Nous savons que Jésus, en s’offrant comme Victime d’Amour sur l’Autel de la Croix Jésus a mérité à Lui tout seul, en tant qu’Homme-Dieu, l’immense capital de grâce nécessaire au salut et à la sanctification du genre humain tout entier.
Toutefois, il n’a pas voulu agir seul pour monnayer en quelque sorte ce merveilleux et inestimable trésor, pour appliquer la grâce à chaque âme en particulier et c’est pourquoi dans sa divine Sagesse, il a décidé de nous associer à lui pour que nous soyons réellement ses collaborateurs dans l’œuvre la plus grandiose qui puisse s’accomplir en ce monde : la conversion et la divinisation des âmes.
Cette collaboration effective au Christ Rédempteur s’appelle : l’APOSTOLAT.
C’est la plus haute expression de l’amour fraternel, la charité des charités. L’Apostolat, en effet, a pour unique objectif le plus grand bien de nos frères et ce plus grand bien c’est celui que Dieu notre Père, veut pour eux, comme pour nous : à savoir, une communion parfaite et comblante avec Lui, par le Christ, dans le feu de l’Esprit-Saint ; autrement dit la vie éternelle en sa phase terrestre qui est l’état de grâce et en sa phase céleste qui est l’état de Gloire. Puisque dans la surabondance de son Amour, Jésus a tenu ainsi à nous associer à son Œuvre Rédemptrice en y réservant une place à notre activité, nous pouvons affirmer que désormais notre collaboration, quelle qu’en soit la forme est nécessaire ; cela veut dire que pour annoncer le message évangélique, favoriser les conversions, guider et entraîner les âmes sur le chemin de la Sainteté. Jésus veut, selon une expression de Péguy, avoir besoin de nous et que par conséquent il doit pouvoir compter sur nous. Nous devons en être saintement fiers, mais gardons-nous bien d’oublier qu’il en résulte pour nous une très lourde responsabilité. Le salut de nos frères dépend en partie de la générosité avec laquelle nous répondons à tout ce que le Seigneur attend de nous pour l’aider dans son immense tâche, ce mystère redoutable, certes, écrit Pie XII dans son Encyclique sur «Le Corps Mystique», et qu’on ne méditera jamais assez « le salut d’un grand nombre dépend des prières et des mortifications volontaires supportées à cette fin par les membres du Corps Mystique du Christ et de la collaboration des pasteurs et des fidèles ».
Pensons qu’au jour du jugement, Jésus nous dira : « Qu’as-tu fais de ton frère ? » « Où sont les âmes que tu aurais dû sauver avec Moi et que tu n’as pas sauvées ? »
Oui, il faut que chacun prenne à son compte la parole de saint Paul dans la Première Lettre aux Corinthiens : « Malheur à moi, si je n’évangélise pas ! »
Cette évangélisation est d’autant plus urgente et nécessaire qu’il y a grande pitié au royaume des âmes. Elles sont de plus en plus nombreuses, en effet, celles qui vivent loin de Dieu, dans les ténèbres de l’erreur et sous l’esclavage du péché.
La pensée de ces âmes malades et infirmes, blessées, défigurées, sourdes à la voix du Christ, fermées à sa lumière, insensibles à son Amour, sous-alimentées spirituellement, en grand danger de perdition, devrait nous hanter jour et nuit et nous causer un véritable tourment apostolique, nous provoquant à dire comme saint Paul : « La Charité du Christ nous presse ». Cette charité apostolique qui est selon une expression très juste du Père Eyler peut et doit se concrétiser sous différentes formes.
Habituellement lorsqu’on parle d’Apostolat on pense d’abord (et presqu’exclusivement) à l’activité extérieure ; celle-ci est nécessaire, elle est voulue par Dieu, mais elle ne constitue pas l’unique forme d’Apostolat.
D’ailleurs contemplons Jésus, lui qui durant toute la vie fut l’Apôtre par excellence et envoyé du Père pour notre salut. Ce n’est pas seulement par l’activité déployée durant les trois dernières années de sa vie (consacrées principalement à la prédication de l’Evangile et au contact direct avec les âmes) qu’il a réalisé son œuvre Rédemptrice, c’est encore par l’obéissance, le silence de sa vie cachée, par sa prière continuelle et surtout par sa généreuse immolation, dont le point culminant fut le suprême Sacrifice de la Croix.
Puisque, par définition, notre Apostolat consiste à nous associer à tout ce que Jésus a fait pour sauver le monde, il est bien évident qu’il ne saurait se limiter à la seule activité extérieure, mais qu’il doit à l’exemple du Divin Maître, s’exercer aussi et même essentiellement par la prière et par le sacrifice.
