Cana, Jésus et la Sainte Vierge sont là pour les bénir. Ainsi se prépare le mariage des saints en la compagnie des amis du ciel. Malheur à ceux qui se marient sans vocation, ou en état de péché mortel !
5. Le père de famille
« Le mariage est un grand sacrement », a dit l'apôtre saint Paul. Des sept sacrements de l'Eglise, trois seulement se donnent à l'autel, au foyer même du sanctuaire : l'eucharistie, l'ordre et le mariage. Tous les trois donnent la vie de l'âme. De plus, par le mariage les époux reçoivent une parcelle de la puissance créatrice de Dieu pour transmettre la vie corporelle. Nicolas était profondément pénétré de la sainteté et de la grandeur de ce sacrement. Aussi le plaisir des sens ou un amour déréglé ne vint jamais flétrir les cœurs si purs de ces deux époux : ni l'un ni l'autre n'ont jamais porté la moindre atteinte à la sainteté de leur union. Jamais mariage ne fut plus heureux ; c'était à qui surpasserait l'autre en amour, en pureté, en vertu. Nicolas ne perdit donc rien dans le mariage de la charité qu'il avait pour son Dieu ; au contraire, son nouvel état semblait avoir acquis au Christ deux cœurs pour l'aimer. « Nicolas eut même bientôt plusieurs autres cœurs pour l'aider à aimer Dieu », car de nombreux enfants naquirent de son mariage cinq garçons et cinq filles. Deux moururent en bas âge ; ce furent deux petits anges, protecteurs de la famille près du trône de Dieu. Telle est la pensée consolante des parents qui pleurent ces petits êtres ; les louanges que ceux-ci adressent à Dieu dans le ciel sont comptées comme mérites pour leur père et mère. Qu'on juge dès lors de la somme de mérites, de louanges, d'adoration et de prières qui entourent le trône de Dieu, et descendent, par l'intermédiaire de ces petits anges, sur les générations qui se suivent au cours des siècles ! Aujourd'hui encore la famille du bienheureux Nicolas de Flue se survit et compte des représentants dans les ordres, dans la magistrature, parmi les travailleurs de la terre. Dans les saints Livres, le juste est comparé au palmier planté au bord des eaux et dont la frondaison magnifique s'étend su loin. De vrai, le bienheureux Nicolas de Flue est ce palmier toujours vert et florissant dans les jardins du paradis. Voilà comment Dieu bénit les familles nombreuses.
Oui, dira-t-on peut-être, mais la famille de Flue était riche et le pain ne risquait pas de manquer un jour au foyer domestique. C'est vrai, mais pour l'ouvrier, pour l'humble travailleur, la Providence est bonne et Celui qui nourrit des petits oiseaux du ciel ne laisse pas mourir de faim les enfants dans les berceaux. A famille nombreuse, bénédictions nombreuses. Malheur par contre, trois fois malheur, à qui exploite le pauvre chargé d'enfants en lui donnant un salaire dérisoire ! Malheur au propriétaire qui lui refuse un gîte dans sa maison sous le prétexte sacrilège qu'il a trop d'enfants ! Marie et Joseph, eux aussi, frappèrent à cent portes diverses à leur arrivée à Bethléem ; il n'y avait pas de place pour eux ; ils étaient trop pauvres. Mais l'étable de Bethléem est devenue le sanctuaire le plus sacré de la terre. C'est là qu'est né le Sauveur du monde.
Nicolas fut guidé visiblement par la main de Dieu dans l'éducation de ses enfants. « Il a élevé des enfants semblables à lui par leur vie, leurs mœurs et leurs vertus », nous disent ses historiens. Travail et prière, telle était la consigne. Avec cela, beaucoup de bonté, de douceur, de support mutuel. Les loisirs que laissait le travail des champs étaient partagés entre d'honnêtes délassements et des entretiens édifiants. Le père n'abandonna rien de ses pratiques de piété et de mortification. Il donna toujours à sa famille l'exemple de la plus haute perfection. Jean, son fils aîné, nous assure que son père se levait chaque nuit pour prier ; que ses travaux à la campagne commençaient et finissaient par l'oraison. Voici quelques-unes de ses prières favorites : « O Seigneur, enlevez tout ce qui m'éloigne de vous ! - O Seigneur, faites-moi don de ce qui mène à vous ! - O Seigneur, enlevez-moi à moi-même et donnez-moi tout à fait à vous ! »
Une vie aussi sainte que celle de Nicolas ne devait pas faire le compte du démon, ce grand ennemi des âmes. Aussi, nombreux furent les assauts et les tentations qu'eut à subir cet homme de Dieu. Toujours il en triompha par la prière. Encore ici, une leçon pour nous. Les saints ont été tentés comme nous le sommes. Saint Paul s'en plaignait au bon Dieu. « Ma grâce te suffit », lui fut-il répondu. Un jour que l'un des enfants de Nicolas accourait vers son père en disant que le démon voulait le dévorer, il lui répondit tranquillement : « N'aie pas peur, mon enfant ; le démon ne peut qu'aboyer, il ne peut pas mordre. Si son désir de nous nuire est grand, son pouvoir est petit ». Ces paroles ne nous rappellent-elles pas celles de saint Jean Chrysostome : « Le démon est un chien enragé, mais il est enchaîné ? » Ne nous en approchons pas, et laissons-le aboyer !
6. Le soldat
Le meilleur chrétien est aussi le meilleur citoyen et le meilleur soldat. Nicolas de Flue fut appelé sous les armes. Il fut soldat dans le sens chrétien du mot. A lui peuvent s'appliquer les paroles de saint Paul, parlant des combats spirituels : « Combats comme un bois soldat de Jésus-Christ ! » A ce moment-là, la Suisse offrait le triste spectacle de discordes et de dissensions profondes. Fascinés par l'or étranger, nos aïeux, volontiers, s'en allaient au dehors prendre du service. Plus d'une fois, il leur arriva ainsi de combattre entre frères. Or, la guerre excite dans l'homme les instincts cruels et les passions brutales. Trois fois, le jeune Nicolas fut appelé sous les armes : une première fois, en 1436, dans la guerre de Zurich contre les petits cantons ; une seconde fois, en 1443, dans la guerre contre Zurich, alliée de l'Autriche ; et enfin, une troisième fois, en 1460, dans la guerre de Thurgovie. De pareilles dissensions, entre enfants d'un même pays, sont particulièrement odieuses et éveillent dans le cœur du jeune soldat des sentiments douloureux. Nicolas fit son devoir par obéissance, et le fit bravement, tantôt comme porte-enseigne, tantôt à la tête d'une compagnie de cent hommes. Sous l'habit militaire, il eut garde de souiller le vêtement précieux de la grâce sanctifiante. Il se battit comme il priait, avec une ardeur qui tenait de d'enthousiasme, d'une main tenant son épée, de l'autre son chapelet ; à cette époque, chacun portait un chapelet à la ceinture. Pendant que ses compagnons d'armes passaient les moments de trêve en amusements inutiles ou dangereux, Nicolas se retirait dans une église ou quelque endroit solitaire ; là il passait de longues heures à prier, à méditer sur les grandes vérités de la religion, et la retraite entretenait à souhait l'intime paix de son âme.
Brave au combat, Nicolas se montrait bon et compatissant envers les vaincus et il ne manqua jamais l'occasion de recommander aux siens la modération dans la victoire. Dans la guerre contre l'Autriche, lors de la prise de Diessenhofen, un grand nombre de soldats autrichiens s'étaient réfugiés dans le couvent des Dominicaines du Val de Sainte-Catherine (Katharinenthal). Les Suisses tinrent conseil et décidèrent de mettre le feu au couvent pour obliger les Autrichiens à prendre la fuite. En cette circonstance, Nicolas se distingua par sa fermeté et par sa douceur. Il alla trouver les chefs et plaida avec force la cause de la communauté menacée, leur représentant l'impossibilité où se trouvaient les ennemis de s'y maintenir encore longtemps, et leur présageant que de ce couvent sortiraient un jour d'illustres modèles de vertu. Ses prières et ses supplications ébranlent la résolution des chefs. Il court alors sur le théâtre de l'incendie déjà commencé et, au péril de sa vie, il s'oppose aux ravages du feu, arrache les torches des mains des soldats et sauve d'une ruine imminente cette maison de Dieu qui, plus tard, maintint sa haute réputation de sainteté et conserva longtemps avec reconnaissance le religieux souvenir de son sauveur. En 1873, après une longue existence, le célèbre couvent fut occupé par le gouvernement de Thurgovie, qui en fit un asile de vieillards. Puissent les prières du bienheureux ermite du Ranft obtenir un jour la restauration de ce monastère !
Quelle belle leçon donne ici à nos jeunes soldats ce noble guerrier ! Plein de bravoure, épris d'un ardent amour pour son pays, il ne connut aucune bassesse et respecta toujours les faibles. Chez lui, d'amour de la patrie était accompagné de l'amour de Dieu et du prochain. Certains jeunes gens, hélas ! se croient tout permis quand ils ont revêtu l'uniforme du soldat ! Plus de messe le dimanche, plus de retenue dans les paroles, les chansons et les gestes ; une conduite et des propos à faire rougir leur mère. Comme il leur sied mal, à ceux-là, de marcher derrière la blanche croix qui orne notre drapeau !
7. Le magistrat
Un homme d'une telle sagesse et d'une si grande équité ne pouvait rester ignoré en temps de paix. Ses concitoyens lui donnèrent bien vite leur confiance et prirent conseil de lui dans les affaires délicates. Nicolas n'ambitionna aucune charge publique ; il désirait mener une vie cachée en Dieu et se consacrer à sa famille. Toutefois, pour répondre aux vœux du peuple, il accepta la charge de juge et de conseiller cantonal. Dans l'exercice de ses fonctions, il ne rechercha que le plus grand bien du peuple et l'honneur de Dieu ; comme juge, il s'inspira de la plus stricte justice, qu'il savait tempérer par une bonté toute paternelle. Quand survenait quelque différend entre deux habitants du village, il les appelait chez lui et jugeait séance tenante. A celui qui succombait, il donnait ordinairement quelques beaux fruits de son jardin comme consolation. Le curé Henri Imgrund, son ami et son directeur de conscience, a révélé après sa mort ce qu'il lui avait dit un jour au sujet de sa carrière de magistrat : « J'ai reçu de Dieu en partage un esprit droit ; j'ai été souvent consulté dans les affaires de ma patrie ; j'ai aussi prononcé beaucoup de sentences ; mais, grâce à Dieu, je ne me souviens pas d'avoir agi en quelque chose contre ma conscience. Je n'ai jamais fait acception de personnes et je ne me suis jamais écarté des voies de la justice ». Heureux ceux qui peuvent se rendre ce témoignage après un sérieux examen de conscience ! Et que l'on n'aille pas croire que c'est là, chez Nicolas, de l'outrecuidance. Il confesse bien humblement « qu'il a reçu de Dieu cet esprit droit ». La haute dignité de Landamann lui fut offert par ses concitoyens à plusieurs reprises ; mais Il craignit cette grande responsabilité et la refusa toujours. Les honneurs publics ne purent jamais le distraire du travail de sa sanctification personnelle et du soin de sa famille. Bel exemple pour les hommes politiques qui seraient portés à négliger leurs devoirs de chrétiens et de pères de famille !
S'il faut en croire le récit d'anciens biographes, un incident judiciaire aurait déterminé Nicolas à se démettre de ses fonctions publiques. Dans une cause qui avait été portée devant les juges, ceux-ci firent preuve d'une telle partialité que, malgré l'intervention énergique de Nicolas, une sentence manifestement injuste fut prononcée. Le saint homme se souvint alors des jugements de Dieu, par qui tous les procès de la terre seront révisés en toute justice et en toute équité. Sa décision fut aussitôt prise : il renonça à ses fonctions de juge.
