Johannes de Habsbourg-Lorraine, arrière-petit-fils du dernier couple impérial d’Autriche, sera ordonné prêtre le 16 juin 2018 à Vérolliez (VS), au sein de la Fraternité Eucharistein. Parcours atypique d’un “enfant du grand monde” qui a finalement trouvé Jésus auprès des “petits”.
“Mon Père, je m’abandonne à toi. Fais de moi ce qu’il te plaira”. Cette prière du bienheureux Charles de Foucauld est la préférée de Johannes de Habsbourg-Lorraine. Elle reflète au plus près sa trajectoire de vie, profondément marquée par un “lâcher-prise” face à la volonté de Dieu. Un Dieu qui l’a finalement “planté” dans une terre à laquelle sa naissance ne le destinait pas.
Johannes a en effet vu le jour en 1981 au sein d’une des plus fameuses familles d’Europe : les Habsbourg. Une dynastie traditionnellement catholique qui a été déterminante dans l’histoire du continent. Ses arrières grands-parents sont Charles Ier et Zita de Bourbon-Parme, dernier couple impérial d’Autriche. La Suisse a été leur premier pays d’exil, après la chute de la monarchie austro-hongroise en 1918. Charles Ier mourra sur l’île portugaise de Madère, en 1922, et sera béatifié par saint Jean Paul II à Rome, en 2004. Zita, après maintes péripéties à travers le monde, finira ses jours à Zizers, dans les Grisons, en 1989. Son procès en béatification a été ouvert en 2008.
Un Dieu présent, mais pas encore dans la vie concrète
Dispersés ensuite dans le monde, certains Habsbourg sont revenus en Helvétie. C’est le cas de la branche à laquelle appartient Johannes. Il passe ainsi la plus grande partie de son enfance dans le village fribourgeois de Torny-le-Grand. Son père travaille à Fribourg. Sa famille est profondément pratiquante, assistant à des messes même en semaine. Mais pour Johannes, la figure de Jésus se résume alors à une connaissance notionnelle. “J’étais pieux. J’allais à la messe et je priais, mais sans réellement savoir que le Christ est vivant, qu’il s’est incarné pour être réellement avec nous”, admet-il.
Coup d’œil sur la “vanité du monde”
Johannes a, à ce moment de sa vie, d’autres préoccupations en tête que la religion. Il ambitionne de faire carrière dans le monde de la finance. Après avoir fait ses classes à Romont, puis au collège St-Michel de Fribourg, il commence des études d’économie à l’Université de St-Gall. À seulement 23 ans, il intègre une banque parisienne spécialisée dans les fusions-acquisitions. Prestige, argent, visibilité, il y trouve ce qu’il cherchait.
Mais au fond de lui, quelque chose ne va pas. “J’étais entouré de gens ouverts et sympathiques, dans une bonne ambiance. J’avais beaucoup d’amis. Mais je me sentais en même temps très seul et j’avais un profond sentiment de manque intérieur”. Dans ce milieu où l’amour n’est jamais réellement gratuit, il acquiert une “compréhension de la vanité du monde”. “Il n’y a rien de mal à faire de la finance, mais j’ai saisi que l’on ne peut pas mettre toute sa vie, toute sa confiance là-dedans”. Il quitte la banque parisienne après un an pour se consacrer totalement à une autre quête : celle du sens.
“Dis à Jésus de venir dans ton cœur”
Son père, Rodolphe d’Autriche, engagé à l’institut Philanthropos, à Fribourg, l’invite alors à passer un jour sur place. Un “nouveau monde”, où il rencontre des personnes pour lesquelles “Dieu est tout”. Il comprend alors encore plus profondément que son cœur a soif du Christ et décide d’entreprendre des études à l’institut sis sur la colline de Bourguillon.
Au cours de son cursus, il a une discussion décisive avec sa petite sœur, Marie-des-Neiges, qui, à seulement 17 ans, “a fait une rencontre personnelle avec Dieu”. “Dis à Jésus de venir dans ton cœur”, lui suggère-t-elle. Une phrase qui suscitera en lui une supplication intérieure, jusqu’à ce matin d’octobre 2005, où il officie comme servant de messe, à la chapelle de Philanthropos. Il ressent alors, dans une incroyable joie, l’amour que le Christ lui porte. “J’ai eu une soudaine connaissance existentielle que Jésus était tout et que j’étais fait pour lui”. Une expérience qu’il décrit comme indicible. “Je savais à partir de là que dans les plus grands moments de doute et de peur, je pourrais toujours revenir à ce point”. L’idée de devenir prêtre commence alors à germer en lui. “J’ai toujours eu le goût de l’extrême. Cela a été le cas pour ma carrière dans la banque. Cela a aussi été le cas avec ma ‘carrière’ spirituelle. Je voulais tout donner à Jésus”.
