Pour nous qui examinons et apprécions toutes choses à la lumière de la Révélation Divine, que représente le temps ?
Il se peut que durant les premiers jours de l'année, nous soyons gagnés par la mélancolie à la pensée du temps qui passe et qui ne revient pas. Nous pouvons aussi ressentir une tristesse aiguë devant le vide du temps et la pauvre qualité de l'existence que nous menons, sans grand intérêt, sans grande portée, sans grand résultat. Nous pouvons encore éprouver une lassitude à la pensée d'avoir à recommencer indéfiniment les mêmes tâches dans la monotonie quotidienne. Et d'ailleurs, malgré ce lourd ennui, il se peut que nous redoutions plus encore le changement et l'imprévu dans la crainte que cet imprévu ne soit, le malheur : la pensée de l'avenir nous travaille d'une sourde inquiétude.
Mais prenons garde ! Car si nous avons de telles idées ou de tels sentiments à propos du temps c'est que nous nous conformons en fait à la manière de voir entièrement négative et radicalement stérile du paganisme d'hier et d'aujourd'hui.
Il ne faudrait pas oublier que nous avons, nous chrétiens, une toute autre conception du temps et elle est éminemment positive et féconde parce que fondée sur des paroles qui ne passent pas : celles du Christ Jésus qui « est-le même hier, aujourd'hui et toujours. »
Parce qu'en vertu de notre Foi, nous avons la certitude que Dieu est présent à toute notre vie et qu'Il nous fait le don de chaque instant pour que nous l'ordonnions à l'accomplissement de notre destinée, nous savons toute la valeur du temps.
Et c'est Jésus Lui-même qui, par ses déclarations, a pris soin de nous préciser en quoi elle consiste. : L’existence humaine ne prend sa valeur que dans la mesure où elle met en pratique le double commandement fondamental de l'amour de Dieu et de l'amour du prochain. Le temps bien employé est celui qui est rempli par ce double amour : c’est un temps où la personne atteint la plénitude de son épanouissement spirituel par le don total d'elle-même. Quand au temps qui est dévolu à des activités égoïstes, il doit être considéré comme du temps perdu, gaspillé : « Seul est perdu le temps qu'on ne passe pas à aimer. » (St Jean de la Croix)
Il est donc faux de comparer le rapide écoulement de nos jours au sillage d'une barque qui ne laisse aucune trace. L'instant fugitif qui est un don de l'Eternel peut être, si nous le voulons, rempli d'éternité : il suffit pour cela de le vivre dans l'amour, sans oublier cependant de l'offrir et de l'offrir par les mains de Marie pour qu'il puisse être encore embelli et enrichi. (Relire à ce propos les numéros 146 à 150 du « Traité de la Vraie Dévotion » de St Louis Marie de Montfort).
Ainsi nous ne somme pas des malheureux auxquels on arrache des lambeaux de leur fortune en attendant la grande faillite de la mort : nous sommes des riches amassant pour toujours des trésors qui sont à l'abri des voleurs et de la rouille dans l'éternité. Et voilà qui permet aussi d'exorciser le lourd ennui que pourrait faire peser sur nous la monotonie de nos occupations, le recommencement des mêmes tâches obscures, du même travail sans horizon, Il faut dépasser courageusement les regrets et les nostalgies romantiques. Malgré les apparences, aujourd'hui n'est pas la réédition d' hier car Dieu qui y est présent est la nouveauté même. L'âme chrétienne vit chaque minute avec un intérêt passionné et un élan toujours nouveau : elle sait, en effet, que son itinéraire n'est pas un chemin harassant et absurde qui ramènerait indéfiniment au point de départ, mais une progression orientée vers Dieu, une montée dans l'amour vers la plénitude du bonheur avec Dieu et en Dieu.
Enfin, c'est parce que Dieu est et sera toujours présent à chaque instant de notre vie avec sa fidélité et sa providence que nous ne devons pas nous laisser troubler par les aléas des lendemains. Il est sûr que l'année nouvelle nous apportera sa charge de souffrances physiques ou morales. Mais ici encore toute angoisse serait déplacée : ce serait oublier que dans chaque instant qui viendra, si éprouvant soit-il, il y aura Dieu avec sa protection et sa tendresse paternelle.
Le poète a raison de proclamer : « Non, l'avenir n'est à personne... L'avenir n'est qu'a Dieu... . Tu ne prendras pas demain à l'Eternel. »
Mais il ne s'agit pas de le lui prendre, il s'agit au contraire de le lui laisser, de le lui donner volontairement, en nous abandonnant nous – même avec une confiance absolue. Puisqu'à la lumière de ces vérités, il nous est donné de reconnaître l'inestimable valeur que le temps confère à notre vie, efforçons-nous d'en exploiter à fond toutes les possibilités.
Faisons fructifier le temps.