Il faut donc distinguer deux formes fondamentales d’Apostolat :
- l’Apostolat intérieur de la prière et de l’immolation, prolongement de la vie cachée et de la Passion du Sauveur,
- l’Apostolat extérieur de la parole et des œuvres, prolongement de sa vie apostolique.
Toutes les deux sont une réelle participation à l’œuvre rédemptrice ; cependant il existe entre elles une grande différence à savoir que l’Apostolat intérieur est comme la racine nourricière indispensable à la vitalité et à l’efficacité de l’Apostolat extérieur. Il ferait fausse route, en effet, celui qui voudrait sauver les âmes sans que son action ne soit soutenue et vivifiée par la prière et le sacrifice. Par contre l’activité extérieure peut très bien manquer en certains cas, sans que soit diminué l’intensité et la fécondité de l’Apostolat intérieure. Nous avons grand besoin en ces temps où règne l’activisme, l’agitation fébrile, de nous convaincre que tout chrétien est Apôtre non seulement en raison de l’activité qu’il déploie, mais principalement à cause de sa participation à la prière et à l’immolation par lesquels Jésus a racheté le monde. Ceci étant dit, essayons de voir maintenant en quoi consiste de façon plus précise :
- tout d’abord l’Apostolat de la Prière
- ensuite l’Apostolat de l’immolation ou de la souffrance offerte par amour
- puis l’Apostolat de l’exemple qui est, lui aussi, d’ordre intérieur.
Nous verrons enfin de quelle manière doit s’exercer l’Apostolat extérieur de la parole et de l’action.
I - Premièrement, en quoi consiste l’Apostolat de la Prière ?
Nous l’avons vu en commençant, depuis que Jésus est mort pour nous sur la Croix. La Rédemption de l’humanité est un fait accompli, chaque homme qui vient au monde est déjà un racheté en ce sens que le sang précieux de Jésus lui a mérité toutes les grâces nécessaires à son salut et à son progrès spirituel. Il ne reste qu’à appliquer ces grâces à chaque âme en particulier. C’est ici précisément que le Seigneur veut notre collaboration au point qu’il a établi de faire dépendre de notre prière la concession de certaines grâces nécessaires à notre salut ; et à celui du prochain. Autrement dit le Seigneur est toujours prêt à répandre sur les hommes les bienfaits de la Rédemption à condition toutefois que des mains suppliantes se lèvent vers le ciel pour les obtenir. Tant que notre prière, une prière humble, confiante, ardente et persévérante ne parvient pas à émouvoir les Saints Cœurs de Jésus et de Marie, la grâce n’est pas accordée ; c’est ce qui explique la nécessité absolue de la prière apostolique et sa grande efficacité. La prière en effet, puise directement la grâce à sa source qui est Dieu et par conséquent rien ne peut lui être substitué. Notre activité, nos paroles, nos œuvres, peuvent jouer un certain rôle pour disposer le terrain à la grâce, mais celle-ci ne descendra pas pour inonder les âmes si la prière manque. A la lumière de ces vérités nous pouvons mieux apprécier la portée des exhortations pressantes de Jésus « Il faut toujours prier et ne jamais se lasser ». « Demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira ». « Tout ce que vous demandez dans vos prières, croyez que vous l’avez reçu et vous l’aurez ». Exhortation que la très Sainte Vierge, Mère de l’église ne cesse de reprendre comme en écho au cours de ses visitations à la terre. Il faut bien prier mes enfants « Priez pour les pêcheurs », « mais priez mes enfants Dieu vous exaucera en peu de temps ». « Je veux qu’on dise le chapelet tous les jours ».
Ordinairement nous ne pouvons avoir la certitude que nos prières seront exaucées parce que nous ne savons pas si ce que nous demandons est conforme à la volonté de Dieu. Mais lorsqu’il s’agit de la prière apostolique qui sollicite pour les âmes des grâces de conversion ou de croissance spirituelle, le cas est différent. En effet, lorsque nous prions dans un but apostolique, nous nous insérons dans ce plan que Dieu même a disposé de toute éternité pour le salut des hommes. Ce plan, Dieu désire le réaliser infiniment mieux que nous et dès lors nous ne pouvons douter du résultat de notre prière. C’est précisément à cause de cette efficacité que la prière pour nos frères séparés ou éloignés de Dieu, constitue un des plus puissants moyens d’Apostolat.