8. Une vocation divine
Dieu possède sur nous un droit absolu, et il nous conduit à notre destinée par les sentiers qu'il lui plaît. Nicolas, époux et père de famille, sentait que Dieu lui avait réservé quelque chose de plus grand que les honneurs de la terre. Dès sa plus tendre jeunesse, il avait ressenti un attrait particulier pour la solitude, et à mesure qu'il avança dans la vie, il médita de plus en plus ce genre de vie plus parfait, vers lequel Dieu semblait lui frayer le chemin. Un jour qu'il faisait paître son troupeau dans un vallon, il se mit à prier ; son esprit, ravi en extase, eut plusieurs visions. Il vit sortir de sa bouche un lis éclatant de beauté et répandant une suave odeur. Cette fleur s'éleva jusqu'au ciel. Tandis qu'il prenait plaisir au parfum et à la beauté de la fleur, son troupeau vint à lui en bondissant, avec, au milieu, un cheval superbe, qui, s'approchant, lui tira le lis de la bouche. Nicolas reconnut par-là que son trésor était dans le ciel, mais que les biens et les joies célestes lui seraient enlevés, si son cœur restait attaché aux choses de la terre. Il entendit une autre fois, au milieu d'un pâturage désert, un harmonieux concert de voix, lorsque tout à coup parut un vénérable vieillard, chantant, qui lui demanda l'aumône, puis disparut après l'avoir refusée en remerciant. Nicolas étendit ses bras vers Dieu et, soupirant, il s'écria : « Tu ne veux donc pas mon bien, tu me veux moi-même ! »
Une autre fois, il aperçut un superbe palais avec une fontaine, d'où coulaient le vin, l'huile et le miel. Il fut invité à boire, ce qu'il fit avec un indicible plaisir. D'autres aussi reçurent la même invitation ; mais comme dans l'Evangile, ils s'excusèrent prétextant leurs affaires ou leur négoce. Cette vision le fit réfléchir ; il vit alors venir à lui trois hommes d'un extérieur pareil et vénérable et dont les manières et les discours ne respiraient que la vertu. L'un d'eux commença ainsi à l’interroger : « Dis-nous, Nicolas, veux-tu te remettre corps et âme en notre pouvoir ? Je ne me donne à personne d'autre, répondit-il, qu'au Dieu tout-puissant, que j'ai longtemps désiré servir de mon âme et de mon corps ». A ces mots, les étrangers se tournèrent l'un vers l'autre en souriant, et le premier reprit : « Puisque tu t'es donné tout entier à Dieu et que tu t'es engagé à lui pour jamais, je te promets que, dans la soixante-dixième année de ton âge, tu seras délivré de toutes les peines de ce monde. Reste donc ferme dans ta résolution et tu porteras dans le ciel une bannière victorieuse au milieu de la milice divine, si tu as porté avec patience la croix que nous te laissons ». L'homme de Dieu était à se demander comment il pourrait vaincre les difficultés qui s'opposaient à la réalisation de son dessein, lorsque, dans le courant de l'été, il entendit une voix d'en-haut lui dire : « Nicolas, tu cherches avec anxiété comment tu pourrais te donner exclusivement au bon Dieu. Par tes seules forces, tu ne le peux pas ; tourne-toi vers Dieu, car rien ne lui est plus agréable qu'une résignation volontaire. Quitte tout ce qui t'est cher, et tu verras que Dieu aura soin de toi. ». Dès lors, sa résolution est prise ; il quittera le monde pour s'ensevelir dans la solitude. Mais il est père de famille ; il aime ses enfants et ceux-ci lui sont très attachés ; il est époux et les liens du mariage sont indissolubles. Ce n'est donc pas sans une grande crainte qu'il communique son pieux projet à son épouse. Celle-ci verse d'abord d'abondantes larmes et demande quelques jours pour réfléchir à ce qu'elle vient d'apprendre. Reconnaissant alors la volonté de Dieu, elle fait, avec l'héroïsme d'une femme vraiment chrétienne et pour l'amour de Jésus-Christ, le sacrifice qu'on demande d'elle ; elle donne son consentement avec une sainte résignation. Pour les grands sacrifices, Dieu donne de grandes grâces.
Néanmoins la séparation fut cruelle. Nicolas régla ses affaires. Libre alors de tous ses liens, le 16 octobre 1467, il réunit les siens et leur fit ses adieux. Il se présenta devant eux la tête et les pieds nus, revêtu d'une longue robe de pèlerin, le bâton et le chapelet à la main. II les exhorta à vivre toujours dans la crainte de Dieu, dans l'amour et la concorde. Il leur demanda pardon et leur promit, en retour du grand sacrifice qu'ils acceptaient, les plus abondantes bénédictions célestes et un éternel revoir auprès de Dieu. La petite assemblée pleurait. Nicolas embrassa son épouse, ses enfants, son vieux père septuagénaire et quitta sa maison dans laquelle il ne devait plus jamais rentrer. « Quiconque, dit le Sauveur, met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas digne du royaume des cieux ».
9. A la recherche d'un ermitage
Où dois-je aller ? Telle est la question que se pose Nicolas, comme autrefois saint joseph partant pour l'Egypte. A qui fait son devoir, Dieu ne fait jamais défaut. Nicolas se mit paisiblement en route ; il ne voulait pas rester dans son pays, craignant de devenir un sujet d'étonnement, de scandale même pour ses compatriotes. Il prit donc la direction du jura et de l'Alsace, et arriva ainsi aux limites de la Confédération, sur les hauteurs du Hauenstein, d'où il aperçut la ville de Liestal. Il s'en détourna, car cette ville lui apparut comme en flammes. Dans une localité voisine, il rencontra un paysan auquel il fit part de sa résolution, en le priant de lui indiquer un lieu retiré où il pût la mettre à exécution. Cet homme de bien trouva le projet bon et louable, mais lui conseilla de rentrer dans sa patrie, pour ce motif que des Confédérés n'étaient pas toujours bien accueillis partout ; on pourrait, ajouta-t-il, le voir de mauvais œil à Bâle ou ailleurs, et troubler sa retraite ; il y avait du reste assez de déserts en Suisse, pour y servir Dieu en paix. Le frère Nicolas remercia le bon paysan et reprit le même soir le chemin de son pays. Il passa la nuit dans un champ, en plein air, et pria Dieu de l'éclairer sur le but de son pèlerinage. S'étant endormi, il entrevit une vive clarté partant du Hauenstein et se dirigeant vers les montagnes de l'Unterwald ; il lui semblait qu'une secrète impulsion le ramenait vers sa patrie. Cette clarté surnaturelle pénétra tout son intérieur, et le fit souffrir comme s'il avait senti le tranchant d'un glaive dans ses entrailles. Depuis ce jour jusqu'à sa mort, il ne prit plus aucune nourriture.
Le lendemain, Nicolas se remit en route, guidé par la clarté surnaturelle qui lui était apparue en songe, et se dirigea vers la vallée qu'il avait vue pendant son sommeil et où il avait une propriété, près de Klysteralp. II s'y arrêta et y séjourna quelques jours, priant et méditant les choses divines, ayant pour lit quelques branches de houx, et pour coussin un fragment de rocher. Mais voici que des chasseurs découvrirent la demeure de l'ermite. Ils en parlèrent à son frère, Pierre de Flue, qui vint le supplier de rentrer dans sa maison, où on lui aménagerait une petite cellule afin qu'il pût suivre l'appel de Dieu. Pour n'avoir pas d'air de tenter la Providence, Nicolas fit appeler secrètement un prêtre vénérable, Oswald Isner, curé de Kerns, de qui il prit conseil. Lorsque le prêtre vit sa mine de santé conservée malgré ces grandes fatigues et l'abstention de toute nourriture, il comprit que le doigt de Dieu était là et lui conseilla de persister ; dans cette épreuve aussi longtemps qu'il pourrait la supporter sans danger de mort.
A quelque temps de là, Dieu indiqua à nouveau à l'ermite, par un rayon de lumière surnaturelle, un refuge moins accessible aux hommes, dans une gorge obscure appelée le Ranft. Ce fut-là que Nicolas se construisit une hutte de branchages qu'il entoura d'épais taillis.
Mais le lieu de sa nouvelle retraite ne tarda pas à être connu dans la contrée. On en parla ; les uns prirent la chose au sérieux ; d'autres parlèrent d'illusion ; quelques-uns émirent des doutes sur les intentions de Nicolas ; en un mot, chacun y alla de sa petite remarque... Peu à peu, le doute se changea en admiration pour le saint homme de Dieu. Celui-ci ne demeura qu'une année dans sa cabane faite de broussailles. Une assemblée générale du canton décida de lui bâtir une habitation avec une chapelle. Cet ermitage subsiste encore ; petite et étroite, la chambre ne mesure que six pieds de hauteur ; avec sa haute stature, Nicolas ne pouvait pas s'y tenir debout. Trois fenêtres y étaient aménagées : l'une donnant sur l'autel de la chapelle ; la seconde recevant la lumière du jour, et la troisième permettant à l'ermite de s'entretenir avec les visiteurs.
C'est là, dans cette solitude paisible du Ranft, à un quart d'heure de sa maison, que le solitaire passa les vingt dernières années de sa vie, jeûnant et priant, n'ayant pour lit qu'une planche nue et pour oreiller une pierre du torrent. L'endroit qu'il aimait par-dessus tout, c'était la petite chapelle, son paradis sur terre. Elle fut consacrée et dotée par l'évêque de Constance. Des princes et des rois se plurent ensuite à l'enrichir de fondations, afin d'y établir une chapellenie pour que le pieux ermite pût entendre la sainte messe chaque jour. L'archiduc d'Autriche lui-même, Sigismond, fit un don généreux au sanctuaire. En reconnaissance Nicolas lui accorda ses prières, et, la même année, la paix fut conclue entre l'Autriche et la Suisse. En l'année 1470, le pape Paul II accorda une indulgence plénière aux visiteurs de la chapelle. Le premier chapelain fut Pierre Bachtaler, témoin et admirateur de la sainteté de l'Ermite du Ranft.
10. Dans la solitude
Le monde, surtout notre monde moderne, ne sait pas comprendre ce que Dieu réserve à ceux qui l'aiment. Il est trop attiré par les music-halls et les dancings, par les matchs, les records, par les spéculations et les coups de bourse : autant de vains fantômes qui ne laissent dans les âmes que le vide et la faim ! Lorsque Nicolas eut accompli le grand sacrifice qui le détachait de tous les biens de la terre, il sentit naître dans son cœur une « paix ineffable que le monde ne peut pas donner ».
Quel fut donc son genre de vie dans la solitude ? Après un court repos sur la dure planche qui lui servait de lit, peu après minuit, il quittait son oreiller de pierre et commençait sa prière et son oraison qui se continuaient durant toute la journée. Son âme si pure, toute illuminée des grâces d'en-haut, pénétrait bien avant dans les mystères de la foi et jusque dans les profondeurs de la sainte Trinité, mystère dont il eut une révélation particulière. Son cœur s'attendrissait jusqu'aux larmes à la contemplation des plaies du divin Crucifié. A lui qui savait à peine lire, la croix, comme un livre ouvert, enseignait la pratique de la vertu et de la perfection. Il compatissait aux souffrances du divin Sauveur et de sa très sainte Mère ; il se livrait à la mortification, à la prière et au jeûne pour les pauvres pécheurs. Son oraison était un acte perpétuel d'amour, d'amour confiant et pur, une sorte d'extase. Rien d'étonnant dès lors que saint Pierre Canisius ait recueilli ses colloques pour en faire profiter tous les fidèles.
« Regardez et faites comme le modèle ! » ami lecteur. « Mais je n'ai pas le temps ! » Pour tout, vous avez du temps. Faites comme cette pieuse mère de famille, dont les fils et les filles occupent maintenant des places honorables dans le monde et dans le cloître, et qui, jusqu'à l'âge de huitante ans, se leva chaque matin à 4 heures pour faire une heure de méditation ; et durant la journée, elle accompagnait son travail d'un cantique à la Sainte Vierge. Et ce jeune ouvrier boulanger, qui vécut quelque temps en Suisse, saint Clément Hofbauer, l'apôtre de Vienne, lui aussi se levait à 2 heures du matin et chantait sa prière en pétrissant son pain. Dès avant le lever du jour, Nicolas n'avait de pensée que pour Dieu et pour son âme. Avant la fondation de la chapellenie, il faisait chaque jour une heure de marche pour assister à la sainte messe dans l'église paroissiale de Kerns ou de Sachseln. Il n'y a rien de plus grand ici-bas que le sacrifice de la messe. Y assister, unir nos prières, nos souffrances et nos peines à celles de la divine victime doit être notre plus grand bonheur sur la terre.