Premier “agenouillement”
Dès le début de ses études à Philanthropos, il se rapproche de la Fraternité Eucharistein, basée en Valais. Il est impressionné par la ferveur, l’adoration, l’accueil des pauvres qui règne parmi ses membres. Il décide alors de faire une année sabbatique dans la communauté. Direction Château Rima, dans le sud de la France.
Dès le premier soir, il y fait une rencontre déterminante pour son cheminement spirituel. David est un jeune marginal passé par la drogue et les hôpitaux psychiatriques. Ce jeune homme qui lui paraît d’abord “très étrange” lui parle pendant des heures de sa passion pour Star Wars. “Je me suis demandé comment j’allais pouvoir passer une année avec ce type. Il était aux antipodes des milieux que je fréquentais d’habitude”. Un défi pour Johannes, qui sent pour la première fois de sa vie son incapacité viscérale à aimer son prochain en vérité. Il crie alors vers Dieu pour Lui demander la grâce de pouvoir dépasser cet égocentrisme. “Cela a été pour moi un premier ‘agenouillement'”. Finalement, une belle et durable amitié s’est créée entre lui et David. Johannes deviendra notamment son parrain de confirmation. Il lui a promis de faire son possible pour venir à son ordination à Vérolliez.
S’abandonner à Dieu
En 2011, retour sur les bancs de l’uni. À Fribourg cette fois, jusqu’à l’obtention d’un master en théologie, en 2015. Son mémoire de fin d’études s’intitule “La menace divine”. “Beaucoup de personnes, explique-t-il, craignent de s’abandonner totalement à Dieu dans leur vie concrète, car elles ont peur d’avoir à renoncer à leurs certitudes et à leurs acquis. La Bible aussi est bourrée de ces lieux où Dieu paraît être une menace pour son élu. Mais Dieu s’avère finalement comme l’Infiniment Bon, celui qui seul peut en vérité ressusciter l’homme”.
De retour à temps complet dans la Fraternité Eucharistein, Johannes a beaucoup d’autres rencontres avec ces “petits” dont parle l’Évangile. L’une des missions que s’est donné la communauté est en effet d’accueillir et de soutenir les “oubliés” de la société. Muni d’une sensibilité intellectuelle et artistique, il est amené à réaliser avec eux des tâches principalement manuelles. Des occupations et des fréquentations qu’il y a encore dix ans, il n’aurait jamais pensé avoir. “Dieu m’a pris à contre-pied. Il m’a dit, comme pour Abraham ou Moïse, ‘quitte ta terre’. J’ai compris qu’il m’avait ‘planté’ dans cette terre nouvelle, où je pouvais donner les meilleurs fruits”. (cath.ch/rz)
Vœux définitifs dans la Fraternité
Johannes de Habsbourg réside depuis un an dans la maison d’Eucharistein à St-Jeoire, en France voisine. Il sera ordonné prêtre le 16 juin 2018, à Vérolliez, sur le champ des martyrs, juste à côté de l’Abbaye de Saint-Maurice. Didier Berthod sera également ordonné dans la communauté Eucharistein. Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon et prélat référent de la Fraternité présidera la cérémonie.
Dans la foulée, les vœux définitifs seront prononcés en même temps par 16 membres de la communauté, dont son fondateur Nicolas Buttet. En effet, la Congrégation pour les instituts de vie consacrée a autorisé les membres d’Eucharistein à faire leurs vœux définitifs dans la Fraternité : une nouvelle étape dans les démarches pour sa reconnaissance canonique.
Johannes confie sa hâte de renforcer encore son engagement envers son prochain, l’Église et la Fraternité. Il souhaite se mettre pleinement au service du charisme particulier d’Eucharistein, qui implique le développement de la foi à travers la vie communautaire, la dévotion eucharistique, ainsi que le partage de vie avec les personnes en difficulté.
Source : https://www.cath.ch par Raphaël Zbinden.