Thérèse de Lisieux, alors qu’elle était encore une enfant, avait parfaitement compris cette vérité. Rappelons-nous son émouvante intercession en faveur du bandit Pranzini. Ayant appris que cet homme sans repentir allait être exécuté, elle se mit à prier avec une insistance et une ferveur peu communes implorant la grâce de sa conversion. Quelle ne fut pas sa joie reconnaissante lorsqu’elle lut dans le journal, qu’au dernier moment Pranzini avait donné enfin un signe non-équivoque de repentir en embrassant le Crucifix qui lui était présenté par l’Aumônier. Le Seigneur avait magnifiquement exaucé la petite Thérèse. Ah ! Si nous savions la puissance et l’extraordinaire fécondité de la prière ; surtout celle du Rosaire qui est si chère à Marie, la Médiatrice de toutes les grâces !
II - Dans la même ligne que la prière, il y a cet autre grand moyen apostolique Qui est la souffrance offerte par Amour. Jésus nous demande en effet, à nous qui sommes les Membres de son Corps mystique, de collaborer à l’effusion de sa grâce dans les âmes en offrant avec les siennes toutes nos souffrances, dans une intention corédemptrice, en communion d’âme avec Marie qui, en cela comme en toutes choses, est notre parfait modèle. Ce mystère d’immolation corédemptrice, il nous fait accepter de le vivre en notre cœur et en notre chair, sous la forme et dans le temps que Dieu veut, sous peine de stérilité. Jésus nous enseigne, en effet, autant par sa vie que par ses paroles que toute souffrance dans la mesure où elle est transfigurée par l’amour devient une source merveilleuse de fécondité apostolique « Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt il reste seul, mais s’il meurt il porta beaucoup de fruit ».
« Appelés sur les pas d’un Rédempteur crucifié nous ne valons que par notre puissance de Rédemption et la taille de notre Croix mesure notre grandeur ». Cette phrase de Jacques d’Arnoux a été vécue avant d’être écrite. Il est bien certain en effet, que l’acceptation généreuse de la Croix est aux yeux du Seigneur, le critère du véritable Amour et confère sur son cœur une puissance irrésistible. Tous les grands convertisseurs d’âmes en ont su quelque chose. Ce que la prière n’arrive pas à obtenir, la souffrance l’emporte, ce qui faisait dire au Père Chevrier « on instruit les âmes par la parole, mais on les sauve par la souffrance ». Certes, il faut croire à l’importance du témoignage et du dévouement pour diffuser la lumière de l’Evangile. Mais l’action humaine est toujours limitée, la parole peut dans certains cas, être mal reçue, les conseils peuvent être mal interprétés et exaspérés. Au contraire la participation aux souffrances du Sauveur exerce dans l’ordre de la Communion des Saints une influence d’autant plus efficace qu’elle est discrète et que rien (excepté le cas tout de même assez rare d’une volonté enfoncée délibérément dans le mal) ne vient s’y opposer.
Celui qui, dans le silence et l’obscurité offre sa souffrance au Seigneur, travaille plus puissamment que les personnages brillants qui tiennent le devant de la scène sous les feux de la rampe, car c’est avant tout dans l’humilité que sa grâce peut opérer, c’est par le dedans que son Royaume s’étend effectivement sur la terre.
Ces belles vérités, capables de stimuler notre générosité à l’heure de l’épreuve, une grande chrétienne, Elisabeth Lesoeur les a résumées dans une admirable Profession de Foi, que nous aurions tout intérêt à faire nôtre, la voici :
«Je crois que la souffrance a été accordée par Dieu à l’homme dans une grande pensée d’Amour et de miséricorde. Je crois que Jésus Christ a transformé, sanctifié et presque divinisé la souffrance. Je crois que la souffrance est pour l’âme la grande ouvrière de Rédemption et de sanctification. Je crois que la souffrance est féconde, autant et parfois plus que nos paroles et nos œuvres et que les heures de la Passion du Christ ont été plus puissantes pour nous et plus grandes devant le Père que les années mêmes de sa prédication et de son activité terrestre. Je crois qu’il circule parmi les âmes : celles d’ici-bas, celles qui expient, celles qui ont atteint la vraie vie un vaste et incessant courant fait des souffrances, des mérites et de l’Amour de toutes ces âmes et que nos plus infimes douleurs, nos plus légers efforts peuvent atteindre par l’action divine des âmes chères ou lointaines et leur apporter la lumière, la paix et la sainteté. Je crois que dans l’éternité nous retrouverons les bien-aimés qui ont connu et aimé la Croix et que leurs souffrances et les nôtres se perdront dans l’infini de l’amour divin et dans les joies de la définitive réunion. Je crois que Dieu est Amour et que la souffrance est, dans sa main, le moyen que prend son amour pour nous transformer et nous sauver ».