L'après-midi, le pieux ermite recevait la foule des visiteurs qui voulaient s'entretenir avec lui. La renommée de sa sainteté s'était répandue au loin. Les biographes racontent que les pèlerins se rendant à Einsiedeln passaient aussi au Ranft pour y chercher conseil et réconfort. On vit venir dans cette mystérieuse retraite des évêques et autres personnages illustres, de savants théologiens, tout comme des gens du peuple, pour confier leurs peines au Frère Nicolas, se recommander à ses prières et s'inspirer de ses conseils. Il se montrait plein de bonté envers chacun ; « de sa bouche coulaient des paroles plus douces que le miel ». Mais aussi, sa vie austère et mortifiée, comme celle de Jean-Baptiste, prêchait éloquemment la pénitence. Avec une noble franchise et une sainte indépendance, il rappelait à tous, même aux prêtres et aux magistrats, leurs devoirs. A cette époque, de graves désordres sévissaient dans la société, et même dans l'Eglise. Nicolas qui s'était toujours montré très respectueux envers les prêtres et les magistrats, recommandait à ses visiteurs le respect et l'obéissance envers l'autorité religieuse et civile. Lorsqu'il avait à parler de certains prêtres indignes, il disait : « La plante qui reçoit l'eau du rocher ne s'enquiert pas si l'eau coule par un tuyau de plomb ou d'argent. De même, vous recevez des bons comme des mauvais prêtres la même grâce de Dieu, pourvu que vous y soyez convenablement préparés ». Remarque profondément vraie : en matière de foi, on ne doit pas confondre la personne avec le ministère qu'elle remplit. Malheur, sans doute, aux prêtres indignes. Le sacrilège de judas mérite le châtiment de judas ! Ce que Nicolas disait aux soldats, nous l'avons vu dans la guerre de Thurgovie, lorsque les Suisses menaçaient d'incendier le couvent des Dominicaines du Val-Sainte-Catherine. En un mot à tous il parlait avec franchise et charité. Seuls, les vulgaires curieux ou les visiteurs mal intentionnés, (ce que le pieux ermite connaissait par inspiration divine) ne recevaient pas audience ; il ne voulait pas perdre son temps en de vains et inutiles entretiens. Ses paroles n'avaient pas d'autre but que d'apporter lumière et conseil dans les âmes. Au moment de prendre congé il disait toujours : « Que le nom de jésus soit votre salut ! » Telle doit être aussi la raison et le sens de tous nos entretiens : Jésus, qui nous demandera compte un jour de toute parole oiseuse.
Jamais l'ermite ne quitta son étroite cellule pour se récréer ou se distraire : seuls, l'amour de Dieu et du prochain, ou bien les intérêts de son âme pouvaient le tirer de la solitude. On le voyait, aux jours de grandes solennités, à Lucerne, à Einsiedeln, à la chapelle de Notre-Dame à Sarnen, ou à l'église de Saint-Nicolas, son patron, sur l'autre rive de la Melchaa. Quelle impression ne devait pas faire sur la foule cet étrange pèlerin, à la haute stature, au front émacié, portant les traces de ses dures mortifications ! Pourtant, il voyageait de préférence la nuit, afin de ne pas attirer sur lui les regards des hommes, et c'est encore la nuit qu'il regagnait sa retraite. Un homme qui menait une vie aussi sainte ne pouvait manquer d'exciter la rage du démon. Une seule fois, celui-ci réussit à tromper le Frère Nicolas qui revenait de la messe en récitant son chapelet. Passant devant sa maison, à Flueli, il entendit un tel vacarme dans la chambre de famille qu'il crut que ses enfants se disputaient. Il s'approcha des fenêtres et voulut recommander la paix ; mais il s'aperçut alors que la chambre était déserte et que ses enfants n'étaient pas même à la maison. Ce fut la seule fois qu'il s'approcha de son ancienne demeure, qu'il avait quittée sur l'appel de Dieu.
Plus un homme est avancé dans la vertu, plus il s'attire la haine du démon, ce grand jaloux à qui le ciel est à jamais fermé. Par tous les moyens, il cherche à détourner l'homme de sa destinée, depuis nos premiers parents jusqu'au dernier mortel à la fin des temps ; il n’a pas même épargné le Christ au désert. Le Ranft fut donc aussi pour Nicolas un champ de bataille. Le tentateur lui apparut sous les formes les plus diverses, tantôt proférant des insultes et des menaces, tantôt cherchant à le séduire. Mais l'homme de Dieu sut toujours le démasquer, et c'est parfois avec une ironie cinglante qu'il l'apostropha. « Tu dois être là depuis fort longtemps, lui dit-il un jour, puisque tu sais donner de si bons conseils. Comment se fait-il donc que tu n'aies pas su te diriger toi-même et que tu aies échangé le ciel contre l'enfer ? » Si un Nicolas de Flue a dû subir de tels assauts, et si le démon s'est promis « de cribler les apôtres eux-mêmes comme on crible le froment », nous ne devons pas nous étonner d'être tentés, nous qui sommes si imprudents et qui nous exposons si souvent à l'esprit du mal. Une seule chose nous rassure, c'est la parole que Jésus adressa à l'apôtre saint Paul : « Ma grâce te suffit ».
11. Nicolas et l'Eucharistie
Selon la remarque d'un auteur spirituel, c'est la puissance de Dieu « qui porte les saints et leur fait faire des couvres qui sont au-dessus des forces de la nature ». Saint Paul l'affirme : « je puis tout, dit-il, en Celui qui me fortifie », c'est-à-dire le Christ dans la sainte Eucharistie. Tel fut aussi pour Nicolas de Flue le principe surnaturel de sa sanctification ; on peut dire que l'Eucharistie fut l'âme de sa vie. Dans les premiers siècles de l'Eglise, alors que sévissaient les sanglantes persécutions, c'est dans la messe et la communion que les chrétiens allaient puiser la force du martyre. Plus tard, ce zèle empressé des fidèles pour recevoir la sainte Eucharistie se refroidit malheureusement. Beaucoup se tenaient à l'écart et les bons eux-mêmes ne communiaient que rarement, se conformant à une coutume, contre laquelle S.S. Pie X allait réagir si heureusement. Cette coutume nous fait comprendre pourquoi Nicolas de Flue ne s'approchait qu'une fois par mois de la sainte table ; et pourtant son amour pour la sainte Eucharistie était si grand qu'il en faisait le soutien même de sa vie. Déjà comme enfant, Nicolas avait demandé au bon Dieu de pouvoir vivre sans manger, pour se séparer d'autant mieux du monde. Pour les témoins de sa vie d'anachorète, c'était un spectacle profondément édifiant que de le voir assister au sacrifice de la messe ou s'approcher de la sainte table. Son maintien extérieur révélait sa foi profonde au Saint Sacrement de l'autel. A cette foi vive, répondaient un respect, une dévotion et un amour admirables. Pour sûr, le Dieu de l'Eucharistie ne pouvait trouver un tabernacle qui lui fût plus agréable que le cœur brûlant d'amour du Frère Nicolas. Mais aussi, quel prodige de la divine bonté envers lui ! Vingt années durant, il ne prit pas d'autre nourriture que la sainte communion.
L'Eucharistie est la nourriture de notre âme et l'aliment de la vie surnaturelle en nous. Nicolas le savait, et il en avait fait l'expérience dès sa jeunesse. Le divin Sauveur l'a dit expressément : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez son sang vous n'aurez pas la vie en vous. Ma chair est vraiment une nourriture et mon sang un breuvage. Je suis le pain vivant descendu du ciel ; quiconque mangera de ce pain vivra éternellement ». Voilà pourquoi l'Eucharistie fut- toujours le foyer ardent où vint s'alimenter la vie spirituelle du saint ermite du Ranft ; toutes ses pensées, tous ses désirs et toutes ses actions gravitaient autour de ce foyer d'amour. Quel exemple pour nous tous !
Comprend-elle, notre jeunesse, le bonheur qu'elle a d'appartenir à ce vingtième siècle qui a été appelé avec raison le siècle de la communion fréquente ? Le saint Pontife Pie X a convié à la sainte table les petits enfants, au cœur innocent et pur ; il a exhorté à la communion fréquente les jeunes gens et les jeunes filles ; à l'âge où les passions s'éveillent, c'est le moyen le plus efficace de conserver sa vertu. De nos jours plus que jamais tant de dangers conspirent à perdre la jeunesse. « Malheur à celui qui est seul ! » comme dit l'Esprit-Saint. Que le jeune homme et la jeune fille restent donc toujours unis à leur Sauveur. Et lorsqu'il s'agit de choisir un état de vie, c'est jésus, « la voie, la vérité et la vie », qu'il faut consulter ; lorsque surtout les fréquentations commencent en vue du mariage, alors particulièrement la communion fréquente est de rigueur, si on veut que Jésus et Marie bénissent le mariage, comme à Cana.
Aux noces de Cana, le divin Sauveur a changé l'eau en vin, non pas seulement pour tirer d'embarras de jeunes époux, mais aussi pour leur donner un profond enseignement. Par ce miracle, jésus a voulu inspirer aux époux chrétiens la confiance en la divine Providence et leur donner le courage de remplir toujours leur devoir. Lorsque les soins des enfants et les soucis du pain quotidien assombrissent le front des parents, que ceux-ci invitent le Sauveur à venir s'asseoir au foyer de famille et leurs inquiétudes se dissiperont. N'est-ce pas Lui qui nous dit : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui êtes chargés et je vous soulagerai ? » Ainsi l'avait compris Nicolas de Flue ; avec son épouse et ses enfants, il resta toujours comme un sarment vigoureux et plein de vie, parce que greffé sur le cep qui est Jésus-Christ.
Puissent les paroles et les exemples des saints nous engager à communier souvent redisons aussi la belle prière que l'Eglise adresse à Dieu, à la messe du Bienheureux Nicolas de Flue : « O Dieu, qui avez nourri miraculeusement le bienheureux Nicolas de Flue du Pain des Anges, accordez-nous, par l'intercession de ce grand saint, de recevoir dignement ici-bas le Corps et le Sang de Notre-Seigneur, afin que nous méritions de jouir éternellement de sa vue au ciel. » Si nous n'avons pas le bonheur de recevoir chaque jour sacramentellement le Pain des Anges, faisons du moins la communion spirituelle en nous unissant de près ou même de loin au saint Sacrifice de la messe.
12. Le Sauveur de la patrie
Après les guerres, les chefs d'Etat et les diplomates se réunissent pour discuter de la paix et en fixer les conditions. Mais au grand jour du jugement dernier, il apparaîtra que les vrais négociateurs de la paix des peuples à travers l'histoire ne furent pas les seuls hommes politiques, mais bien plutôt les âmes qui prièrent et qui, comme Moïse, combattirent avec l'arme de la prière. Tel fut Nicolas de Flue, le grand apôtre de la paix.
Après avoir héroïquement résisté à toute la puissance de Charles le Téméraire et de ses alliés sur les champs de bataille de Grandson, de Morat et de Nancy, les Suisses, jusqu'alors si pleins de foi et de prudence, allaient malheureusement se diviser au milieu des joies enivrantes de la victoire. Pendant et après les guerres de Bourgogne, nos ancêtres avaient pris le goût des richesses, de la conquête et de la vie facile ; l'antique simplicité avait disparu. Les bonnes mœurs avaient grandement souffert un peu partout. Dans l'espace de trois mois, 1500 criminels avaient été condamnés par les tribunaux, et une bande de plusieurs milliers d'aventuriers semaient la terreur dans le pays. Des temps aussi tristes avaient besoin d'un Nicolas de Flue, l'homme de la prière ; ils avaient besoin d'un saint qui par ses mortifications et ses exemples de vertu fût une leçon pour tous, une prédication continuelle qui forçât à la réflexion et au retour sur soi-même.
Le Frère Nicolas faisait de « l'action catholique » dans le plus noble sens du mot. Maintes fois, il reçut dans son ermitage les premiers magistrats du pays qui venaient à lui pour obtenir des avis ou des conseils. Il leur répondait avec une noble franchise : « Confédérés, gardez-vous de la désunion ; bannissez tout esprit de parti ; c'est la perte d'un Etat. Ne cherchez pas à étendre vos frontières et à faire de nouvelles conquêtes. Méfiez-vous de l'esprit de lucre, et ne vous laissez pas aveugler par l'or étranger. Pas de guerre sans nécessité. Si l'on vous attaque, levez-vous pour vous défendre et pour sauver votre patrie et votre liberté ». Profession de foi d'un vrai patriote !
Après les guerres de Bourgogne, la Suisse, alors à l'apogée de sa renommée guerrière, se trouva tout à coup à deux doigts de sa perte. Le partage du butin et la question de l'admission de Fribourg et de Soleure dans la Confédération faillirent rompre l'ancienne amitié et jeter les confédérés dans la guerre civile. La diète fédérale était réunie à Stans, mais l'accord ne pouvait s'établir entre les députés. La diète allait donc se dissoudre et l'on ferait appel aux armes. Alarmé de la situation, le curé de Stans, Henri Imgrund, se rend en toute hâte à la cellule du saint ermite, et le supplie, au nom de Dieu, de sauver la patrie.
Nous pouvons nous représenter sans peine combien le Frère Nicolas dut souffrir en apprenant que la discorde des Confédérés allait s'aggravant. Combien ces querelles et ces disputes durent être douloureuses pour lui et avec quelle ardeur il dut implorer de la grâce divine le salut de la patrie ! Et le salut vint d'une manière inattendue ; le message du Ranft, apporté par le curé Imgrund, fut comme une illumination d'en haut et rétablit le calme et la paix ; le Convenant de Stans fut arrêté le 22 décembre 1481. Par un vote unanime, Fribourg et Soleure furent reçus au nombre des cantons confédérés.
De toutes parts, le Bienheureux reçut des remerciements. Récemment encore, en 1917, le Conseil fédéral, en ordonnant la sonnerie des cloches dans toute la Suisse, fit reconnaître en Nicolas de Flue, l'homme de la prière, comme le sauveur de la patrie. Son portrait a une place d'honneur au palais fédéral à Berne. Au commencement de la première guerre mondiale, l'Abbé d'Einsiedeln fit le vœu solennel de placer un ex-voto dans la Sainte Chapelle de son église en l'honneur du Bienheureux, si la Suisse était épargnée. La Suisse fut épargnée et la pieuse promesse accomplie. Après Dieu et la Sainte Vierge, c'est bien au saint ermite du Ranft que notre patrie doit l'insigne faveur d'avoir conservé la paix pendant les deux dernières guerres si meurtrières.
Ce grand ami de la paix aurait encore voulu préserver sa chère patrie d'un autre malheur. Avec un esprit vraiment prophétique, il entrevit ce qu'il en serait de l'avenir de la religion en Suisse : la confusion des esprits en matière de foi et la révolution religieuse du XVIe siècle. « Mes chers enfants, disait-il, ne vous laissez pas tromper par la nouveauté et par les artifices des hommes, ne vous laissez pas agiter comme le roseau par la violence du vent ». Le gouvernement de Berne lui-même, qui bientôt allait abandonner la foi des aïeux, avait envoyé au Bienheureux, après la diète de Stans, une adresse de remerciement ; et même après le schisme, les hauts magistrats de Berne disaient : « Nous tenons le Frère Nicolas en si haute estime que, pour nous, il n'y a pas le moindre doute qu'on doive le compter au nombre des saints ».
Que le saint pacificateur de la Suisse soit aussi le gardien de notre foi et qu'il ramène bientôt nos frères séparés au bercail de l'Eglise du Christ !
13. Mort du Bienheureux
Dieu avait prédit à Nicolas « qu'arrivé à l'âge de soixante-dix ans, il serait délivré de toutes peines et introduit dans le ciel ». Riche en bonnes œuvres devant Dieu et devant les hommes, Frère Nicolas approchaient maintenant de sa soixante-dixième année. Au printemps de 1487, le 21 mars, jour anniversaire de sa naissance, après huit jours d'une cruelle maladie, en proie à d'horribles douleurs qu'il supportait avec une patience surhumaine, Nicolas sentit sa fin s'approcher. Il demanda avec la plus grande piété le Pain céleste de l'Eucharistie. Le curé de Stans lui apporta le saint Viatique. A la vue de son Dieu, Nicolas tendit ses bras à demi glacés, communia avec une indicible ferveur et s'abîma dans une muette action de grâces. Il prit ensuite la main de sa femme et de ses enfants, qu'il plaça sur son cœur ; celle du curé de Stans, qu'il approcha de ses lèvres ; puis il s'affaissa, regarda le ciel et mourut.
A la nouvelle de cette mort, une douleur profonde et un deuil général se répandirent dans la Suisse : on eût dit des enfants qui venaient de perdre un père chéri. Le lendemain, tous les prêtres des environs se réunirent pour célébrer les funérailles du défunt. Plusieurs milliers de villageois accompagnèrent en grande pompe le corps, au milieu des chants et des prières, à l'église de Sachseln, où il fut enseveli dans le tombeau de ses aïeux. Tous les cantons organisèrent pour le Père et le Pacificateur de la Patrie de solennels services funèbres. Sigismond, archiduc d'Autriche, se distingua entre tous. Il fit aussi célébrer un Requiem le plus solennel possible, accompagné -de cent messes pour les défunts.
« Son tombeau sera glorieux », avait dit le prophète en parlant du Christ. On pourrait aussi dire cette parole de la tombe de Nicolas de Flue à Sachseln. Le 21 mars 1518, Benoît de Montferrand, évêque de Lausanne, fit placer les restes mortels du Frère Nicolas dans un sépulcre de marbre, entouré d'une grille de fer.
Quand on procéda à l'exhumation, un doux parfum s'exhala de ces restes vénérés. En 1600, l'église paroissiale de Sachseln fut agrandie et remplacée, en 1672, par l'église actuelle. Les restes vénérés du saint ermite y sont conservés aujourd'hui dans un gisant ou statue-reliquaire en argent placé sur l'autel principal. C'est là qu'ils attendent le jour triomphant de la résurrection.
14. Le jugement de Dieu
L'apôtre saint Paul dit, dans une de ses lettres : « Peu m'importe que les hommes me louent ou qu'ils me blâment ; c'est Dieu qui me jugera ». Le jugement de Dieu sur le saint ermite du Ranft se manifeste par celui de l'Eglise ; le voici : Nicolas de Flue est dans la gloire et la béatitude du ciel. Les hommes s'expriment avec des mots ; Dieu parle par la voix du miracle. De son vivant déjà le Frère Nicolas a été glorifié par des miracles. Le plus grand, c'est son jeûne absolu. Vingt années durant, l'Ermite ne prit aucune nourriture ni aucune boisson, hormis la sainte Hostie qu'il recevait environ tous les mois. Le fait fut constaté par l'évêque de Constance, et aussi par les magistrats d'Obwald qui firent surveiller militairement, pendant un mois, la demeure du solitaire. Parlant de ce miracle, un historien a pu écrire : « Rien n'est mieux prouvé que ce fait ; on refuse de le croire uniquement parce qu'il est catholique ! »
Un second miracle du saint ermite c'est celui par lequel il éteignit l'incendie de la ville de Sarnen. Du haut du rocher de Flueli, d'où il voyait la ville en feu, il étendit sa main vers Sarnen et, par le signe puissant de la croix, il ordonna à l'élément dévasteur de s'apaiser. A cet endroit s'élève maintenant la petite chapelle de Flueli, où chaque année les habitants de Sarnen se rendent en procession pour remercier Dieu de ce miracle.
Les livres et registres paroissiaux de Sachseln relatent, en outre, nombre de faveurs et de guérisons obtenues par la puissante intercession du Frère Nicolas. Ajoutons à cela le don de prophétie et les visions (comme celle de la Sainte Trinité) dont fut favorisé le saint ermite et nous pourrons conclure : Oui, Dieu l'a glorifié par le miracle.
L'Eglise, elle aussi a parlé. La renommée de sainteté de Nicolas s'était répandue jusque dans des contrées très éloignées ; de toutes parts on accourut à son tombeau. En l'année 1672, le Souverain Pontife, après un examen minutieux de tous les actes du procès d'information, décernait au Serviteur de Dieu, Nicolas de Flue, le titre de Bienheureux. Depuis ce jour, on lui rendit un culte public. Chaque année, les catholiques de la Suisse se rendent en grand nombre à Sachseln pour implorer son secours et lui confier leurs besoins. Ces cinq siècles de confiance et de vénération viennent d'être récompensés de nouveau par la protection manifeste du bienheureux au cours de l'un et l'autre conflit mondial.
15. Et maintenant ?
Là-haut, dans le ciel de gloire, le bienheureux Nicolas de Flue jouit auprès de Dieu d'un bonheur incomparable. Ici-bas, le peuple suisse n'a qu'un désir depuis longtemps : que le patron et le pacificateur de la patrie soit couronné de l'auréole du « Saint ». A plusieurs reprises ce vœu de tous a été exprimé publiquement et solennellement, par exemple, en 1869 par l'Episcopat suisse, en 1929 et en 1935, lors des congrès de Lucerne et de Fribourg. La dévotion envers le saint ermite du Ranft s'est développée beaucoup depuis une vingtaine d'années, grâce aux exhortations des Evêques, et aux efforts de la « Ligue Nicolas de Flue » fondée en 1927, et aussi en raison des événements des deux dernières guerres. Les faveurs obtenues par l'intercession du bienheureux Nicolas de Flue se sont multipliées. Le procès de canonisation a été ouvert à Rome par ordre du Souverain Pontife. Mgr Krieg, postulateur principal de la cause et les vice-postulateurs pour la Suisse, M. le chapelain Durrer de Sachseln et M. le doyen Victor Schwaller ont été chargés de recueillir et de présenter à la S. Congrégation des Rites les renseignements nécessaires. Pour la canonisation d'un bienheureux déclaré tel par voie extraordinaire, comme ce fut le cas en 1669 pour Nicolas de Flue, trois miracles sont requis. S.S. Pie XII a daigné déclarer que deux miracles suffisaient pour cette cause. C'est ainsi que la guérison de Mlle Ida Jecker, en juin 1937, et celle de Mlle Berthe Schürmann, en mai 1939, guérisons dûment certifiées et examinées par plusieurs médecins, ont été reconnues pour miraculeuses et acceptées comme telles par le Pape dans une dernière séance de la S. Congrégation des Rites, le 4 juin 1944. La cérémonie solennelle de la canonisation, nécessaire pour que le nouveau saint puisse être fêté liturgiquement, aura lieu en l'an de grâce prochain 1947. En attendant tout catholique invoque dans l'intime de son cœur saint Nicolas de Flue, et tous les Suisses continueront à honorer en lui le Père de la Patrie. Il est fêté le 25 septembre en Suisse et le 21 mars ailleurs
Nicolas de Flue est un saint paradoxal. Il s’est rendu proche des autres en s’éloignant, en se mettant à l’écart. Tel est le message retenu par Mgr Charles Moredod, le 5 novembre 2016, à St-Maurice.