Conclusion pratique : ne laissons gaspiller aucune de nos souffrances en nous contentant de nous y résigner. Efforçons nous de les valoriser au maximum en les offrant dans une intention corédemptrice, sans quoi nous risquons de priver bien des âmes du sérum d’Amour dont Jésus a besoin pour les sauver.
III - Réfléchissons maintenant à cet Apostolat irremplaçable mais accessible à tous qui est celui du témoignage, le témoignage d’une vie exemplaire et sainte. Comme il se réalise avant tout par la manière d’être, plutôt que par la parole ou l’action, il est lui aussi essentiellement d’ordre intérieur. Il n’est pas demandé à tous les chrétiens d’annoncer l’Evangile par un enseignement oral ou écrit, ni de s’engager dans telle ou telle œuvre d’Apostolat organisé, mais il est demandé à tous sans exception de se conduire de telle manière que leur vie soit un témoignage lumineux et entrainant. « Vous êtes la lumière du monde et le sel de la terre » nous dit Jésus dans ce passage de l’Evangile qui sera proclamé tout à l’heure à la Messe : « On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau mais bien sur le lampadaire ou elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison ».
Nous connaissons tous par expérience la puissance attractive de l’exemple « il n’y aurait plus de païen, affirme St. Jean Chrysostome, si les chrétiens étaient ce qu’ils devraient être, s’ils observaient vraiment les préceptes. La vie bonne est une voix plus aigüe et plus forte qu’une trompette. Le bon exemple s’impose par lui-même, il a une autorité et exerce un attrait fort supérieur à ceux de la parole ».
La mentalité moderne, assoiffée d’expérience a un besoin plus particulier de ces témoignages vécus capables d’offrir non seulement des belles théories de vie spirituelle, mais surtout des incarnations concrètes de la vertu, de l’idéal de la sainteté et de l’union à Dieu. Comprendrons-nous jamais assez que notre premier devoir apostolique c’est de prolonger parmi les hommes la présence et la vie de Jésus-Christ. Notre bien-aimé Sauveur veut en effet que nous lui soyons « une humanité de surcroît ». Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. De même qu’en son séjour, ici-bas, Jésus s’est montré le Témoin et le Révélateur du Père, pas seulement par ses paroles, mais par toute sa façon de vivre, de même qu’à travers son Humanité Sainte, on voyait transparaître Dieu invisible et que surtout dans son amour, on apercevait l’amour infini de Dieu. Il faudrait qu’à travers notre vie on puisse discerner sans trop de peine, au moins quelques rayons de l’éblouissante Sainteté du Christ et qu’on se sente comme fasciné par la puissance irrésistible de son Amour.
Ce qui importe, en définitive, ce n’est pas tant de démontrer Dieu que de le montrer. Pour prendre une image familière au monde moderne, disons que chacun de nous devrait se considérer comme une télévision du Christ.
A tous ceux qui nous observent, qui s’interrogent à notre sujet, il s’agit de montrer sur le petit écran de notre vie une image de Jésus qui ne soit pas trop voilée ou déformée, mais aussi fidèle, aussi ressemblante, aussi attrayante que possible.
Il avait fort bien compris, cette exigence du témoignage par une vie reflétant la Sainteté même du Christ, ce jeune chrétien qui adressait à Jésus cette prière : « Fais Seigneur qu’en me voyant, ils te reconnaissent ».
Demandons-nous aussi, instamment, par l’intercession de Marie la grâce d’être les ostensoirs et les révélateurs de celui qui est pour tous la vérité et la vie, l’unique chemin du bonheur.
IV - Les Apostolats de la prière, de la souffrance offerte par amour et de l’exemple sont obligatoires pour tous les chrétiens. Par contre l’engagement dans les formes actives de l’Apostolat extérieur n’est jamais imposé aux laïcs. Il est en quelque sorte une vocation. On le choisit en fonction de ses aptitudes, compte tenu des conditions de vie dans lesquelles on se trouve. Très diverses sont les œuvres d’Apostolat extérieur : catéchèse, enseignement religieux, annonce de l’Evangile par la presse, par la radio, et la télévision (là ou c’est possible), éducation catholique dans les écoles ou les mouvements de Jeunes, organismes caritatifs etc...
Elles sont toutes nécessaires pour promouvoir l’Evangélisation et la sanctification des hommes car elles sont, ne l’oublions pas, le prolongement de l’activité apostolique de Jésus. Dans le champ de l’Apostolat, nous explique saint Paul, il y a diversité de fonctions, nombreux sont les emplois d’importance et de valeur différentes et cependant tous proviennent d’un même esprit, l’Esprit-Saint « qui distribue ses dons à chacun en particulier, comme il lui plait et en même temps les ordonne tous à une fin unique : l’accroissement du corps mystique du Christ » (I Cor.XII).