Pour la 20e édition des Rencontres Nicolas et Dorothée de Flue et à la veille des célébrations du 6ecentenaire de la naissance de l’ermite du Ranft, il était de circonstance de se pencher sur l’actualité du saint patron de la Suisse. L’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg n’a pas cherché à gommer l’étrangeté de la vocation de Nicolas qui interpellait déjà le bon sens de ses contemporains. Sa brusque rupture avec le monde en abandonnant femme et enfants pour se faire ermite, son jeûne absolu hormis l’eucharistie durant près de vingt ans, font de lui un être hors normes. Il montre en tout cas “qu’être chrétien n’est pas être vaguement gentil avec tout le monde”. Cette radicalité de Bruder Klaus inquiète même les meilleurs esprits de son époque. “Avec l’humilité et la foi, je ne peux pas faire fausse route”, répondait l’ermite à ses amis qui l’interrogeaient.
“Dieu le sait”
Le jeûne absolu de Nicolas qui pendant vingt n’eut aucune autre nourriture que l’eucharistie, solidement attesté historiquement, n’est qu’une question secondaire, note Mgr Morerod en reprenant le commentaire du cardinal Journet. Ce qui est décisif n’est pas ce phénomène extraordinaire, mais Sa Sainteté, sa droiture absolue et son équilibre mental. Nicolas n’en a jamais tiré la moindre gloire. À ceux qui le questionnaient à ce sujet, il se contentait de répondre laconiquement : “Dieu le sait.”
Dieu est la paix
Dans une Confédération helvétique de la fin du 15e siècle où les tensions étaient vives, les conseils de l’ermite du Ranft ont permis d’assurer la paix. Ses recommandations sont assez simples : pas de politique vénale, faire passer l’honneur avant la politique, ne pas s’allier à des voisins qui risqueraient de vous entraîner dans un conflit. Pour Frère Nicolas, selon sa formule restée célèbre, “la paix est toujours en Dieu, car Dieu est la paix”.
Un starets des montagnes suisses
Les partisans de la Réforme, qui surviendra en Suisse une trentaine d’années après sa mort, ne manqueront pas de se référer à lui, souligne Mgr Morerod. Il est un laïc, il conteste l’ordre établi, il vit dans une simplicité extrême, il est comme ‘possédé’ de Dieu. Ces caractéristiques le rapprochent de l’idéal protestant. Il est aussi, et peut-être surtout, un saint du lieu qui montre que la perle de l’Évangile peut être possédée par quelqu’un ‘de chez nous’ ou pour reprendre la formule du cardinal Journet, Bruder Klaus est “un starets des montagnes de la vieille Suisse germanique”.
Une prière du Catéchisme
La prière de Nicolas de Flue, “Mon Seigneur et mon Dieu…” est un magnifique résumé de la vie chrétienne, note Mgr Morerod. Citée par le Catéchisme de l’Église catholique, elle s’apparente beaucoup à la prière d’abandon d’un autre chercheur d’absolu, l’ermite du Sahara, Charles de Foucauld. Il s’agit au centre d’être avec Dieu et d’enlever le reste.
Un saint contemporain
Comment un saint qui a vécu il y a 600 ans peut-il avoir quelque chose à dire à notre monde contemporain ? Le président de la Conférence des évêques suisses a trouvé des réponses dans les enseignements des papes. Le premier élément relevé est le prix du silence, comme le rappelle le pape François. C’est en méditant la Parole de Dieu qu’on se rend capable de miséricorde, qui ne consiste pas à s’agiter dans les tous les sens, même en faveur des plus démunis.
Le sens du bien commun est aussi un autre enseignement de Frère Nicolas. Dans une société où l’homme est devenu sa propre référence, son cœur est vide, explique le pape François dans son encyclique Laudato si. Pour le remplir, l’homme doit acheter, posséder, consommer avec ‘voracité’ quitte à en priver les autres.
La paix intérieure est aussi une des caractéristiques de l’ermite du Ranft. Il la trouve bien sûr en Dieu mais aussi dans la contemplation de la nature. C’est la capacité d’admiration de la création qui mène à la profondeur de la vie et qui rend possible sa préservation, relève le pape François.
Frère Nicolas manifeste que l’essentiel est intérieur. Benoît XVI dans Spe Salvi rappelle que le bien-être moral d’une société ne peut pas être garanti par les structures, même bonnes. On ne peut pas mettre hors-jeu la liberté de l’homme. L’essentiel pour bien agir extérieurement est ce qui est à l’intérieur.
Enfin Nicolas de Flue est un saint paradoxal. Il se rend proche en se mettant à l’écart. “Si on veut être utile au monde, il faut d’abord être proche de Dieu”, conclut Mgr Morerod. (cath.ch-apic/mp
Herbert vivait solitaire, dans la prière et la pénitence, sur l'île de Dervenwater dans le Cumberland en Angleterre. On peut être ermite et avoir une grande amitié ; tel était son cas. Il avait été disciple de l'évêque saint Cuthbert et était resté son meilleur ami. Chaque année, ils se rencontraient dans l'île de Fare. De la dernière fois, la tradition de leur amitié exemplaire rapporte ce dialogue ultime. Le maître dit à son disciple et ami : "Si tu as quelque chose à me demander, fais-le de suite car nous ne nous reverrons plus sur cette terre : Dieu m'a révélé que je vais mourir bientôt". Herbert fond en larmes et lui répond : "Je t'en supplie, emmène-moi avec toi au Ciel, si tu ne veux pas que je devienne le plus malheureux des hommes". Ils se mirent à invoquer le Maître de la vie et leur prière, assure-t-on, fut exaucée. Ils auraient rejoint ensemble leur Seigneur le même jour : le 20 mars 687.
On peut donc être ermite et fidèle en amitié. Nos meilleurs amis sont ceux qui prient pour nous et veillent sur nous dans la fidélité de la mémoire. Rendons grâce pour ces anges gardiens qui, par-delà temps et distance, nous restent unis par la communion des saints, dans la solitude d'un monastère ou d'un hôpital.
C'est le printemps aujourd'hui ! Nous vous offrons ces vers de Marie Noël, poétesse d'Auxerre que l'on redécouvre comme l'une des plus grandes de notre époque : "La caresse de Dieu s'étend sur le monde : à mes pieds nus, dans les herbes en émoi, prête un pas large et pur, pour m'en aller vers Toi".
Herbert est un nom d'origine germanique, de heri : "brillant", et de berht : "armée. Il est fêté le 20 mars.
Le prénom Patrick est la forme celte du mot latin patricius qui signifie : noble. Il est fêté le 17 mars, il est le patron de l’Irlande et du Nigeria.
Un chrétien réduit en esclavage
Patrick (ou Patrice) naît au pays de Galles ou en Ecosse, voire en Gaule, aux alentours de 389. Son père, Calpurnius, un Anglo-Romain, est diacre et fonctionnaire, et son grand-père un prêtre chrétien. A l’âge de seize ans, Patrick est fait prisonnier par des pirates irlandais, avec une centaine d’autres jeunes gens. Il est alors réduit à l’esclavage, a la tête rasée et reçoit, pour symboliser sa nouvelle condition, une tunique en peau de mouton et une paire de sandales. Dès lors, il sert son maître, Milchu, avec loyauté. Il garde des troupeaux de porcs durant six ans, sur les pentes du mont Slemish (comté d’Antrim).
La fuite et la liberté retrouvée
Patrick ne cesse de prier afin de trouver un réconfort spirituel dans la religion. Après avoir fait deux songes prémonitoires, Patrick prépare sa fuite. Il décide de gagner la côte sud-est de l’Irlande et parcourt trois cents kilomètres à pied. Sur le rivage, un bateau est prêt à partir. Patrick réussit à convaincre les marins païens de le secourir. Après avoir retrouvé ses parents, Patrick gagne le continent.
L’évangélisateur de l’Irlande
Patrick demeure un temps en Gaule où il reçoit, avant et après un voyage en Grande-Bretagne, une formation religieuse. Il devient le disciple de Germain l’Auxerrois. Vers 432, il est nommé par le pape Célestin 1er, évêque missionnaire d’Irlande. De retour en Irlande, Patrick voyage sans cesse, évangélise les populations (notamment Milchu), crée des églises et des couvents (il encourage l’essor de la vie monastique) et favorise le développement de l’enseignement, notamment du latin. Il établit, vers 454, le siège de son ministère dans la localité d’Armagh qui devient le principal foyer du christianisme irlandais. De peur que les Irlandais oublient, lors de son absence, ses enseignements, il renonce à retourner voir ses parents en Grande-Bretagne et ses amis en Gaule.
Le patron de l’Irlande
A la fin de sa vie, Patrick rédige un texte, intitule « Ma confession avant que je meure », dans lequel il rapporte les principaux faits qui ont marqué sa vie. Cette œuvre fait preuve d’une très grande humilité ainsi qu’en témoignent ses premiers mots : « Moi, Patrick, le pécheur, le plus ignorant et le dernier des fidèles, méprisable aux yeux de beaucoup... » Patrick meurt vers 461. Sans doute peu instruit mais persévérant et soumis à la volonté divine, Patrick acquiert une immense popularité auprès des Irlandais. Pendant longtemps, ceux-ci estiment que Patrick les juge lorsqu’ils se présentent à la porte du paradis. Patrick, qui passe pour avoir débarrassé l’Irlande des serpents qui l’infestaient, est particulièrement vénéré le jour de sa fête, en Irlande ou à New York.
Saint Héribert, évêque de Cologne au XIe siècle, fut une figure marquante de l’Église catholique en Allemagne. Né vers 970 dans une famille noble, il consacra sa vie au service de Dieu et de son peuple, laissant un héritage durable de piété, de charité et de réforme ecclésiastique.
Jeune, Héribert entra au monastère de Deutz, où il reçut une formation solide en théologie, en liturgie et en sciences sacrées. Son intelligence, sa piété et sa capacité de leadership le distinguèrent rapidement au sein de la communauté monastique, et il fut élu abbé de Deutz en 1015.
En tant qu’abbé, Héribert œuvra pour la réforme de son monastère, cherchant à restaurer la discipline monastique et à raviver l’esprit de piété parmi ses frères. Son engagement en faveur de la vie monastique et de la prière liturgique en fit un modèle pour les moines de Deutz et au-delà.
En 1021, Héribert fut nommé archevêque de Cologne, la plus haute dignité ecclésiastique de la région. Sous son épiscopat, il entreprit une série de réformes visant à restaurer la discipline et la moralité au sein du clergé, à promouvoir l’éducation religieuse et à soulager les souffrances des plus démunis.
Héribert était profondément préoccupé par le bien-être de son peuple, en particulier des pauvres et des malades. Il fonda des hôpitaux, des hospices et des institutions de charité pour venir en aide aux nécessiteux, incarnant ainsi l’amour et la compassion du Christ envers les plus vulnérables de la société.
Outre ses activités pastorales et sociales, Héribert était également un érudit et un éducateur. Il encouragea l’étude des Écritures, la liturgie et la musique sacrée, contribuant ainsi à l’épanouissement de la vie intellectuelle et spirituelle de son diocèse.
Après sa mort en 1021, Héribert fut vénéré comme un saint par le peuple chrétien. Son culte se répandit rapidement, et des récits de miracles attribués à son intercession se multiplièrent. Il fut canonisé par l’Église catholique pour sa sainteté et ses vertus exemplaires.
Aujourd’hui encore, la mémoire de saint Héribert continue d’inspirer les fidèles de Cologne et au-delà. Son engagement en faveur de la réforme ecclésiastique, de la charité et de l’éducation offre un exemple puissant de ce que signifie suivre le Christ avec un cœur généreux et une foi inébranlable. Puissions-nous, comme saint Héribert, chercher à vivre une vie de sainteté et de service, témoignant de l’amour de Dieu pour toute l’humanité. Il est fêté le 16 mars.
Louise est la forme féminine du prénom Louis. Elle est fêtée le 15 mars, elle est patronne des œuvres charitables.
Une vocation religieuse d’abord contrariée
Louise naît à Paris en 1591 et est élevée chez les dominicains, à la demande de son père qui est conseiller au parlement de Paris. Bien qu’elle souhaite devenir religieuse, son confesseur lui conseille de se marier. Veuve en 1625, Louise, qui ne cessera néanmoins pas de s’occuper de son fils, se consacre alors aux démunis et aux malades. Elle réunit autour d’elle un groupe de femmes qui partagent la même vocation. Ce sont, en grande partie, des paysannes illettrées, qui deviennent néanmoins maîtresses d’école, infirmières, gardes-malades, et organisent des actions caritatives.
La création des sœurs de la Charité
En 1638, Louise s’emploie ensuite, conseillée par Vincent de Paul, à transformer cette association en une véritable communauté religieuse, la congrégation des sœurs de la Charité. A l’époque, celles-ci présentent la particularité de ne pas vivre cloîtrées et d’être vêtues d’un simple habit de paysanne, robe grise et collet blanc, ce qui leur permet d’aller et venir sans être remarquées. Louise demeure la supérieure de cet ordre (qui essaime en province et jusqu’en Pologne) jusqu’à sa disparition, en 1660. Son corps repose à Paris, dans la maison mère de sa congrégation, rue du Bac. Elle est canonisée en 1934.
Épouse d'Henri Ier, roi de Francie orientale (Germanie), Mathilde formait avec Henri un couple très uni, priant ensemble. Ils eurent cinq enfants.
Henri Ier et Mathilde de Germanie, par Konrad Astfalck, 1896
Devenue veuve en 936, elle chercha à réconcilier les deux ainés de ses enfants qui se disputaient la couronne de leur père. Ne pouvant être écoutée, elle se retira dans un monastère de Westphalie, jusqu'à ce que ses fils, honteux de leurs actes, la rappellent.
L'aîné Othon alla se faire sacrer Empereur d'Allemagne à Rome, et Mathilde profita de sa régence pour fonder nombre d'églises, hôpitaux, et quatre monastères bénédictins, dont celui de Quedlinbourg où elle mourut et fut enterrée.
Mathilde est vénérée par l'Église catholique romaine, son culte étant surtout répandu en Saxe et Bavière. Elle est fêtée le 14 mars. Elle est la patronne des familles nombreuses et est invoquée pour venir en aide aux parents en conflit avec leurs enfants.
Les détails de sa vie proviennent majoritairement de Rerum Gestarum Saxonicarum (Histoire des Saxons) du moine chroniqueur Widukind de Corvey et de deux hagiographies (la vita antiquior and vita posterior) écrites respectivement en 974 and et 1003.
Françoise Tréhet et Sœur Jeanne Véron sont des figures emblématiques de dévotion et de sacrifice dans l’histoire de la Mayenne, témoins courageuses de leur foi au cours de la tourmente révolutionnaire française.
Fidèles religieuses de la Charité Notre-Dame d’Evron, elles se sont engagées avec zèle dans leur mission de soigner et de secourir ceux qui étaient dans le besoin. Pour elles, la compassion et l’amour du prochain étaient des impératifs sacrés, comme l’atteste la déclaration de Sœur Françoise : « Bleus ou chouans, tous sont mes frères en Jésus-Christ ».
À Ernée, dans le Maine, en l’an 1794, la bienheureuse Jeanne Véron, aux côtés de la bienheureuse Françoise Tréhet, dispensait son enseignement et prodiguait ses soins aux malades. Cependant, leur engagement altruiste les a placées au centre des tourments de la Révolution française. Accusées d’avoir refusé de prêter serment et d’avoir offert refuge à des prêtres persécutés, elles ont dû faire face à un destin tragique. Malgré sa maladie, Sœur Jeanne Véron a été transportée en fauteuil jusqu’à la guillotine.
De même, Françoise Tréhet, animée par son dévouement envers l’enseignement des enfants et le soin des malades, a été confrontée au même sort impitoyable. Condamnée à mort pour avoir refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé et pour avoir offert refuge à des prêtres persécutés, elle a bravement affronté son destin, proclamant sa Foi jusqu’à l’extrémité de sa vie.
L’homélie émouvante de Mgr Armand Maillard souligne le legs inestimable laissé par ces deux femmes martyres : “Ils sont un trésor de foi pour toute l’Église, pour le diocèse […]. Ils restent des références pour notre vie chrétienne. Ils furent d’abord et totalement des disciples de leur Seigneur, au sens où ils ont mis leur pas dans ceux du Christ, ils ont littéralement imité le Christ comme de vrais disciples : d’abord emprisonnés, condamnés, mis à mort, de la prison au tribunal et à l’échafaud dans notre ville de Laval ”.
Françoise Tréhet et Sœur Jeanne Véron resteront à jamais des symboles de courage, de compassion et de dévotion dans l’histoire de la Mayenne, rappelant à chacun la puissance de la foi et de l’amour même face à l’adversité la plus cruelle. Soyons à leur exemple des témoins infaillibles de Jésus le Christ.
Il est né à Villa de El Paisnal (El Salvador) le 5 juillet 1928. Il est entré au séminaire diocésain en 1941 mais, quatre ans plus tard, a demandé à être admis à la Compagnie de Jésus. Il a fait son noviciat à Caracas (Venezuela) et a prononcé ses vœux religieux le 24 septembre 1947. Après des études en Equateur, où il obtient son baccalauréat en 1950, le Serviteur de Dieu est envoyé au Panama pour un an en tant que professeur. En 1953, il est envoyé en Espagne pour poursuivre ses études de philosophie et de théologie à Oña, où il est ordonné prêtre le 30 juillet 1959. De 1962 à 1964, il étudie à l'Institut Lumen Vitae de Bruxelles. À son retour dans son pays natal, il a été nommé préfet et professeur de théologie pastorale au séminaire "San José de la Montaña", une tâche qu'il a accomplie avec efficacité et créativité. Il a favorisé l'envoi de séminaristes dans les paroisses pour l'apostolat parmi le peuple, une expérience qu'il a également vécue personnellement. En 1972, il est nommé curé de la paroisse d'Aguilares. Ici le Serviteur de Dieu se consacre totalement aux âmes qui lui sont confiées, avec une attention particulière aux pauvres et aux marginalisés, n'hésitant pas à condamner les actions répressives dirigées contre eux par les militaires et l'oligarchie au pouvoir. Avec ses initiatives en lien avec le Concile Vatican II et la deuxième Conférence de l'épiscopat latino-américain de Medellín (1968), il a suscité la participation active des fidèles à la vie paroissiale, notamment avec les cursillos, dans le domaine des célébrations liturgiques et de la promotion sociale. À Apopa, le 13 février 1977, le Serviteur de Dieu a prononcé une homélie dans laquelle il a pris publiquement la défense du Père Mario Bernal, S.I., tout juste expulsé du pays pour son engagement social. Ce fait a mis en péril sa situation déjà précaire à l'égard du régime. Le 12 mars 1977, le Serviteur de Dieu s'est rendu à San José (El Paisnal) pour présider une célébration eucharistique pendant la neuvaine de préparation à la fête patronale de Saint Joseph. Sur le chemin du retour à Aguilares, il était accompagné en voiture d'un catéchiste, le serviteur de Dieu Manuel Solórzano, du jeune serviteur de Dieu Nelson Rutilio Lemus et de trois enfants. À mi-chemin, leur voiture a été mitraillée par des hommes armés et les trois serviteurs de Dieu sont morts instantanément. Au milieu de cela, les enfants ont été sauvés. Sant’Óscar Arnulfo Romero, archevêque de San Salvador, a été profondément ébranlé par l’assassinat du Serviteur de Dieu et a personnellement présidé la messe de funérailles dans l’église cathédrale de San Salvador. P. Rutilio avait 49 ans. Manuel Solorzano Solórzano. Né en 1905 à Suchitoto (El Salvador), il a épousé Eleuteria Antonia Guillén, avec qui il a eu dix enfants. Il a déménagé pour travailler dans la ville d'Aguilares, où il a collaboré à la vente de semences et de bétail. Il était très actif dans la vie paroissiale, en particulier dans l'évangélisation. Il a été tué avec P. Rutilio et le jeune Nelson Rutilio Lemus. Il avait 72 ans. Nelson Rutilio Lemus. Né à El Paisnal (El Salvador) le 10 novembre 1960, il a souvent suivi le pasteur dans des activités pastorales. Il s'est rendu à El Paisnal pour assister à la messe présidée par le père Rutilio Grande, avec qui il a souffert le martyre le 12 mars 1977. Il avait 16 ans. Il est fêté le 12 mars.
Jusqu’à une date récente, nos calendriers mentionnaient au 11 mars les saints Euloge ou Euthime, vénérables martyrs du IXe siècle. C’est sans doute l’engouement récent – et relatif – pour le prénom féminin de Rosine qui a valu à notre sainte sa place au 11 mars.
Pourtant, le martyrologe romain ignore superbement notre sainte. Il est vrai qu’on sait peu de choses sur elle, même si elle fut l’une des saintes les plus populaires dans le diocèse d’Augsbourg, en Bavière. En témoignent les nombreuses prières populaires et images pieuses représentant notre sainte avec le glaive et la palme de son martyre.
Depuis le XIIIe siècle, elle est la patronne principale de Wenglingen, près d’Apfeltrang où un tableau la représentant dans la gloire de son martyre domine le maître-autel de l’église principale. Les traditions locales en font une vierge ermite martyre au IVe siècle. Une chronique ancienne rapporte que, lors de la procession de la Fête-Dieu 1769, à Miesbach, la sainte était représentée en un tableau vivant, faveur réservée aux bienheureux les plus connus et vénérés. Elle est toujours fêtée le 11 mars à Wenglingen.
Certains récits historiques l’ont, un temps, confondue avec les saintes Eufrosine, Rufine ou Rofine. C’est aux XVIIIe et XIXe siècles surtout que son prénom fut porté en Allemagne.
Vivien fait partie du groupe des quarante martyrs de Sébaste, dans la Turquie actuelle.
Licinius est empereur d'Orient ; il persécute les chrétiens jusqu'en l'année 324, date à laquelle Constantin, son beau-frère, le supprime, devenant ainsi le seul maître de l'empire. La douzième légion romaine, la Fulminante, était basée à Sébaste en Cappadoce.
Un jour, on annonce pour le lendemain un sacrifice obligatoire pour tous en l'honneur des dieux païens. Parmi ces militaires, quarante chrétiens déclarent qu'il n'est pas question pour eux d'y prendre part. On décida de les attacher, tout nu, sur un lac gelé. Tout près d'eux, des bains d'eau chaude étaient disposés pour ceux qui changeraient d'avis. Parmi les quarante, il n'y eut qu'une seule défection : aussitôt, l'un des gardes païens remplace le chrétien défaillant.
Le matin arrivé, ceux qui n'avaient pas succombé au froid furent abattus à coups de barres de fer. Les quarante noms des martyrs de Sébaste nous sont connus : en tête Vivien - "vivant" selon le sens en latin "vivus" - avec ses compagnons comme Claude, Nicolas, Elie, Cyrille, Méliton, Théophile. Le martyre de ces chrétiens soldats eut lieu en 320 à Sébaste, actuellement Silvas, sur la route qui conduit de Césarée en Cappadoce à Trébizonde. Leur culte est resté très populaire dans les Églises de l'Orthodoxie au Proche-Orient. Ils sont fêtés le 9 mars.
Françoise voit le jour dans une riche famille du quartier du Trastevere, un quartier de Rome, en 1384. Bien qu’elle soit tentée par la vie religieuse, elle se marie à l’âge de treize ans, suivant la volonté de ses parents, à Lorenzo Ponziani. Sans cesser de se vouer à ses tâches de maîtresse de maison, elle se consacre alors, en compagnie de sa belle-sœur Vanozza, à secourir les pauvres, particulièrement éprouvés par les épidémies de peste et les troubles civils qui affectent la Ville Eternelle. Elle accepte avec courage la disparition, en 1401, de son fils Evangelist et de sa fille Agnès, deux ans plus tard. Lorsque, en 1408, son mari s’enfuit à l’approche des troupes napolitaines, Françoise doit administrer seule les biens familiaux et veiller à leur protection, sans abandonner ses activités charitables. Elle prodigue des soins à son mari lorsque celui-ci revient, malade, en 1414.