L’enseignement si lumineux de ce géant de l’Apostolat que fut saint Paul a été repris et explicité en notre temps par le Concile Vatican II, notamment dans trois grands textes : « La Constitution Dogmatique sur l’Église », le décret sur l’Apostolat des laïcs et le décret sur l’activité missionnaire de l’Eglise. Nous avons tous intérêt à lire et à méditer longuement cette doctrine conciliaire particulièrement riche qui constitue une véritable charte de l’Apostolat pour l’Eglise de ce temps. Il y est rappelé, entre autres, qu’à tous les laïcs incombe le devoir unique de travailler pour que le projet divin de salut atteigne de plus en plus tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux. Que les laïcs ont d’innombrables occasions d’exercer l’Apostolat d’évangélisation et de salut, et surtout que les laïcs doivent exercer concrètement leur Apostolat en s’efforçant notamment « de pénétrer l’ordre temporel d’esprit évangélique, travaillant à son progrès de telle manière qu’en ce domaine, leur action rende clairement témoignage au Christ et serve au salut de tous les hommes. Le propre de l’état des laïcs étant de mener leur vie au milieu du monde et des affaires profanes, ils sont appelés par Dieu à exercer leur Apostolat dans le monde à la manière d’un ferment grâce à la vigueur de leur esprit chrétien ».
En tous cas, ce qu’il ne faut jamais perdre de vue lorsque nous nous dépensons dans un Apostolat extérieur, c’est qu’aucune forme d’action que nous employons peu par elle-même sauver ou sanctifier les âmes. On ne peut pas plus changer une âme par un effort humain que voir avec les mains ou raisonner avec les yeux. Seule la grâce jaillissant du cœur transpercé de Jésus et transfusée par Marie, la mère de la divine grâce est capable de convertir et de sanctifier les âmes.
Bien sûr nous devons agir, mais en ayant clairement conscience que notre action servira le règne du Christ et le bien des âmes uniquement dans la mesure où nous agirons comme instrument de la grâce, jouant le rôle de fils conducteurs de la lumière et de l’amour. On peut donc dire que la condition unique et essentielle de la fécondité de notre action apostolique se trouve dans notre docilité à la grâce, dans notre souplesse entre les mains de Jésus et de Marie. Malheur à nous, donc, si nous prétendons réussir un Apostolat quelconque par des moyens humains de séduction et de succès, en ne comptant que sur nos efforts et nos œuvres, nos talents et notre habileté, car nous avons cessé alors d’être les apôtres du Christ pour appartenir au monde et c’est le monde qui en fait a triomphé de nous parce que nous nous sommes détournés de la croix de Jésus-Christ, seule capable de vaincre le monde. Si au contraire nous ne comptons absolument pas sur nos aptitudes et talents naturels ou sur les moyens humains, mais uniquement sur la puissance de la Croix Glorieuse ( ce qui suppose un détachement total des résultats visibles de notre action, alors en dépit des échecs, des oppositions ou des persécutions, nous sommes en Jésus crucifié et glorifié les grands vainqueurs de ce monde d’erreurs et de pêché. Tel est le programme apostolique que saint Paul a exposé une fois pour toutes dans les deux premiers chapitres de la Première Lettre aux Corinthiens. Nous en retiendrons pour l’instant la phrase clé, celle qui résume tout le reste. Nous l’entendrons d’ailleurs au cours de la Messe, puisqu’elle a été choisie comme 2ème lecture pour ce 5ème Dimanche ordinaire). « Frères, quand je suis venu chez vous, je ne suis pas venu nous annoncer le Mystère de Dieu avec le prestige du langage humais ou de la sagesse. Parmi vous je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus et Jésus crucifié ».
Pour conclure, l’ensemble de ces réflexions, je vous cite une parole de saint François de Sales qui pourrait être le mot d’ordre de toute vie apostolique. « Il faut se passionner pour acheminer les âmes à Dieu ».
Aujourd’hui le monde entend se passer de Dieu. C’est son malheur, car plus que jamais il a besoin de Lui. Il est urgent de lui donner Dieu et d’abord d’acheminer les âmes â Dieu. Pour l’accomplissement de cette tâche il faut se passionner, car elle est vraiment passionnante. Combien se passionnent pour une idéologie ou pour l’argent ! Combien se passionnent pour la gloire humaine ou tout simplement pour des bagatelles !
Soyons quant à nous, de plus en plus passionnés du règne de Jésus par Marie. A cette grande cause, donnons-nous à fond !