Les oblates de Marie
De nombreuses dames romaines partagent le projet de Françoise qui est de mettre en œuvre une vie de charité non pas à l’extérieur, mais à l’intérieur de la société. En 1425, Françoise fonde la communauté des oblates de Marie, religieuses laïques qui ne prononcent pas de vœux et qui se soumettent à la règle de saint Benoît ; cette communauté sera, par la suite, appelée ordre des oblates de Tor de’Specchi.
Les conseils de l’ange
Durant les quarante ans que dure son mariage, Françoise passe pour ne s’être jamais querellée avec son époux. Lorsque celui-ci disparaît, en 1436, elle entre dans la congrégation qu’elle a instituée en en devient la supérieure. Elle y demeure jusqu’à sa mort, en 1440, et la maison de la famille Ponziani devient, dès lors, un lieu de pèlerinage. Elle est canonisée en 1608 par Paul V. Pendant les vingt-trois dernières années de sa vie, Françoise aurait été conseillée par un archange visible d’elle seule.
Fêté le 8 mars. Saint patron des malades et du personnel soignant.
Jean de Dieu, de son vrai nom Joao Ciudad, est né en 1495 à Montémor o Novo au Portugal. À l’âge de huit ans, il quitte brusquement sa famille pour suivre un mystérieux gyrovague et commence une vie errante. Les raisons de ce départ restent un mystère. Il arrive assez rapidement en Espagne, à Oropesa (Tolède) où il est accueilli dans la famille de Francisco Cid, dénommé « el Mayoral ». La famille du Mayoral fait de l’élevage, et jusqu’à l’âge de 20 ans Jean se consacre au métier de berger. Il est apprécié de tous.
À la recherche d’aventures, il décide ensuite de s’enrôler dans les troupes que lève Charles Quint pour combattre François 1er. Après cette expérience militaire, il redevient berger mais très vite, nous le retrouvons aux portes de Vienne en Autriche avec l’armée impériale qui entend stopper l’invasion des Turcs de Soliman le Magnifique. Avec sa compagnie, il ira même jusqu’aux Pays-Bas.
Quittant définitivement l’armée, il se met au service d’une noble famille espagnole condamnée à l’exil à Ceuta, sur la côte marocaine. De retour en Espagne après un passage sur sa terre natale, il erre sur les routes d’Andalousie, s’installe à Grenade et se fait marchand ambulant de livres de piété et de chevalerie.
Un jour de 1539, il écoute une prédication du célèbre Jean d’Avila que l’on surnomme l’Apôtre de l’Andalousie. Et c’est la conversion. Bouleversé par ce qu’il vient d’entendre, il parcourt les rues de la ville en criant « Miséricorde ! Miséricorde ! », il arrache ses vêtements, se roule dans la boue. Les enfants le poursuivent en criant « el loco ! el loco ! », « le fou ! le fou ! ». Il est alors enfermé à l’hôpital Royal de Grenade. Il connaît le sort des malades mentaux de l’époque : jeûne, coups fouets, jets d’eau glacée… pour chasser le mal. C’est à ce moment que naît sa vocation. Il décide de passer le reste de sa vie à secourir ceux qu’il a côtoyés à l’hôpital Royal : paralytiques, vagabonds, prostituées, et surtout malades mentaux.
Il fonde une première « maison de Dieu » qui s’avère très vite trop petite, il en fonde donc une deuxième plus grande. Pour subvenir aux besoins de sa « maison de Dieu », il quête chaque jour en criant : « Frères, faites-vous du bien à vous-mêmes en donnant aux pauvres ! » Très vite, les habitants de Grenade le surnomment Jean de Dieu. Cinq compagnons, gagnés par son exemple, le rejoignent.
Il meurt le 8 mars 1550, laissant derrière lui une renommée de sainteté qui traverse les frontières. Ses compagnons vont très vite se réunir pour fonder l’Ordre Hospitalier des frères de Saint Jean de Dieu, grâce au pape saint Pie V qui, le 1er janvier 1572, approuve la congrégation et lui donne la règle de saint Augustin, et au pape Sixte V qui, le 1er octobre 1586, l’élève au rang d’Ordre religieux.
Six lettres manuscrites de saint Jean de Dieu ont été conservées précieusement (cf ci-dessous). Parmi les nombreuses citations, on peut y lire notamment « Dieu avant tout et par-dessus tout ce qui est au monde ! », « Je suis endetté et captif pour Jésus-Christ seul ! », ou encore, « Mettez votre confiance en Jésus-Christ seul ! »
Jean de Dieu est canonisé en 1690, déclaré patron des malades et des hôpitaux en 1886 et protecteur des infirmiers et infirmières en 1930.
Aujourd’hui, l’Ordre hospitalier est présent sur les cinq continents, les frères y ont fondé des hôpitaux, des maisons de santé, des centres de réhabilitation, des accueils de nuit, des écoles de formation…
Je t’en prie, grand-père, raconte-moi enfin comment maman est morte.
Comme à chaque fois que cette question est abordée, la main ridée que tient l’enfant est prise d’un léger tremblement, mais cette fois la fillette n’en a cure. Il y a si longtemps qu’elle voudrait savoir. Le vieil homme semble toujours heureux de satisfaire sa curiosité insatiable. Pourquoi reste-t-il muet dès que l'on parle de Perpétue ? Sa maman, Priscilla ne l'a jamais vue, sauf sur un portrait en bois peint, dans la chambre de son grand-père. À chaque fois qu’elle contemple l’image de cette jeune femme brune aux grands yeux noirs qui lui sourit tristement, elle n’est pas peu fière d’être sa fille. Car Perpétue était ravissante ; c’est bien la seule chose que grand-père ait jamais accepté de dire à son propos. Il a ajouté, un jour, en caressant les boucles sombres de Priscilla, qu’il croyait tenir dans ses bras sa propre fille. Cette maman à qui elle ressemble tant, la fillette voudrait quand même savoir qui elle était.
Le vieil homme hésite. Il voudrait tant épargner à l’enfant ce douloureux récit, dont la moindre péripétie revient le hanter presque toutes les nuits. Mais il faudra bien finir par tout lui raconter ; autant le faire maintenant, puisqu’il sait qu’elle ne lui laissera pas de répit jusqu’à ce qu’il ait accédé à la requête quelle répète inlassablement depuis quelques jours.
- Écoute, ma Priscilla... Ta maman était la plus jolie de toutes les matrones de Carthage. Elle avait tant d’allure, elle était si intelligente. Très obstinée aussi ; c’est ce qui a fini par causer sa perte. À son mariage, je me suis réjoui de la vie brillante qui s’ouvrait devant elle, car une jeune femme aussi accomplie semblait mériter tout le bonheur du monde. Mais je ne savais pas, alors, quelle était chrétienne.
- Qu’est-ce que cela a d’étonnant ? Ne sommes-nous pas chrétiens nous aussi, grand-père ?
- À l’époque, je ne l’étais pas encore. C'est ce qui est arrivé à ta maman qui m’a conduit à me convertir. L’empereur Septime Sévère voyait les chrétiens d’un mauvais œil. Il avait l’impression qu’ils menaçaient son pouvoir, et que 1’adoration qu’ils portaient à un Dieu unique les empêchait d’honorer César comme il se devait. Un jour de l’année 203, la communauté de Carthage a subi une persécution, comme d’autres avant elle. Perpétue n’a rien fait pour dissimuler sa foi ; au contraire, elle semblait n’avoir de désir plus ardent que d’aller clamer ses convictions à la face des procurateurs. Elle a donc été très vite menacée. Je pensais pouvoir la protéger, car l’un des magistrats comptait parmi mes meilleurs amis. Mais quand celui-ci lui a dit qu’elle aurait la vie sauve si elle acceptait de faire un sacrifice devant le buste de l’empereur, elle est entrée dans une de ces colères dont elle avait le secret, et qui faisaient toujours trembler tout le monde.
- Même toi, grand-père ? demanda la fillette d’un air incrédule.
- Même moi, Priscilla, et je peux te dire que je n’ai jamais autant tremblé que quand je l’ai vu se mettre en colère ce jour-là, car je savais qu’elle était perdue si elle provoquait un esclandre. C’est bien sûr ce qui est arrivé. Elle a répondu à Hilarianus très lentement, comme si elle pesait tous ses mots : « Je refuse. Il n’y a qu’un seul Seigneur, c'est le Christ. N’essaie pas de ruser avec moi ! » J’ai essayé d’intervenir, mais il était trop tard. Les magistrats s'estimaient insultés, et ils ont fait enfermer ta maman dans la prison de Carthage. Tu l’y as suivi, Priscilla, car tu n’avais que quelques mois et aucun nourrisson ne peut se passer de sa mère à cet âge-là. Vous étiez entourées là-bas de cinq compagnons. Il y avait parmi eux une esclave de notre maison, chrétienne elle aussi, qui s’appelait Félicité. Elle non plus n’avait rien voulu entendre quand on lui avar proposé de se sauver par un simple sacrifice. Elle aimait beaucoup ta maman, et cette amitié était réciproque. Cela m'étonnait un peu à l’époque, car je ne savais pas encore qu’il n’y a chez les chrétiens ni esclaves ni maîtres. Félicité attendait un bébé pour le mois suivant, ce qui contribua sûrement à la rapprocher de Perpétue.
Je connais les plus menus détails et leur vie en prison par leur geôlier. J’étais tellement avide d’avoir des nouvelles de ma fille que j'aurais été prêt à couvrir d’or ce rustre pour qu’il me parle d’elle J’allais le voir tous les soirs et il me faisait un rapport exact de ce qui se passait dans la journée. Perpétue, d’après lui, ne laissait jamais paraître la moindre appréhension. Je n’avais aucune peine à le croire. Ta maman avait toujours montré une parfaite maîtrise d’elle-même. Ses nobles aïeux n’auraient pas rougi d’elle.
Un jour que je regardais avec horreur les murs noirs de cet endroit sinistre, le garde m’a dit pour me consoler, car au fond ce n’était pas un mauvais bougre : « Rassurez-vous, votre fille a déclaré aujourd’hui qu’elle se sentait ici aussi bien que dans un palais, puisqu'elle avait le droit d’allaiter son bébé ».
Mais j’ai su depuis, par le témoignage de chrétiens qui en avaient réchappé, que Perpétue avait affreusement peur de la mort. Elle avait reçu le baptême en prison, ce qui ne l’empêchait pas de faire des cauchemars épouvantables. Elle a rêvé une nuit, par exemple, quelle se trouvait au pied d’une échelle hérissée de poignards. Le dernier barreau, certes, atteignait le ciel, mais avant d’y accéder, que de souffrances à endurer !
Devant la mine horrifiée de Priscilla, le vieil homme se mord les lèvres. Il s’était pourtant promis de ne pas aller trop loin dans les descriptions. Il y aurait les nuits prochaines des larmes à essuyer et des visions à dissiper.
- Et puis, grand-père ? demande la fillette dans un souffle, en le voyant s'interrompre.
- Et puis... Et puis les jeux ont commencé. Félicité venait d’accoucher. Elle était tellement persuadée que le Seigneur lui permettrait de mettre son enfant au monde avant qu'il ne soit trop tard qu’elle avait refusé de demander un sursis. Pareille inconscience avait sidéré le geôlier. À l’ouverture des jeux, on a voulu forcer les prisonniers à revêtir les habits des prêtres de Saturne. Perpétue a rétorqué qu’elle ne paraîtrait pas dans un accoutrement aussi ridicule, et pour cette fois personne ne s'est avisé de lui faire entendre raison. Le tribun a accepté que les chrétiens pénètrent dans l’amphithéâtre normalement vêtus.
- Est-ce que tu étais là, grand-père ?
- Oui, Priscilla. J’aurais dû rester à la maison, bien sûr. Mais jusqu'au dernier moment, j’ai espéré pouvoir faire quelque chose. Mes illusions m’ont d’ailleurs vite quitté. A peine arrivés dans l’arène, les chrétiens ont apostrophé le procurateur, en lui disant qu’il serait responsable devant Dieu de la mort qu’il leur infligeait. Cela a achevé d’exaspérer Hilarianus, qui a ordonné aux bourreaux de les flageller. Perpétue et ses compagnons, eux, se sont contentés de le remercier pour ces coups de fouet qui les rapprochaient de la passion du Christ. Puis on a fait entrer les bêtes. J’ai vu un vieillard du nom de Saturus, dont le geôlier m’avait dit qu'il avait baptisé ta maman, se faire tuer par un léopard.
Perpétue et Félicité avaient été emprisonnées dans un filet très serré et livrées à une génisse. La foule, dans un instant de clémence, a exigé qu’on les fasse sortir de l’arène, et je me suis repris à espérer. Mais elles sont réapparues quelques instants plus tard habillées de tuniques flottantes. La génisse les a chargées. Je m’étais couvert les yeux de mes deux mains, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’écarter les doigts pour regarder la scène. Perpétue a été jetée au sol la première, mais elle s’est relevée très vite pour venir en aide à Félicité qui venait de tomber à son tour. En voyant cela, la foule a eu pitié une deuxième fois et les a fait mener à la Porte Sauve. Ce n’était qu’un nouveau sursis. Pour finir, un léopard a eu raison de Félicité, et un glaive de Perpétue...
Le vieil homme se tait. Il devine l’effet de son récit sur l’enfant. N’a-t-il pas lui- même la gorge serrée au souvenir de ce sang qui était le sien et qu'il a vu couler sur le sable ? Mais il faut éviter à tout prix que la fillette s’emmure dans la tristesse. Aussi se penche-t-il vers elle pour murmurer avec douceur : Sais-tu, Priscilla, quand on met côte à côte les noms de Félicité et de Perpétue, on obtient quelque chose qui veut dire « bonheur éternel »…
Et l’enfant sourit à travers ses larmes.
Source : Le Livre des Merveilles
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Charpentier de la puissante abbaye royale bénédictine Saint Pierre de Corbie, Robert Boëllet et sa femme Marguerite désespèrent d’avoir des enfants. Malgré leur âge avancé, ils font le pèlerinage à Saint Nicolas de Port et leur démarche est exaucée par la naissance d’une fille, le 13 janvier 1381, dans leur maison sise rue de la chaussée aux blés à Corbie. Ils lui donnent le prénom de Nicolette, en souvenir de Nicolas. Elle sera connue sous le diminutif de Colette.
Orpheline encore jeune, elle souhaitera se donner à Dieu comme religieuse. Mais ses essais dans plusieurs couvents ne sont pas concluants, et, sur la suggestion du Père Pinet, franciscain du couvent d’Hesdin proche, le 17 septembre 1402, elle entre en « reclusage » dans une logette adossée à l’église Saint Étienne, l’une des églises du monastère de Corbie dont il subsiste une bonne part.
Là, pendant quatre années, elle vit une vie spirituelle forte, soutenue par une ardente dévotion eucharistique et des expériences mystiques. De nombreuses personnes viennent solliciter ses conseils et ses prières et elle acquière une grande renommée. Cependant, elle pressent que sa vocation n’est pas le reclusage et qu’elle doit œuvrer pour la réforme des Clarisses vers une plus grande pauvreté et une vie moins mondaine.
Elle quitte son reclusage le 2 août 1406 et part de Corbie, pour entamer une longue vie faite de fondations et de réforme de monastères, 17 au total, de Castres à Gand. Elle essaie, fin 1406, de fonder un monastère à Corbie, mais ne peut le faire en raison de l’hostilité locale.
Toute sa vie elle espère fonder dans sa ville natale. Peu avant sa mort, de passage à Amiens dans le monastère récemment créé, elle connaît un ultime espoir car le pape Eugène IV a accordé le 19 octobre 1445 à Philippe de Saveuse l’autorisation nécessaire. Mais même l’appui du roi ne suffit pas à venir à bout des résistances, surtout celle des bénédictins.
Tant sont grands ses mérites, sa vie de prière, ses visions mystiques, les guérisons et les miracles qu’elle a accomplis, qu’elle est béatifiée dès le 17ème siècle, puis canonisée en 1807. Sa dévotion se développe alors à Corbie et subsiste jusqu’à ce jour.
Et dans cette petite cité on trouve une chapelle édifiée sur l’emplacement de sa maison natale, une stèle à l’endroit de sa réclusion, un autel qui lui est consacré à l’abbatiale, plusieurs œuvres d’art (sculptures, peintures), des reliques. Une statue monumentale domine la ville et plusieurs lieux (rue, point de vue) portent son nom.
Elle est fêtée le 6 mars. Elle fut béatifiée en 1625 et fut canonisée par le pape Pie VII le 24 mai 1807.
Saint Virgile, né en Aquitaine, se retira dès l’enfance au monastère de Lérins, où il se fit remarquer par sa parfaite abnégation et par ses autres vertus religieuses. De là, il fut appelé à Autun, et chargé de la direction d’une communauté de moines. Il se conduisit dans cette charge de manière à mériter d’être appelé au siège d’Arles, par les suffrages unanimes de tout le peuple.
Élevé à cette dignité, il remplit tous les devoirs d’un bon Évêque. Il avait à cœur le salut de son peuple, et il s’étudiait à le former à la piété par une prédication assidue de la parole divine et par d’admirables exemples de sainteté.
Il reçut de saint Grégoire le Grand, avec l’ornement du Pallium, la mission de représenter le souverain Pontife et d’exercer l’autorité apostolique sur les Églises [diocèses] de France. Par l’ordre du même Pape, il ordonna Évêque saint Augustin, l’apôtre des Anglais.
Défenseur infatigable de la discipline ecclésiastique, il ne négligea rien pour faire disparaître le fléau de la simonie, et pour éloigner les néophytes des ordres sacrés. Il bâtit plusieurs églises, parmi lesquelles on distingue la cathédrale d’Arles, qu’il dédia en l’honneur de saint Étienne, premier Martyr.
Enfin, illustre par ses vertus et ses miracles, et parvenu à une vieillesse assez avancée, il se reposa dans le Seigneur. Son corps fut enseveli honorablement dans l’église de Saint-Honorat, qu’il avait construite ; il y fut déposé revêtu du cilice qu’il n’avait jamais quitté. On fait sa fête à Lérins le 5 mars, à Arles le 10 octobre, qui paraît être le jour de sa naissance au Ciel, arrivée en 610, saint Boniface IV étant pape, Phocas empereur byzantin et Thierry II roi des Francs.
Le prince royal ne peut rien faire de plus noble que de servir le Christ caché dans les pauvres. En ce qui me concerne, je ne veux que servir les plus pauvres d’entre les pauvres.
Saint Casimir
Saint Casimir était prince de Pologne et grand-duc de Lituanie au XVème siècle. Il était intelligent, généreux et juste avec ses sujets. Il prenait grand soin des plus pauvres et des malades. Il était très pieux et sa sainteté irradiait autour de lui. Il est le saint patron de la Lituanie et le patron secondaire de la Pologne. Casimir est canonisé en 1522 par le pape Adrien VI.
Casimir est né le 3 octobre 1458 à Cracovie, en Pologne. Il est le deuxième fils du roi Casimir IV et de la reine Élisabeth d’Autriche. Il reçoit une excellente éducation dès sa plus tendre enfance. À l’âge de treize ans, il devient roi de Hongrie, après que des factions se soient rebellées contre le roi alors régnant, Mattias Corvin. Casimir veut à tout prix défendre la Sainte Croix contre les Turcs, il accepte alors et part pour la Hongrie. Son oncle, ancien roi de Pologne et de Hongrie, Ladislas III est mort face aux Turcs en défendant la chrétienté. Il finit par renoncer à sa mission à cause de l’opposition du pape Sixte IV et se fait enfermer par son père dans la forteresse de Dobzki. Il reprend alors ses études.
À partir de 1479, Casimir devient régent de Pologne car son père passe l’essentiel de son temps en Lituanie. Le jeune homme administre le pays qui lui est confié avec sagesse, dignité et justice. Il refuse systématiquement toutes les prétendantes qu’on lui propose, désirant consacrer sa vie à l’adoration du Saint Sacrement et à l’amour de la Sainte Vierge Marie. Il fait ainsi vœu de célibat. Il jeûne également beaucoup, se mortifie et passe des nuits entières dehors à prier, sur le parvis des églises, ce qui l’affaiblit considérablement. Malheureusement, cela entraîne une maladie des poumons, probablement la tuberculose. Il refuse de se faire soigner car quelque temps auparavant il avait fait vœu de chasteté et les médecins lui disent qu’il doit rompre ce vœu pour guérir : "Plutôt mourir que de commettre le péché" a-t-il dit. La dévotion totale de Casimir pour Jésus crucifié lui fait verser d'abondantes larmes, à la simple vue d’un crucifix. Il est totalement transporté, hors de lui-même, lorsqu’il assiste au Saint Sacrifice de la messe.
Il prie énormément, notamment pour les plus pauvres et les malades (“Rien ne fait plus d'honneur aux chrétiens que d'honorer Jésus Christ dans la personne des pauvres” a-t-il dit), préférant les églises aux mondanités et à la vie de cour. Son dévouement aux plus petits est d’ailleurs si grand qu’il reçoit le surnom de “Père défenseur des pauvres et des misérables”.
Il refuse également de mener des guerres, car le sang des chrétiens ne doit pas couler pour des raisons païennes. Et lorsqu’on lui reproche de ne pas tenir son rang de roi et donc de ne pas remplir les missions qui y sont liées il répond “n’est-ce pas un honneur que de servir Jésus-Christ dans ses membres ? Je mets ma gloire à servir le pauvre, le plus abject”.
Casimir rend son âme à Dieu âgé seulement de vingt-six ans, en 1484, à Grodno (en Biélorussie actuelle).
Au moment de son enterrement on dépose entre ses mains un extrait de l’hymne qu’il aimait réciter à la Sainte Vierge Marie :
“Demandez que je sois chaste et modeste, doux, bon, sobre, pieux, prudent, droit et ennemi du mensonge ; obtenez-moi la mansuétude et l’amour de la concorde et de la pureté ; rendez-moi ferme et constant dans la voie du bien.”
Ses reliques sont depuis vénérées à la chapelle Saint-Casimir de la cathédrale Saint-Stanislas, à Vilnius. On attribue de nombreux miracles à son tombeau. Il est fêté le 4 mars.
Magnifique prière de saint Casimir pour la Sainte Vierge Marie
Il récite quotidiennement cette prière, entretenant un amour immense pour sa “Bonne Mère” : « Chaque jour, ô mon âme, rends tes hommages à Marie, solennise ses fêtes et célèbre ses vertus éclatantes ;Contemple et admire son élévation ;Proclame son bonheur et comme Mère et comme Vierge ;Honore-là afin qu'elle te délivre du poids de tes péchés ;Invoque-là afin de ne pas être entraîné par le torrent des passions.Je le sais, personne ne peut honorer dignement Marie.Il est insensé pourtant celui qui se tait sur ses louanges ;Tous les hommes doivent l'exalter et l'aimer spécialement, et jamais nous ne devons cesser de la vénérer et de la prier.Ô Marie, l'honneur et la gloire de toutes les femmes, vous que Dieu a élevée au-dessus de toutes les créatures ;Ô Vierge miséricordieuse, exaucez les vœux de ceux qui ne cessent de vous louer.Purifiez les coupables et rendez-les dignes de tous les biens célestes.Salut, ô Vierge sainte, vous par qui les portes du ciel ont été ouvertes à des misérables, vous que les ruses de l'ancien serpent n'ont jamais séduite ;Vous, la réparatrice, la consolatrice des âmes au désespoir, préservez-nous des maux qui fondront sur les méchants.Demandez pour moi que je jouisse d'une paix éternelle, et que je n'aie pas le malheur d'être en proie aux flammes de l'étang de feu.Demandez que je sois chaste et modeste, doux, bon, sobre, pieux, prudent, droit et ennemi du mensonge. Obtenez-moi la mansuétude et l'amour de la concorde et de la pureté, rendez-moi ferme et constant dans la voie du bien. Ainsi soit-il ».
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